PAYS DU GIER

 

HISTOIRE DES SERRURIERS

 

 

L'histoire des serruriers du Pays de Jarez débute avec l'exploitation du charbon de terre. Le filon s'étend de Firminy à Givors, et même au-delà du Rhône.

Ce n'est qu'à partir du XIIe siècle qu'apparaissent de petits ateliers, au sein même des habitations. Ils répondent aux besoins les plus courants de l'époque et concernent surtout la fabrication d'outils agricoles, d'armes blanches, sans doute, aussi, déjà, de clous, de ferrures pour le bâtiment. Il faut dire que le terrain est propice. A certains endroits de la vallée, il suffit de se baisser pour ramasser le charbon de terre ; à défaut, il se trouve à quelques centimètres de la surface du sol. L'énergie est donc toute trouvée, à peu de frais. Pour la trempe, les eaux du Gier, du Janon sont très pures : elles ont été un élément déterminant non seulement pour la métallurgie, mais aussi pour la teinturerie. Quant au fer, au moins les premiers temps, on le trouve à Saint Etienne dans les carrières de grès houiller qui sert à la construction des bâtiments. On en trouve, également, en moindre quantité, dans des carrières de ce même grès dans la vallée du Gier.

A partir du XVIe siècle 1, les fabrications se différencient d'une ville à l'autre Cette petite métallurgie appelée aussi clinquaillerie ou clincaillerie est l'affaire des couteliers, des armuriers, des serruriers, des ferronniers. Si l'on trouve quelques serruriers à Saint Chamond, comme un certain "Philippe Bernard, maître-serrurier en 1670, installé rue Saboutin"  2, le bourg le plus important en ce domaine est Saint Martin la Plaine. En 1788, l'exportation des serrures se fait dans toute la France : "…Les lingots de métal étaient d'abord traités dans les fenderies. Elles étaient situées à proximité de la route de Lyon au Puy, la seule praticable pour des tonnages assez élevés, au voisinage des mines de houille, dont elles consommaient une grande partie et sur des rivières déjà puissantes. Il y en avait … 8 sur le Gier. On trouvait également des ateliers beaucoup plus simples portant le nom de "martinets". Leur outillage consistait en un marteau mû par une chute d'eau et servant à étendre l'acier en plaques. Les fenderies et les martinets de la vallée du Gier fournissaient la matière première aux industries de transformation, clincaillerie et armurie. La première industrie groupait une foule de branches : serrurerie, ferronnerie, clouterie, coutellerie, enfin production des ustensiles si nombreux et variés qu'on désigne encore aujourd'hui sous le nom de quincaillerie" 3.

En décembre 1650, Louis XIV évoque les statuts des maîtres-serruriers en province, en comparaison avec les maîtres-serruriers de la ville de Paris : "Nous voulons qu'ils soient reconnus dans toutes les villes du Royaume, qu'ils y travaillent librement, fabriquent, vendent et débitent en boutique ouverte. Ils peuvent former des apprentis et jouir des mêmes honneurs, droits, prérogatives et privilèges comme s'ils avaient été reçus maîtres".

En 1730, sont approuvés par le roi Louis XV les :

STATUTS,
REGLEMENTS
ET ORDONNANCES
DES MAITRES SERRURIERS JUREZ
De la Ville, Fauxbourgs & Banlieuës de Lyon
Tirée des Anciens Statuts & Règlements accordés par les Rois

CHARLES VIII. en l'an 1489. FRANCOIS I. en 1523.
HENRY III. en 1556. CHARLES IX. en 1571.
HENRY IV. en 1595. LOUIS XIII. En 1630.
LOUIS XIV. De Glorieuse Mémoire en 1670. Et LOUIS XV.
à present heureusement regnant 5

 

En 1768, Jean-François MICOL est serrurier à Rive-de-Gier. Il devient maître-serrurier en 1783.

"En 1809, un historien qui ignorait certainement la longue tradition de probité dans le travail et l'habileté peu commune des forgerons de Saint Martin, appelés "maréchaux", écrivait : "Un autre article important est la serrurerie. On établit des serrures depuis trois francs la douzaine jusqu'à trente-six francs la pièce, mais toutes celles de plus bas prix sont d'une qualité qui déshonore la fabrique et c'est principalement à cause de l'imperfection de cet article que la dénomination "d'ouvrage de Forez" est devenue dépréciative dans le commerce." 3

Les serrures pour le bâtiment … étaient transportées à dos de mulets à St Etienne et à Lyon. Elles étaient ensuite expédiées par le Rhône dans tout le midi de la France et par la Saône dans la Bourgogne et jusqu'à Paris." 3

Vers 1840, la fabrique de quincaillerie la plus en vue était celle de M. Marrel qui occupait de 25 à 30 ouvriers.

Durant le XIXe siècle, l'industrialisation du Pays du Gier va modifier la donne. Sans abandonner la serrurerie, les forgerons de Saint Martin la Plaine vont s'orienter vers d'autres productions : boulon, ranchet de voiture, ferronnerie du bâtiment, chaîne pour la marine, chaînerie en général et ferronneries diverses. Par contre, de nouvelles entreprises sont créées. Leurs propriétaires n'ont pas toujours une expérience suffisante pour gérer leur établissement dans un monde en pleine tourmente économique. Cela fait l'affaire des plus audacieux. C'est le cas de Marrel qui va acheter, à Saint Chamond, une petite usine métallurgique :

"L'usine de Langonan, fondée en 1843 par MM Bonand et Mincieux, ne se composait alors que d'une fonderie d'acier au creuset et d'une batterie de martinets pour l'étirage des aciers…Dès la prise de possession de l'usine en 1862, MM Marrel et Bouché s'attachèrent à continuer et à améliorer la fabrication des aciers fondus au creuset, aciers corroyés et aciers naturels, qui étaient la spécialité de leurs devanciers. De plus, par l'acquisition du brevet Granotier, en 1862, ils répandirent et perfectionnèrent la fabrication des fers d'ornement, à dessins et à moulures, employés dans les travaux de serrurerie artistique. L'usine de Langonan est la seule de France et de l'étranger qui produise les fers d'ornement : tous les modèles sont déposés. Elle occupe, en 1890, un personnel d'environ cinquante ouvriers." 4.

Comme la plupart des petites entreprises métallurgiques, les fabricants de serrures et de quincaillerie ont disparu. Les regroupements au XXe siècle, la mondialisation aujourd'hui, ont eu raison de l'un des secteurs à l'origine de la réputation du Pays du Gier.

 

   

                                                                                  Crochet de tablier de serrurier     C (enclume) F

 

 

 

Bibiographie

1 Bernard Plessy, La vie quotidienne en Forez avant 1914, Ed. Hachette 1981

2 G. Chaperon, Saint Chamond Au fil du temps, Actes graphiques, Saint Etienne, 2010

3 J. Combe, Saint Martin la Plaine, Editions Dumas, St Etienne, 1960

4 J. Condamin, Histoire de St Chamond, A.Picard 1890 réédition Reboul Imprimerie 1996

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