PAYS DU GIER
HISTOIRE DES PLOMBIERS
Avant tout, il faut s'entendre sur les activités de ce métier. Dans son Dictionnaire des Métiers, A. FRANKLIN considère le plombier comme un couvreur, entre les XIIe et XVIe siècles.
Le plombier tel que nous le connaissons, encore appelé plombier-zingueur, est désigné dans ce dictionnaire "plombier-fontainier". C'est de lui que nous allons parler. Pour simplifier, nous le nommerons "plombier".
Le souvenir de ces artisans n'a pas intéressé nos historiens. Nous n'en avons pas trouvé trace, sauf, une fois encore, dans la construction de l'aqueduc qui traverse notre vallée. Le mot trace convient tout particulièrement. Bien sûr, nous n'avons pas de nom d'artisan. Nous n'avons pas plus de tuyaux de plomb : tous ont été volés, sans doute avant les invasions barbares (IIIe – Ve siècles). Il n'en reste que les emplacements et des résultats d'analyses spectroscopiques. A noter que ce plomb vient, en partie, de mines situées à Saint-Genis-Terrenoire, donc de notre Pays du Gier : nous parlons de ce village à propos des mines de charbon et d'or. Mais la production était insuffisante : il fallut donc en importer des mines voisines des Monts du Lyonnais, mais aussi de Bretagne, des Pyrénées, du Massif Central, des Alpes, ou encore d'Espagne et de Grèce…
Ces tuyaux sont installés au niveau des quatre réservoirs de chasse. Ils sont réalisés à partir de feuilles de plomb, enroulées sur un mandrin cylindrique et soudées longitudinalement. Il y a deux types de tuyaux : des petits de section piriforme ; des gros, de section ronde d'environ 23 cm de diamètre extérieur et 18 cm de diamètre intérieur, de 2 à 3 cm d'épaisseur, munis de picots extérieurs pour une meilleure fixation dans le mortier. Suivant les estimations et le réservoir de chasse, il y a entre 8 et 11 grosses canalisations parallèles constituées de 17500 tuyaux de 3 m et, environ, 10 000 tonnes de plomb. Quant à la pose de ces canalisations, compte tenu de la fragilité et de la souplesse du plomb, les archéologues supposent qu'elles étaient placées sur un lit de pose résistant. Aucune fouille n'a permis de détecter une quelconque maçonnerie.
En dehors de ces travaux de plomberie, nous n'avons aucune indication sur ce métier, dans notre documentation : sans doute sera-t-il nécessaire d'aller chercher dans les archives départementales pour trouver quelques noms.
Comme pour le métier de maçon, il nous paraît intéressant d'évoquer, très brièvement, et donc de façon très incomplète, l'histoire générale du métier de plombier.
Dès son origine, l'homme – pour ne parler que de lui, mais cela était vrai pour toutes les espèces vivantes, animales ou végétales – s'est installé le plus près possible de points d'eau. Dans le même temps, il a dû trouver des abris contre les prédateurs : animaux ou peuples ennemis. Ces deux exigences n'étaient pas toujours compatibles. Il fallut donc trouver des moyens pour acheminer l'eau. Les premières canalisations ont été réalisées en bois, troncs d'arbres creusés à l'aide de silex ou d'os par les ancêtres du boisselier. Elles recevaient l'eau soit directement d'une source, soit à l'aide d'une cruche plongée dans la rivière, remontée à l'aide d'un balancier. Et à défaut de canalisation, il fallait transporter l'eau dans des cruches, à main ou à tête d'homme – bien plus souvent, de femmes. Ce genre d'approvisionnement en eau perdure encore sur notre Terre.
Il faut attendre le Ve millénaire av. J.C. en Perse, le IIIe, dans la haute vallée de l'Indus pour trouver des canalisations en terre, crue ou cuite, rendues étanches au niveau des joints par du plomb, ou encore recouvertes de goudron. Elles sont utilisées surtout pour l'évacuation des eaux usées provenant des salles de bain ou des latrines des maisons des riches, dirigeants et marchands. L'alimentation en eau fait appel à des puits publics ou privés. La pierre taillée, dès cette époque, est utilisée pour la fabrication de caniveaux, de bassins de rétention, de citernes, de fontaines, de thermes…
Au milieu du IIIe millénaire av. J.C., des recherches archéologiques en Egypte permettent de découvrir les premières canalisations en cuivre. Elles reposent sur un mortier coulé dans un caniveau de pierre, le tout étant recouvert de dalles de pierre. Au niveau de bassins en pierre, on peut voir des bondes en plomb, d'autres pièces en bronze. Ces tuyaux sont réalisés à partir de feuilles de cuivre coulées sur lit de sable, enroulées et "soudées" longitudinalement. Ils servent à évacuer les eaux et les huiles utilisées pour traiter le corps du défunt.
Dans la Grèce antique, à partir du VIIIe siècle av. J.C., on retrouve les mêmes éléments : poteries cylindriques, pierres taillées et joints ou cerclages en plomb, sans doute, également, des tuyaux en cuivre pour l'alimentation des nombreuses fontaines publiques d'où l'eau s'écoulait à travers des têtes d'animaux en bronze ou mascarons.
A partir du IIe siècle av. J.C., l'empire romain s'impose. L'accroissement de la population augmente en parallèle les besoins en eau. Les matériaux de base restent les mêmes, mais les constructions sont beaucoup plus importantes. Nous en avons parlé plus haut à propos de l'aqueduc du Pays du Gier. La fin tragique de la ville de Pompéi a permis aux archéologues de découvrir un atelier de plombier. En attestent les métaux (fer, plomb, cuivre) et les outils découverts. Cela ne fait que confirmer ce que d'autres recherches ont permis de supposer : les pièces métalliques ont de tout temps fait l'objet de vols ; on n'en retrouve donc que très rarement. La mise en place de toutes ces canalisations est dès lors le travail d'un artisan, le bien nommé "plumbarius".
Si le métier de plombier est à son apogée à l'époque romaine, il n'en va pas de même au cours des invasions barbares et dans le Haut Moyen-Âge. Finis les thermes, les salles de bain, les évacuations souterraines des eaux résiduelles, finie, en un mot, l'hygiène.
L'arrivée de la religion chrétienne, aux IVe - Ve siècles, va relancer progressivement l'activité des plombiers, notamment pour l'alimentation continue ou non des baptistères. Dans les siècles qui suivent, la création de nombreux monastères permet de conserver le savoir-faire des "plumbarii". L'eau intervient comme pour tous les êtres humains dans l'alimentation, le jardinage, l'hygiène corporelle - encore très limitée -, les latrines… Elle a, aussi, un rôle symbolique dans la purification de l'âme et du corps, tout au long de la vie. Les monastères vont donc être équipés de conduites d'eaux propres ou résiduelles, toujours réalisées avec les mêmes matériaux : plomb, cuivre, pierre, bois.
Par contre, les maisons des particuliers, qu'ils soient rois ou manants, n'évolue guère jusqu'à la Renaissance. A l'exception des maisons de quelques riches marchands ou de seigneurs, l'eau n'arrive pas dans les maisons. Le plus souvent, il faut aller dans les fontaines ou les puits publics avec son seau en bois pour récupérer l'eau nécessaire à la cuisine, à la lessive. La salle de bains n'est toujours pas d'actualité. Quant à l'évacuation des eaux usées, le plus simple est de les jeter par la fenêtre, en espérant que la rue présente une certaine déclivité pour que l'eau aille stagner devant la porte du voisin. A cette époque, de façon peu conventionnelle, la population avait inventé le développement durable : des porcs circulaient librement dans la ville, mangeaient les détritus, et, une fois bien gras, se retrouvaient dans la soupe de la population (nous en parlons dans la vie domestique à Saint-Chamond).
Nous arrivons au XVIe siècle : les gargouilles qui déversent généreusement l'eau de pluie du toit sur les passants sont remplacées par des descentes en plomb. A Paris, au XVIIe siècle, des pompes hydrauliques permettent d'alimenter quelques riches demeures et des fontaines publiques, à partir de l'eau de la Seine. La construction de châteaux, en province ou à Versailles est à l'origine d'avancées notables pour toute la population : aqueducs, réservoirs, tuyauteries en plomb, mais aussi en fonte.
Le XVIIIe siècle ne voit guère de progrès.
Il faut attendre la moitié du XIXe siècle pour constater une évolution considérable de l'adduction d'eau dans les maisons particulières et les immeubles, dans les grandes villes. A la campagne, il faudra attendre un siècle - et encore ! - pour que tous les français disposent d'eau courante sur l'évier de la cuisine ou le lavabo de la salle de bain.
C'est au début du XIXe siècle que commence à être utilisé le gaz, d'abord pour l'éclairage, plus tard pour le chauffage : une source non négligeable de travail pour les plombiers.
L'évacuation des eaux usées réalisée directement dans les fleuves ou les rivières est progressivement améliorée, à partir de la fin du XIXe siècle, d'abord par la construction d'égouts, ensuite par le traitement chimique des eaux.
Nous arrêtons là cet historique très court du métier de plombier. Il va de soi que l'évolution des techniques, des matériaux et des besoins des particuliers ou de l'industrie ont complètement transformé ce métier en 100 ans. Nous aurions pu parler, également, des plombiers "couvreurs de mésons" qui ont réalisé des toitures d'églises, de châteaux, en particulier du IXe au XIVe siècle et jusqu'au XIXe siècle. Mais il s'agit là d'un tout autre métier doté d'outils également différents que nous ne possédons pas. Ils se consacrent désormais essentiellement aux monuments historiques.
Pour ceux qui souhaitent en savoir plus, nous conseillons la lecture d'un article remarquable, très complet "Histoire du métier de plombier", rédigé dans le cadre de Wikipedia, sur internet.
Bibliographie
1 Alfred Franklin, Dictionnaire Historique des Arts, Métiers et Professions exercés dans Paris depuis le treizième siècle H. Welter éditeur en 1906 réédition Bibliothèque des Arts, des Sciences et des Techniques, 2004
2 Jean Burdy, L'aqueduc romain du Gier, Imprimerie Bosc Frères, 1996
3 Histoire du métier de plombier, Wikipedia