PAYS DU GIER
HISTOIRE DES MÉTIERS DU PLÂTRE
PLÂTRIER STAFFEUR STUCATEUR
Une fois de plus, dans ces métiers du bâtiment, nous n'avons guère d'information sur les plâtriers qui ont embelli les demeures de nos ancêtres. Et pourtant, ils existaient bien. Un seul nous est cité, pour une action peu glorieuse. Et son nom fait plutôt penser à un surnom. On le trouve dans le récit d'un certain Jean-Louis BARGE, secrétaire de la mairie de La Valla, au moment de la Révolution :
"Je compris, d'après un auteur, qu'il était impossible à un chrétien d'oublier et d'abandonner la sublimité de sa religion. Que l'apparente indifférence que j'avais montrée pour elle était l'effet des abus de la religion et non pas la religion elle-même. Enfin, j'avais un secret espoir du retour d'icelle et je ranimais tous ceux qui secondaient mes entreprises. Comme il fallait abattre tous signes extérieurs de cette même religion, aucun de nous ne pouvait s'y résoudre. Le premier dimanche de janvier 1794, deux clubistes de Saint-Chamond, l'un appelé Chapard et l'autre Farinette, plâtrier, abattirent les croix de pierre qui décoraient le cimetière. Jean Thibaud, l'un de mes plus ardents collaborateurs, ne put retenir son indignation, gourma rudement, à coups de poing, les deux estafiers du club qui s'en furent au plus vite emporter leurs plaintes. De suite, Javogues ordonne l'arrestation du malheureux Thibaud…" qui réchappa à la guillotine, Javogues (notre Robespierre local) ayant lui-même gouté au plaisir de la Veuve.
C'est peu, quant au métier !
Alors comme nous l'avons déjà fait, nous allons esquisser une petite histoire de ce métier dans d'autres contrées, d'autres pays, d'autres temps.
Et d'abord, qu'est-ce que le plâtre ? Le matériau de base est un sulfate hydraté naturel de calcium appelé gypse. On le trouve dans les roches sédimentaires dans la plupart des pays : Chine (loin devant), Iran, Thaïlande, Etats-Unis… En Europe, la France est au deuxième rang, après l'Espagne, devant l'Allemagne.
Il se présente le plus souvent sous forme de roches. On trouve également des formes originales comme la rose des sables, ou, en Egypte, l'albâtre utilisable comme vitrage ou dans la fabrication de vases ou de statuaires.
Pour obtenir du plâtre, le gypse est chauffé pour être déshydraté. Suivant la température, la déshydratation est plus ou moins poussée. Le produit obtenu est broyé, donnant différents types de plâtres, plus ou moins pulvérulents. Au moment de son utilisation, le plâtre est réhydraté : c'est le gâchage. La prise est plus ou moins rapide. Moyennant l'adjonction d'adjuvants, il peut servir à la confection de carreaux, de plaques, de panneaux. Son utilisation, dans le bâtiment est liée à ses propriétés : résistance au feu, résistance thermique, résistance mécanique et recyclage par nouvelle déshydratation.
A l'époque qui nous intéresse, le plâtre est utilisé surtout comme enduit intérieur pour cacher les défauts de maçonnerie ou pour supporter des décorations : peintures unies ou, plus souvent, fresques d'inspiration très diverse comme la mythologie, la religion, la guerre et autres sujets, érotiques ou libertins… On retrouve cette fonctionnalité dès la plus haute antiquité, dans la plupart des civilisations. L'Egypte en garde d'innombrables exemples dans les tombeaux royaux.
Mélangé avec des terres de couleur ou avec de la poudre de marbre, le plâtre peut aussi prendre l'aspect de cette roche. C'est ce mélange qui donne le stuc. Les maisons des riches romains ou certaines maisons de "passage" en étaient pourvues : on en retrouve, par exemple, à Pompéi, en Sicile… L'enduit, réalisé en couches successives de composition de plus en plus fine, du mortier à la poussière de marbre, supporte un décor peint, moulé ou sculpté. On vise d'abord à créer un aspect de marbre en trompe-l'œil, avec ou sans relief, puis, à l'intérieur d'un cadre, l'artisan dessine des paysages ou des scènes animées. On retrouve cette technique dès la deuxième moitié du 1er millénaire en Asie (Chine, Thaïlande, Cambodge, Inde).
Au Moyen-Âge, le plâtre recouvre les maçonneries, les pans de bois, parfois même la pierre. A la Renaissance, le plâtre acquiert de nouvelles lettres de noblesse grâce à des mélanges. Avec des fibres comme le chanvre, le sisal, on obtient du staff qui va permettre de réaliser des corniches entre mur et plafond, des décorations à la fois plus volumineuses et plus légères qu'avec le plâtre seul. Le stuc est remis au goût du jour en Italie par Raphaël. En France, il n'apparaît qu'au XVIe siècle, comme au château de Fontainebleau, grâce à de stucateurs italiens, français ou flamands. Son utilisation perdure au XVIIe et surtout au XVIIIe siècle avec la naissance de l'art rococo, en particulier en Allemagne et en Sicile : masques, feuilles, coquilles, dragons… souvent couverts de peintures ou de feuilles d'or.
Les réalisations en relief moulé, moins exubérantes qu'en reliefs modelés, vont dominer dans les châteaux et les belles demeures bourgeoises du XVIIIe siècle. L'emploi immodéré de ces techniques répétitives au XIXe siècle va aboutir à sa disparition progressive au courant du XXe siècle.
Suivant A. Franklin, le plâtrier appartient à la confrérie des maçons, alors que le stucateur dépend de celle des marbriers. Il ne fait aucune mention des staffeurs, contrairement à D. Boucard, dans son dictionnaire des métiers.
Nous avons connu le dernier artisan staffeur de Saint-Etienne : depuis de nombreuses années, il ne travaillait plus que pour les Monuments Historiques. Ces quelques motifs décoratifs viennent de son atelier. Grâce à lui, nous avons réalisé ces deux compositions… qui n'engagent que nous !
Bibliographie
Alfred Franklin, Dictionnaire Historique des Arts, Métiers et Professions exercés dans Paris
depuis le treizième siècle H. Welter éditeur en 1906 réédition Bibliothèque des Arts, des Sciences et des Techniques, 2004
G. Clerjon, La Valla-en-Gier, histoire d'un village, autoédition, décembre 2012
D. Boucard, Dictionnaire des métiers, éd. Jean-Cyrille Godefroy, 2008
Grand dictionnaire encyclopédique Larousse, imprimerie Jean Didier, mars 1985