PAYS DU GIER
HISTOIRE DES MAÇONS
Le maçon est à la base de toute la structure du bâtiment. Sans lui, les autres artisans peuvent passer leur chemin. Sans lui, pas de pyramide, pas de temple grec ou romain, pas d'aqueduc, pas de pont, pas d'église, pas de palais, pas, non plus, de ces modestes maisons à colombage, témoins de l'habitat des artisans et du petit peuple du Moyen-Âge.
Dès sa création au XIIIe siècle, la corporation des maçons accueille les tailleurs de pierre, les plâtriers et les morteliers, faiseurs de mortier ou, suivant l'auteur, d'auges en pierre. A cette époque, le maçon réunit de nombreuses fonctions, notamment, pour les plus doués, celui d'architecte. C'est lui qui dirige les travaux, évalue le montant des travaux, choisit les matériaux… C'est le maître des œuvres.
Sans doute, est-ce à cause de l'importance de son rôle que le métier de maçon est le plus souvent cité par nos historiens locaux, parfois associé à d'autres métiers du bâtiment, comme le charpentier.
Quelques noms nous sont parvenus : Estienne Barrot, maçon 1549, à Rive-de-Gier ; Antoine Trémollet, masson et charpentier, en 1662, à Cellieu ; Etienne Trémolay, masson et charpentier en 1691, à Cellieu ; Martin, également, masson et charpentier, en 1746, à Cellieu et, toujours dans le même village, Jean Rivoirard, maçon, en 1773 ; enfin, Claude Mathevon, maître masson, rue Froide, en 1670, à Saint Chamond.
Il nous paraît intéressant d'aborder ici, très modestement, les types de constructions que nous avons pu rencontrer dans notre Pays du Gier, et, plus largement, en France avec un petit détour (!) par quelques pays d'Europe et du Moyen-Orient.
Il semble que le premier matériau utilisé pour la construction d'un habitat solide soit la brique, crue ou cuite. On en retrouve la trace en Mésopotamie, à partir du VIe millénaire av. J.C. Sans doute existe-t-il au même moment des huttes en branchages ou en terre ou en excréments d'animaux séchés ou, encore, un habitat troglodytique (cavernes naturelles ou creusées par l'homme) destiné aux hommes ou aux dieux, comme à Pétra, en Jordanie ou, beaucoup plus près de chez nous, en Touraine...
Le torchis est le matériau de construction le plus ancien et le plus simple, constitué de terre, de fibres végétales et d'eau. Il vient remplir une ossature dite clayonnage, constitué de bois souples (noisetiers, châtaigniers…) entremêlés, tressés.
La pierre de taille fait son apparition au IVe millénaire, notamment en Egypte. Elle est réservée aux palais, aux temples, aux édifices religieux de toute nature, en particulier aux tombeaux comme les fameuses pyramides de Giseh. Pour le petit peuple, bois et briques sont les matériaux les plus utilisés.
Avec les Grecs et les Romains, les matériaux de base restent les mêmes, avec toutefois, des variantes dans la forme des maisons, dans les décorations. Les constructions les plus remarquables de cette période (Ier millénaire av. J.C.) qui soient arrivées jusqu'à nous proviennent du monde romain. Les fouilles archéologiques en Afrique du Nord, en Italie du sud (Ostie, Pompéi, Sicile…) montrent le niveau de luxe de la "domus", la maison du riche propriétaire, mais aussi l'évolution de l'habitat en relation avec l'augmentation de la population. C'est le cas de "l'insula", maison à étages, en briques, d'un confort variable, destiné le plus souvent à la location (nos anciens H.B.M. devenus H.L.M. en 1950).
Pour revenir dans notre vallée, on peut penser que l'influence romaine a joué un certain rôle durant les trois premiers siècles de notre ère, en grande partie grâce à la construction de l'aqueduc de Lyon. A ce sujet, il serait intéressant de voir ce que les photographies aériennes nous permettent de découvrir. Il est très probable que l'habitat du petit peuple était essentiellement en bois : le mont Pilat, comme aujourd'hui, était couvert de forêts. Il y avait, sans doute, des maisons en pierres sèches provenant de ce même Pilat et des monts du Lyonnais. Dans le métier de carrier – tailleur de pierre, nous évoquons la présence de ce grès houiller qui est à l'origine de la détérioration rapide de nombreux bâtiments de notre vallée.
La pierre de taille va refaire son apparition vers les XIIIe – XIVe siècles, toujours pour les plus riches : seigneurs de Saint-Chamond, chanoines-comtes de Lyon, ecclésiastiques, mais aussi riches marchands… A cette même époque, à côté de la brique, apparaît un nouveau mode de construction : la maison à colombages. Les murs sont composés d'une ossature en bois (verticaux, horizontaux, obliques… : sablières, décharges, tournisses…). L'espace entre les bois est rempli de terre, plutôt argileuse, de paille, de plâtre… ou un mélange, constituant le hourdage. La plupart des villes de France avait ce type de maisons. Les unes ont su les garder, ce qui donne un attrait supplémentaire pour le tourisme. D'autres, comme notre ville de Saint-Chamond, les ont fait disparaître au cours du XXe siècle : c'était le "quartier de la boucherie".
A partir du XVIIIe siècle et jusqu'au XXe siècle, le pisé va être le matériau de construction privilégié, en particulier en région Rhône-Alpes. La base est de la terre crue, mélangée avec des fibres végétales et de l'eau (torchis). Le tout est versé, comprimé dans un coffrage. On trouve dans notre vallée des pisés où la terre est remplacée par des scories.
A partir du XIXe siècle, le béton, le ciment, les moellons synthétiques, les nouveaux aciers, puis le verre… permettent de réaliser des constructions à moindre coût et d'atteindre des hauteurs que les architectes de la tour de Babel n'auraient pas imaginées.
Nous venons de donner un aperçu sur les matériaux de base. Comment se fait la liaison entre les différents éléments ?
Les premières constructions humaines ne font pas appel à un mortier. Les murs cyclopéens sont un amoncèlement magnifiquement ordonné de pierres énormes. Tout le monde a également entendu parler des murs en pierres sèches où, là encore, les pierres de plus petite taille, sont posées les unes sur les autres sans liant. On en retrouve encore dans nos campagnes : ce sont le plus souvent des murs de séparation ou des petites maisons.
En Orient et au Moyen-Orient, les maçons se servent très tôt des colles ou liants, à base de plâtre (gypse déshydraté, sulfate de calcium) et/ou de chaux (oxyde de calcium) : on en trouve des exemples au 3ème millénaire avant J.C., comme dans la pyramide de Khéops, près du Caire.
Les bâtisseurs grecs n'utilisent pas de mortier mais, curieusement, ils relient les pierres par des pièces en plomb, de forme variable.
Les romains construisent leurs temples sans mortier jusqu'à la création des voûtes. On en a un aperçu très net dans la construction des aqueducs, dont celui du Pays du Gier. S'il ne reste plus d'arches dans notre vallée, nous avons encore quelques piles qui montrent la composition des murs : cailloux, déchets de taille, le tout dans un mortier de chaux mélangée à du sable volcanique, coulé dans une structure creuse en appareil réticulé.
La chaux, malheureusement, n'est pas disponible pour tous, suivant les régions et les bourses. Elle est remplacée en tout ou partie par de la terre crue ou cuite, additionnée de sable, éventuellement de paille, et d'un peu d'eau. Les terres utilisées sont des marnes ou des argiles.
Finalement, grâce au développement de l'industrie chimique et aux exigences de la révolution industrielle, la recherche de mortiers performants et stables aboutit à la production d'un produit où se mêlent, grâce à une température très élevée, sels de calcium, d'aluminium, de silicium et de magnésium.
Bibliographie
Gérard Chaperon, Cellieu, Actes graphiques, Saint Etienne, 1999
Gérard Chaperon, Saint Chamond Au fil du temps, Actes graphiques, Saint Etienne, 2010
R. Lacombe, Recherches historiques II sur la Ville de Rive-de-Gier, F. Paillart Editeur imprimeur à Abbeville, 1985
Jean Burdy, L'aqueduc romain du Gier, Imprimerie Bosc Frères, 1996
FIN