MENUISIERS, ÉBÉNISTES
ET AUTRES MÉTIERS DE "MENU" BOIS
SCIES
A l'origine de tout travail, il y a un contrat entre le professionnel et le client. Pour le menuisier, cela commence par un dessin de l'ouvrage à fabriquer, suivi de la réalisation d'une maquette en carton qui permet de définir les éléments constitutifs. Vient, ensuite, le choix du bois, en fonction du meuble, de l'huisserie… et des disponibilités locales : chêne, hêtre ou noyer, ou, parfois, simplement du bois blanc, comme l'épicéa. La construction peut alors commencer, avec le débit des planches fournies par la scierie.
Nous avons vu dans l'Histoire des menuisiers… que, à l'origine, le mot charpentier recouvrait deux métiers très différents : le charpentier, en charge de gros ouvrages et le menuisier fabricant de "menus" ouvrages. Certaines scies sont communes aux deux artisans, à commencer par les scies à cadre.
A bras ou crossette B jambe, sommier ou traverse |
Nous reprenons quelques scies déjà présentées chez le charpentier. A noter que la destination de ces scies n'est pas toujours évidente. Suivant la marque, le catalogue, une scie de même apparence peut prendre le nom de scie à bûches ou de scie à refendre. La taille du cadre ou de la lame permet, parfois, de faire la distinction. Donc prudence.
Scie à refendre (dans le sens de la longueur) |
Scie à chantourner (?) |
Scie à "tout faire", avec tringle métallique pour la tension |
Scie à araser Scie à araser |
Le catalogue Goldenberg présente des scies à araser et des scies à tenon de forme très proche. La seule différence réside dans les dimensions : cadre de 30 à 60 cm de longueur et lame de 25 à 50 mm de largeur pour les premières, cadre de 60 à 90 cm et lame de 40 à 70 mm de largeur pour les deuxièmes.
Les scies égoïnes sont aussi d'un usage courant : à tout faire ou pour coupe d'onglet…
Scies égoïnes |
Scie égoïne |
De forme générale proche, la scie à guichet possède une lame très effilée. Elle permet, par exemple, de réaliser une découpe à partir d'un trou pratiqué dans une planche.
Scie à guichet Loire Lame L 36 poignée 13 |
Scies à guichet |
Scie à guichet
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La scie à dégager présente une poignée à angle droit. Cet outil est utilisé par l'ébéniste.
Scie à dégager |
Dans le "Menuisier ébéniste", A.J. Roubo évoque la scie à l'anglaise nécessaire pour scier les bois durs. Elle possède un cadre métallique : la lame, trempée, peut être davantage tendu qu'avec une corde, comme dans les scies à cadre vues précédemment.
"Scies à l'anglaise" (selon Roubo) |
Le cadre et la poignée peuvent être constitués d'une seule tringle.
Scie à l'anglaise (?) |
Les scies à dos présentent une lame plus ou moins large rigidifiée par un renforcement métallique longitudinal dans sa partie supérieure. Elles sont utilisées par le menuisier, l'ébéniste, l'encadreur pour réaliser des coupes d'onglet.
Scie à dos
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Scie à dos Rhône MOSELEY & SONS LONDON Lame L 36 poignée 10,5 |
Scies à dos 2 Lame L 35 poignée artisanale 14 |
D'autres scies sont utilisées pour les finitions.
Scie à chevilles |
Scie à chevilles (ou à araser ?) |
Nous classons les 4 outils suivants provenant du même atelier dans les scies à araser (!?) ; entre bois et lame, l'écartement est variable pour un travail déterminé.
Rabots à refendre* et non Scies à araser 1 lame |
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Rabots à refendre* et non Scies à araser 2 lames Loire J . P . RDL 3 16 x 8,5 x 2,2 lames 8,7 écart. 0,5 et 0,3 4 15,8 x 7,4 x 2,7 lames 11 et 11,5 écart. 0,8 et 0,6 |
*Nous avions émis un doute sur ces derniers outils. V.L. nous donne la solution. Il ne s'agit pas de scies à araser, mais de rabots à refendre :
"En réalité ceux-ci ne sont pas des scies à araser mais des rabots à refendre. On utilise ces rabots pour creuser une fine rainure sur la tranche d'une planche. De cette façon la scie à refendre (ou la scie égoïne) sera guidée par cette fine rainure. C'est un outil extrêmement utile dans le travail à la main et quasi impossible à trouver. Heureusement il est facile à fabriquer."
Un grand merci pour cette précision. Nous laissons dans ce chapitre ces outils qui, malgré leur nom, sont un complément des scies à refendre ou égoïnes.
Nous avons vu dans l'histoire du menuisier que celui-ci pouvait se spécialiser dans la fabrication d'objets particuliers. Tout naturellement, il a été amené à fabriquer des scies propres à ses activités.
Ragasse |
Ragasse |
Les ragasses sont utilisées par le parqueteur ou l'escaliéteur.
L'escaliéteur et le chaisier (pour les fauteuils !?) utilisaient aussi une scie de grande taille, avec une lame perpendiculaire aux poignées.
Scie de chaisier |
Pour la découpe de précision, l'ébéniste et le maquettiste se servent d'une scie à archet et l'amateur d'une machine à découper à main (sic). Dans les deux cas, la lame est très étroite, à denture très fine.
Scie à archet |
Machine à découper à main |
Pour réaliser des coupes droites ou d'onglet sur l'épaisseur (plinthe), le menuisier utilise une boîte à recaler plate et une scie particulière : pour boîte à recaler, à moulures, à affleurer ou à plat.
Scie à plat |
M.LELEUX (à l'envers) AUX MINES DE SUEDE
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Nous avons vu plus haut des scies à refendre. Il en est une de plus grande taille, souvent confondue avec celle du scieur de long. Elle est aussi appelée scie à presse. Contrairement à celle du scieur de long, elle est utilisée horizontalement. Le fût à refendre est maintenu verticalement dans une presse. Cette scie est manipulée par deux artisans "en observant de l'incliner davantage du côté du croc, & de la relever en la retirant, afin de la soulager & qu'elle ne tienne pas dans le bois, ou du moins que la sciure ne s'y engorge pas". Elle permet de fabriquer du bois de placage.
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Scie à refendre ou à presse |
Et pour terminer cette énumération, voici une scie dite turque dans le catalogue Goldenberg. Pour quel métier ? Menuisier, bûcheron, jardinier…
Scie turque |
Pour fonctionner correctement, ces scies doivent être entretenues. Pour aiguiser les dents de la lame avec un tiers-point, le menuisier sert la lame dans un étau à scie fixé sur l'établi ou supporté par un trépied.
Etau à scie |
Etau à scie Loire L 20 l 19,5 |
Scie et étau en l'état ! |
Autres outils indispensables pour un bon fonctionnement des scies, le tourne-à-gauche ou baille-voie permet de donner de la voie aux scies en courbant alternativement les dents de la lame.
Tourne-à-gauche |
Tourne-à-gauche |
5 Pince à avoyer |
D'autres éléments seront présentés ultérieurement. Le prochain chapitre est consacré aux outils de traçage.
A suivre…
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE MENUISIER, ÉBÉNISTE et MÉTIERS DE MENU BOIS :
1 SCIES
MENUISIERS, ÉBÉNISTES
ET AUTRES MÉTIERS DE "MENU" BOIS
OUTILS DE TRAÇAGE :
COMPAS, ÉQUERRES, TRUSQUINS…
Difficile de commencer ce nouveau chapitre sans évoquer ce symbole tant respecté et si mystérieux : l'assemblage du compas et de l'équerre, la signature du compagnonnage :
Mystérieux, il l'est pour nous, les espontons. Seuls les initiés en connaissent la signification exacte. On trouve de nombreuses tentatives d'explications. A chacun de se faire une idée.
L'équerre est symbole de "droit", et en conséquence de droiture, dans la pensée et dans l'action, de rectitude de la raison. Par extension, elle évoque la perfection, l'équité, la justice, la fidélité. En résumé, la plupart des qualités dont chacun peut rêver d'être pourvu. Plus concrètement, dans un autre domaine, elle représente l'homme et la terre.
Le compas est le symbole de la science exacte : il permet de tracer le cercle dont chacun des points est à la même distance du centre. A partir de sa mobilité – il tourne pour tracer le cercle, contrairement à l'équerre qui reste fixe -, il incite, à travers la sagesse de l'esprit et la recherche de la vérité, à évaluer la portée et les conséquences de actes de chacun. Par extension, il est synonyme de prudence, de tempérance, de liberté. Il domine l'équerre : il est dieu créateur et ciel.
Nous allons voir maintenant un certain nombre d'outils utilisés dans les métiers du bois. Tous ne sont pas à l'usage exclusif des métiers de "menu" bois, mais tous sont utilisés par les artisans de ces mêmes métiers.
Selon A.-J. ROUBO, "les outils propres à tracer sont un ou plusieurs compas, le grand trusquin ou compas à verge, la pointe à tracer, les triangles tant à angle droit que d'onglet, la fausse équerre ou sauterelle & le trusquin tant à pointe que d'assemblage".
Nous pourrions ajouter le fil à plomb, le niveau qui sont plutôt utilisés dans le montage final. Nous évoquons ces outils dans d'autres métiers comme le charpentier, le maçon…
Les Compas
Les compas droits servent à mesurer des angles, à transposer des longueurs, à tracer des circonférences. Ils sont en fer. Suivant l'usage, ils mesurent 17 à 20 cm ou 50 à 75 cm.
Compas droit en fer forgé à pointes sèches |
Compas droit à pointes sèches |
Compas droits à pointes sèches Loire 1 L 45 2 L 24 GOLDENBERG ( Clef) FABRIQUÉ EN FRANCE |
Ces compas comportent un secteur permettant de figer la position des deux branches.
Compas à secteur courbe, à pointes sèches
2 L 19 (Lion Losange) PEUGEOT FRERES TOUT ACIER |
Compas droits à ressort rapporté, tige filetée |
Pour en faciliter le rangement, certains compas sont munis d'un secteur oblique.
Compas droit à secteur oblique, avec porte-crayon |
Les compas d'épaisseur ont des pointes qui se rejoignent : la courbure des branches est plus ou moins marquée.
Compas d'épaisseur L 19 L 19 Ø 11 |
Compas d'épaisseur, à secteur |
Tous les compas que nous venons de voir sont de petite taille. Ils ne peuvent être utilisés pour tracer des grands cintres. On les remplace par des compas à verge. Ils sont composés d'une tringle en bois de section rectangulaire, d'une poupée fixe à pointe, en bout de tringle, qui sert de centre du cercle, et d'une poupée mobile à pointe, bloquée à la distance voulue par une clavette ou une vis.
Compas à verge (blocage à clavette) |
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Compas à verge (blocage à vis)
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Les Equerres
Les équerres permettent de tracer des angles, droit, à 90° ou d'onglet, à 45° ou 60°. Ils sont, le plus souvent, en bois, parfois en bois et métal, rarement, entièrement en acier (mais pour quel travail ?)
Equerre à angle droit |
Equerre à angle droit 2 20 x 33 CHANAL ADRIEN 3 17 x 14 |
Equerre d'angle droit et d'onglet Loire C.T.P . . . Base 11,5 Perpendiculaire 15,5 Oblique 22 |
Equerre d'onglet |
Fausse équerre ou "sauterelle" |
La fausse équerre permet de tracer un angle quelconque. Les deux branches sont rivetées avec 2 pièces intermédiaires "NAPOLÉON III EMPEREUR 1853 et 1854"
Deux autres équerres de formes similaires aux précédentes nous posent problème : pour quelle utilisation ? Pour quel métier ?
Equerre d'onglet tout acier Loire Base 14 Perpendiculaire 26 oblique 33 |
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Equerre à angle droit graduée |
Pourquoi ces graduations qui ne vont que de 10,2 à 21 cm : outil artisanal avec récupération d'une règle graduée cassée !?
Bien qu'il ne s'agisse pas d'une équerre classique, nous présentons dans ce paragraphe ce gabarit dont les fonctions se rapprochent de celles d'une équerre d'angle. Il permet de reporter un angle droit et une longueur donnée.
Gabarit (équerre d'angle ?) |
Les Trusquins
Les trusquins sont de deux sortes, selon Roubo : les uns, à longue pointe, permettent d'atteindre le "fond des gorges et des ravalements" ; les autres, munis de deux pointes, permettent de tracer des parallèles à partir desquelles vont être taillés tenons et mortaises pour réaliser un assemblage. Autre utilisation, le traçage d'une ligne parallèle à un bord rectiligne. Les formes sont multiples.
Petit trusquin à une pointe (en bas à droite) |
Trusquin à 3 fois 2 pointes Isère L D 1856 Tige à section carrée 19 tête 10 x 10 clef 15 |
Trusquin à 2 fois 2 pointes et 1 pointe |
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Trusquin à 2 fois 2 pointes |
Trusquin gradué à 1 pointe à chaque bout |
Trusquin à 1 et 3 pointes (?) |
D'autres trusquins sont pourvus de 2 tiges portant chacune une pointe.
Trusquin à 2 tiges, 1 pointe sur chaque tige |
Trusquin à 2 tiges, 1 pointe longue sur chaque tige |
Trusquin à 2 tiges, à pointes opposées |
A noter 3 vis à tête ronde sur chaque tige suivant 2 lignes brisées identiques : symbole compagnonnique ? Un trusquin identique à 2 pointes opposées est donné comme outil de carrossier. A confirmer.
De forme moins habituelle, voici 2 autres trusquins provenant du même atelier.
Trusquin à 1 pointe, à tige métallique Loire L . M Tige 30 tête 10 x 6 |
Trusquin à 1 pointe |
L'outil suivant sert également au traçage, notamment chez le chaisier pour égaliser la longueur des pieds des chaises ; il a droit au nom de trusquin. A- t-il un autre nom ?
Outil de traçage (trusquin ?) |
Comme dans chaque article, il y a toujours une pièce – au moins - qui nous pose problème. En laiton, avec une tige et une tête, mais pas de pointe, cet outil possède une extrémité coupante, biaisée et dentée. Toute suggestion est la bienvenue.
Trusquin ? |
(Comme un certain nombre d'outils présentés dans cet article, celui-ci est fixé sur un panneau avec deux fils de fer gainés dans un tuyau en matière plastique : on les distingue ici près de la tête et, en haut, dans la rainure).
Dernier instrument de traçage selon Roubo, la pointe à tracer est une pointe d'acier munie d'un manche pour pouvoir la tenir. Voici deux petits outils qui répondent à cette description.
Pointes à tracer (?) |
Pour finir sur les outils de traçage, en voici deux qui ne tracent pas par eux-mêmes, mais qui sont utilisés pour effectuer des mesures indispensables pour des découpes, des assemblages…: le niveau et le mètre.
Niveau à bulle ETS D. LATOUR & FILS |
"Mètre" de 3 m, en bois et laiton – 15 segments de 20 cm |
Mètre en laiton – 10 segments de 10 cm |
Ainsi se termine ce deuxième article sur les outils de menuisier et d'ébéniste. Comme bien souvent, des points d'interrogation finissent des tentatives d'explication. Votre avis sera le bienvenu.
Le prochain est beaucoup plus court et est consacré aux pots à colle et aux serre-joint.
A suivre…
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2 OUTILS DE TRAÇAGE : COMPAS, ÉQUERRES, TRUSQUINS...
MENUISIERS, ÉBÉNISTES
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POTS À COLLE & PRESSES À BOIS
L'assemblage de deux pièces de bois passe par de nombreux procédés nécessitant la taille du bois : tenon et mortaise - sur champ, à queue droite ou d'aronde - rainure et languette… -, et, éventuellement, l'utilisation de pièces intermédiaires : tourillon, lamelle… La technique utilisée peut être complétée par un collage des deux pièces pour une meilleure résistance.
A.J. Roubo distingue deux types de colle forte : celle d'Angleterre et celle de Paris. Toutes deux sont réalisées à partir de nerfs et de pieds de bœufs bouillis. La gelée obtenue est séchée et conditionnée en petites tablettes. Pour la reconstituer, la tablette est cassée en petits morceaux, placés dans l'eau. Le tout est porté à l'ébullition, en remuant. Ici, apparaît un trait misogyne de notre ébéniste et de son époque : "La colle est facile à se tourner et à se corrompre lorsqu'on la fait fondre ; c'est pourquoi les hommes seuls sont propres à cet ouvrage" (Sans commentaires !). Ainsi préparée, elle peut être utilisée 8 jours. Chauffer légèrement les points à assembler pour ouvrir les pores du bois, puis passer la colle tiède au pinceau, frapper au maillet les parties assemblées et les maintenir réunies avec un sergent en fer.
La colle d'Angleterre est meilleure (toujours pour notre artisan) : elle est jaune clair, donc ne se voit pas et tient mieux, contrairement à celle de Paris qui est noire et boueuse, donc visible, et tient moins bien.
La colle reconstituée est conservée au chaud dans un pot à colle ou bain-marie, généralement en cuivre.
Pot à colle Eure Pot ext. h 15 Ø 11 Pot int. h 10 Ø 8 |
C'est là l'ensemble le plus fréquemment rencontré. Plus rarement, le bain-marie est rectangulaire, composé d'un récipient à double paroi.
Bain-marie à colle |
Les presses à bois ou serre-joint sont des outils destinés à maintenir ensemble des pièces de bois dont l'assemblage, après collage, permettra d'obtenir tout ou partie d'un meuble, d'une porte, d'un cadre… La plupart des modèles trouvés sont en bois. Si leur conception est basée sur le même principe, leur taille est très variable, adaptée à l'ouvrage réalisé. Des modèles en fer, les "sergents" existent au XVIIIe siècle (Le menuisier en bâtiment – A.J. Roubo).
Presses à bois |
Presse à bois, avec tige de renfort métallique |
Presse à bois (assemblage sur champ à queue droite) |
Presses à bois, avec cale mobile à crémaillère |
Presses à bois, avec cale mobile à crémaillère |
Presses à bois, avec cale mobile à crémaillère Loire 1 base 170 2 base 150 |
La pression exercée nécessite de remplacer la vis en bois par une vis métallique beaucoup plus courte. Pour la même raison, la cale mobile est maintenue dans la crémaillère non pas par une simple tige, mais par une massette crantée (Un bon nettoyage s'impose !)
Revenons à des dimensions plus raisonnables avec deux outils sans doute plus récents.
Presse à bois, à côté mobile |
Presse à bois (?) |
Petit chapitre, mais importance de ces deux éléments, colle et presse, sans lesquels menuisiers et ébénistes n'auraient jamais pu réaliser tant de belles boiseries, de belles portes, de beaux meubles.
Prochain épisode : plane, wastringue et racloir.
A suivre…
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3 POTS À COLLE ET PRESSES À BOIS
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PLANES, WASTRINGUES & RACLOIRS
Ce chapitre est consacré à des outils qui "enlèvent du bois", soit en cours de fabrication de l'ouvrage, soit lors de sa finition. Il en est d'autres que nous verrons dans les chapitres 5 et 6 dont la fonction, à première vue d'un non spécialiste, est plus précise, plus spécialisée, plus restreinte. De quoi faire bondir les professionnels ! Qu'ils nous excusent pour cette remarque s'ils la jugent inappropriée.
Comme nous l'avons déjà dit pour les scies, ces outils sont utilisés par tous les artisans du bois. Seules quelques variantes, notamment dans la nature des matériaux dans lesquels ils sont fabriqués, peuvent être observées.
LES PLANES
La plane est une lame de couteau pourvue d'une poignée à chacune de ses extrémités. Les deux poignées sont généralement en bois, identiques. Mais, comme toujours, il y a des exceptions, suivant les métiers : l'un des poignées peut être métallique, droite dans l'axe du couteau (tonnelier) ou en anneau (boisselier).
La plane sert à dégrossir, à creuser une pièce de bois, voire même à enlever l'écorce. Prise à deux mains, elle est tirée à soi, suivant un angle aigu de façon à ne pas trop enlever de matière en une passe.
Suivant le travail à effectuer, le couteau est droit, courbe, courbe et bombé. Il n'a qu'un biseau, sauf chez le charron qui utilise une plane à deux biseaux. La plupart de ces planes viennent de la Loire, quelques' unes des Pyrénées-Orientales.
1 L 35 fer 15 2 L 32 fer 14 3 L 36 fer 17 4 L 35 fer 16 |
2 |
3 |
4
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5 L 37 fer 16 6 L 38 fer 16,5 7 L 34 fer 14 8 L 34 fer 15,3 9 L 31 fer 15 |
5 |
6
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7 |
8 |
9 |
10 L 41 fer 26 11 L 30 fer 14 |
10
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11 |
12 |
13 L 36 fer 26 |
14 L 36 fer 19 15 L 33 fer 14,5 |
14
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15
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Cette série peut paraître un peu longue : ces planes, différentes, se ressemblent beaucoup. L'intérêt réside surtout dans les marques des fabricants.
Certaines planes se distinguent toutefois.
Plane à creuser Var L 43 fer 5 x 2 - 2 |
Côté pratique, pour en faciliter le transport, les américains ont fabriqué des planes à poignées pliantes.
Plane à poignées pliantes |
Plane à poignées pliantes Loire L 26 fer 16 |
Ces deux planes américaines proviennent de la même entreprise créée en 1842 et en activité jusqu'en 1993.
A.J. WILKINSON & CO.
MAKERS-BOSTON.MASS
Les Wastringues
Les wastringues ou wabstringues ou, encore, vastringues sont des petits outils de finition. Ils sont un compromis entre la plane (2 poignées enserrant une lame), un rabot (une semelle plane) et un racloir (1 lame, démontable dans ce cas).
La profondeur de coupe peut être réglée de différentes façons : au marteau (!) ou, plus simplement, avec une molette.
Des modèles proches étaient également utilisées dans les métiers du cuir : voir le bourrelier.
Wastringue au cœur (semelle en os) |
A partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, les wastringues sont souvent fabriqués entièrement en métal, même si les poignées en bois sont encore utilisées de nos jours par certains fabricants. La marque Stanley domine sur le marché à tel point que la même numérotation est utilisée par tous les fabricants : 51, 53, 55, 63, 65, 151. Autant de numéros, autant de spécificités .
Wastringue |
Le numéro indiqué fait référence à la façon dont la profondeur du taillant est ajustée : 51, ajustement au marteau.
Wastringue Loire STANLEY RULE & LEVEL Co. L 24 fer réglable 4 maxi. |
Ces deux modèles sont présentés également chez le charron.
Le wastringue suivant était utilisé par un chaisier. Il a la particularité de posséder 2 lames : 1 droite, 1 courbe.
Wastringue double |
Les Racloirs
Les racloirs sont constitués d'une lame d'acier enserrée entre 2 morceaux de bois qui servent de poignée. Comme les wastringues, ce sont des outils de finition utilisés après le rabot ou la plane, avant le ponçage final.
Racloirs |
Racloir |
Racloir |
Peu classique, cet autre racloir à deux lames en laiton, avec un conduit, appartient-il au métier de menuisier ?
Racloir |
Ultime finition, le ponçage. Voici un outil qui, de loin, fait penser à un rabot. Il s'agit sans doute d'un outil à poncer dans lequel on pouvait glisser une feuille de papier verré, ou une peau de poisson. Quel est son vrai nom ? Pour l'instant, nous le désignons par rabot à poncer ! Nous attendons des suggestions.
Rabot à poncer (?) |
Le chapitre suivant est consacré aux ciseaux, bédanes et gouges.
A suivre…
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4 PLANES, WASTRINGUES, RACLOIRS
MENUISIERS, ÉBÉNISTES
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BÉDANES, CISEAUX & GOUGES
Ces 3 types d'outils ont la même fonction : éliminer de la matière. Ils sont constitués d'un fer plat ou courbe, terminé par un biseau tranchant, en général unique. L'épaisseur du fer varie suivant la façon d'utiliser l'outil : frappe avec un maillet ou simplement outil poussé par la main. De même, l'emmanchement varie, le plus souvent à soie dans un bois debout, parfois cerclé.
BÉDANES
Les bédanes, à un seul biseau, subissent des coups très forts de maillet pour mieux rentrer dans le bois, dans la réalisation des mortaises. En faisant levier, il permet également d'enlever les copeaux encore attachés au bois. Le fer est donc très épais. Par contre, il est toujours étroit.
Bédanes |
1 |
2 |
3 |
Bédanes |
1
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2
|
3
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5
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6
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CISEAUX
Le fer des ciseaux, ou planche, est plat, avec un seul biseau. Des ciseaux plus récents sont chanfreinés : plus légers, avec 3 biseaux, ils sont utiles pour les finitions. Côté manche, en général en charme, il repose sur un épaulement qui amortit le choc du maillet et évite l'éclatement du bois. Cet épaulement peut être remplacé par une virole
Ils sont utilisés dans la plupart des métiers du bois pour réaliser des sculptures, des assemblages (mortaises).
Ciseaux à bois |
Les modèles 1 et 2 ont un manche avec virole et renfort métallique à leur extrémité. Le n° 2 a une planche chanfreinée.
Ciseau à bois |
Sur ce modèle, on distingue bien l'épaulement de la planche, la virole et une usure de l'extrémité du manche sous les coups de maillet.
Ciseaux à bois |
A quelques variantes près, ces ciseaux ne diffèrent surtout que par leur taille. Plus curieux ce ciseau à 2 bouts tranchants, entièrement métallique, appelé ciseau à coudes ou empenoir. Il sert à creuser dans des endroits difficiles d'accès.
Ciseau à coudes ou empenoir |
Gouges
La gouge est un ciseau à fer concave, à un seul biseau, intérieur ou extérieur. La gouge est utilisée pour réaliser des rainures, notamment dans le cadre de la sculpture.
Gouges |
Gouges Loire 4 L 29 fer 16 x 4 biseau arrondi 5 L 28 fer 14 x 3,5 biseau arrondi 6 L 31 fer 15 x 3 biseau droit |
4 |
5 |
6 |
Gouges |
7
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8 |
9 |
L'efficacité de ces gouges concaves nécessite un aiguisage fréquent : le menuisier, le tourneur et le sculpteur sur bois disposent d'une petite meule d'établi comprenant une vingtaine de molettes en plomb de largeur croissante adaptée à chaque gouge.
Meule à gouge ou à plomb |
Comme dans le chapitre précédent, nous présentons des marques de fabricants. A côté des deux français les plus connus Peugeot Frères et Goldenberg, nous trouvons surtout des fabricants anglais localisés à Sheffield, ville célèbre pour la qualité de son acier. Quelques noms souvent incomplets semblent faire référence à des taillandiers allemands.
Le chapitre suivant est consacré aux outils de perçage : drille, chignole, vilebrequin, percerette…
A suivre…
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE MENUISIER, ÉBÉNISTE et MÉTIERS DE MENU BOIS :
5 BÉDANES, CISEAUX & GOUGES
MENUISIERS, ÉBÉNISTES
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VRILLES, TARIÈRES, DRILLES,
VILEBREQUINS & CHIGNOLES
Le perçage du bois s'obtient par la rotation d'une tige métallique le plus souvent spiralée, rarement droite et fine. Cette tige est :
- le prolongement d'un anneau : vrille entièrement métallique.
- maintenue dans un manche perpendiculaire : vrille et tarière ;
- maintenue dans un mandrin : drille, vilebrequin, chignole ;
On retrouve dans cette description sommaire l'historique de ce type d'outil, depuis l'Antiquité jusqu'au début du XXe siècle.
Vrille et tarière
Vrille et tarière sont les outils les plus simples, sans doute de conception très ancienne (au moins 3 millénaires). La vrille est encore appelée percerette. Le manche est en bois tourné, souvent en buis très résistant. On peut voir des vrilles de toute petite taille à manche en laiton : pour quel métier ? A l'opposé, les charpentiers utilisent des tarières de grande taille pour percer les trous qui recevront les chevilles d'assemblage.
Panneau d'exposition regroupant tarières et vrilles |
Hormis les vrilles entièrement métalliques qui viennent de la Loire, toutes les autres proviennent des Pyrénées-Orientales.
Sans les passer toutes en revue séparément, nous donnons quelques précisions sur certaines d'entre elles.
Et d'abord les 2 petites tarières :
Tarière à vis hélicoïdale, emmanchement en T, à barillet ou douille |
Tarière à vis hélicoïdale, emmanchement en T, avec méplat |
Photographie de gauche : tiges de 14 à 18 cm ; nombreux manches tournés en buis. Photographie du centre : tiges de 9 à 14 cm ; les 3 du bas ont un manche en buis. Photographie de droite : tiges de 4 à 10 cm ; en haut, au milieu, manche en laiton pour cette vrille de toute petite taille. En bas, 2 amorçoirs à tige pointue droite pour réaliser des avant-trous. |
Plus récemment, peut-être par raison d'économie ou de facilité de fabrication, les vrilles sont faites d'une tige spiralée à une extrémité, en forme d'anneau comme poignée, à l'autre.
Tiges de 14 à 16 cm |
Avant de continuer, ouvrons une petite parenthèse sur l'historique très succinct des drilles (de l'allemand drillen, faire tourner), des vilebrequins (du néerlandais wimmelkijn, tarière) et des chignoles (du latin ciconia, cigogne).
Selon D. Boucard, les drilles étaient utilisés "dans l'Egypte antique". N'ayant pas de documentation précise à ce sujet, nous pensons qu'il faut tout de même faire une distinction entre les différents modèles de drilles. Drilles à archet et à pompe sont sans doute les plus anciens. Bien plus tard, viendront les drilles va-et-vient à vis spiralée. Ces derniers subiront, à leur tour, une évolution avec les modèles à mouvement alterné provoqué par le déplacement linéaire de la poignée mobile, la navette : sens des aiguilles d'une montre et inversement, puis des modèles à mouvement continu grâce à la structure en une succession de losanges de la vis.
Toujours d'après D. Boucard, le vilebrequin ne serait cité qu'à partir du XVe siècle.
Si l'on se reporte aux catalogues de la Manufacture Française d'Armes et de Cycles de Saint-Etienne dont nous disposons, on voit que l'appellation "drille" a perduré très longtemps et pour des outils très différents.
En 1910, "Drille" dans la table des matières nous conduit vers les drilles classiques que nous allons voir, mais aussi vers des machines à percer à engrenages, dites "drilles a main américains" qui seront appelés plus tard "chignoles". Ce mot de chignole n'existe pas dans la table des matières. Quant au "vilebrequin", il est soit de type manivelle, à cliquet ou non, soit à engrenages, dit d'angles.
En 1928, "Chignolles" apparaît dans la table des matières et conduit à une page consacrée effectivement à ce que nous entendons aujourd'hui par "chignoles". Par contre, les outils présentés portent tous le nom de "Machine à percer à main dites drilles" : le mot "chignolles" n'est pas utilisé. "Drille" nous renvoie aux outils précédents et aux drilles va-et-vient. Pour les vilebrequins, apparaît une marque française, mais les modèles sont sensiblement les mêmes.
En 1930, il y a peu de changements : "Chignolles" nous conduit aux mêmes "Machines à percer à main dites drilles" : là encore, le mot chignole n'est pas utilisé. Drilles et vilebrequins sont inchangés.
En 1957, enfin, "Chignoles" et "Drilles" correspondent aux mêmes outils, sur la même page. Les vilebrequins sont inchangés.
A noter, enfin, que ces outils sont encore fabriqués en 2017.
Fermons cette parenthèse, et voyons les outils en question.
Drille
Le drille est un outil de perçage muni d'un mandrin, support de foret. A priori, comme les vrilles, le drille permet de percer des trous de petite taille. On le retrouve dans les métiers du bois, mais aussi d'art (horloger, bijoutier), du cuir, de la pierre.
Les deux premiers drilles sont présentés chez le cordonnier et le bijoutier :
Drille à archet (cordonnier) |
Drille à pompe et masselotte en plomb (bijoutier) |
Drille à mouvement alternatif |
Drille à mouvement alternatif |
|
Drille à contrepoids |
On trouve cet outil sur le catalogue MF de 1910 : " Drille à mouvement continu pour percer le bois et le fer. Ce mouvement s'obtient par une sorte de volant à contre-poids qui continue à entraîner le foret dans le même sens lorsqu'on laisse le manche revenir à soi. Ce drille est tout en acier avec porte-foret à serrage automatique et manche en buis, terminé à son extrémité par une réserve de 10 forets, fermée par une pomme en bois verni noir."
Et, pour en terminer avec les drilles, un modèle plus récent, à mouvement continu : la rotation se fait toujours dans le même sens.
Drille à mouvement continu |
La forme de l'extrémité du foret varie suivant que le mouvement est alternatif ou continu. Dans le premier cas, cette extrémité est losangique, plate ou à section en forme de S.
Vilebrequin
Le vilebrequin est en fer forgé, en acier ou en bois. La forme est dite en "C". On peut dire aussi qu'un vilebrequin est une manivelle, avec, à son extrémité supérieure, une pomme ou conscience en bois sur laquelle l'artisan appuie pour obtenir une meilleure pénétration de la mèche dans le bois. Au milieu du "C", une poignée mobile en bois, ou un renflement de l'acier, permet de faire tourner "la manivelle". Enfin, à l'extrémité inférieure, une cage sert de mandrin pour recevoir la mèche, de section carrée ou ronde.
Le pouvoir de pénétration est beaucoup plus important qu'avec les vrilles et les drilles. Les forets ou mèches peuvent donc être d'un diamètre beaucoup plus important. Les fers sont de forme variable : spiralés, creux (gouges), losangiques, à 3 pointes, avec amorçoir, fraise conique, de diamètre variable… La mèche hélicoïdale date de 1770, inventée par un anglais, Cook. Dans l'atelier, ils sont rangés verticalement sur une planche à trous réalisée par l'artisan lui-même.
Support de mèches et mèches Mèche à diamètre réglable au ½ mm |
Les vilebrequins ont sensiblement la même forme. Les plus anciens présentent des décorations (volutes...) : nous en montrons quelques'uns dans d'autres métiers du bois. La section du fer est soit ronde, soit hexagonale : en relation avec l'ancienneté ?
Vilebrequins Loire 1 L 31 cadre 18,5 x 10 à section hexagonale 2 L 29 cadre 18 x 9,5 à section ronde 3 L 27 cadre 16 x 10 à section ronde |
Moins classiques (et à nettoyer !), deux vilebrequins à poignée mobile ou conscience métallique : d'origine, ou restauration ?
Vilebrequin à poignée métallique |
Vilebrequin à conscience métallique |
Ces modèles sont les plus récents. D'autres (début XIXe siècle ?) présentent au niveau de la poignée mobile un simple renflement du fer. L'ajustement de la conscience est variable, parfois suivant le métier.
Vilebrequin |
Vilebrequin Aisne L 29 cadre à renflement 19 x 10 |
Nos amis anglais utilisaient des vilebrequins en bois et bronze dont l'esthétique est remarquable.
Vilebrequin d'origine anglaise |
Le vilebrequin va évoluer vers la fin du XIXe siècle, début du XXe : la mèche est désormais maintenue fermement dans un mandrin ; un mécanisme, le cliquet, permet d'inverser le sens de rotation de ce mandrin. Il existe de très nombreux modèles, avec des mécanismes sensiblement différents.
Vilebrequins à cliquet |
Au chapitre 10, nous présentons le vilebrequin très particulier du chaisier, le menuisier fabricant de chaises.
Chignole
De conception plus récente, la chignole est aussi plus complexe. La rotation du mandrin est provoquée, sous l'effet d'une manivelle, par celle de deux engrenages perpendiculaires l'un à l'autre, le premier étant solidaire de la manivelle. Le plus simple est de voir l'outil !
Petite chignole à 1 vitesse |
|
Chignole à 2 vitesses |
Dans certains modèles plus récents, les engrenages sont protégés dans un carter.
Chignole à carter et 2 vitesses |
Et, pour terminer, deux modèles un peu particuliers. Le premier est classiquement appelé vilebrequin à engrenages : à l'arbre en "C" du vilebrequin sont associés les engrenages et la manivelle de la chignole.
Vilebrequin (!) à engrenages, dit d'angles |
Dans le suivant, l'un des engrenages est constitué d'une plaque ronde trouée associée à la manivelle, l'autre est constitué d'ergots.
Chignole à plateau troué, à 2 vitesses |
"Le changement de vitesse s'obtient en dégageant le grand pignon du bâti ; placer ensuite le petit pignon en face de l'un des 2 rangs de trous suivant la vitesse à obtenir. Le rang extérieur donne la plus grande vitesse (MP 1928)".
L'article suivant est consacré à divers outils indispensables au menuisier qui ne peuvent, à eux seuls, constituer un chapitre.
A suivre…
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE MENUISIER, ÉBÉNISTE et MÉTIERS DE MENU BOIS :
6 VRILLES, TARIÈRES, DRILLES, VILEBREQUINS, CHIGNOLES
MENUISIERS, ÉBÉNISTES
ET AUTRES MÉTIERS DE "MENU" BOIS
ÉTABLI, VALET, RÉGLET, MAILLET, MARTEAU,
&
HACHE
Ce chapitre est consacré à des outils indispensables, mais de forme quasi constante. Seule leur taille peut changer.
Le premier d'entre eux, et pas le moindre, est l'établi. Il est toujours fait d'un plateau très épais percé de plusieurs trous destinés à recevoir les valets. Il est muni d'une presse de serrage verticale, avec vis en acier et d'une rainure pour ranger les outils.
Établi |
Pour maintenir une planche sur l'établi, l'artisan se sert d'un valet ou pélican (ci-dessus, à droite). Il en existe deux modèles. Le plus ancien et le plus connu est en fer forgé.
Valet "simple" Loire 1 Tige 48 tête 19,5 2 Tige 22,5 tête 12 3 Tige 19,5 tête 12 |
Plus récemment est apparu un modèle avec blocage par levier. Absent du catalogue de la Manufacture de Saint-Etienne de 1928, il apparaît dans celui de 1930.
Valet à blocage |
Pour contrôler la planéité d'une planche, le menuisier utilise une paire de réglets.
Réglet |
Les deux règles parfaitement identiques sont placées parallèlement entre elles, aux deux extrémités de la planche à contrôler. Le menuisier vise les arêtes supérieures des deux règles et voit si elles sont dans le même plan. Si ce n'est le cas, il rabote la planche jusqu'à obtenir une planéité parfaite.
Cet outil est décrit à l'identique au nôtre, en détail, par A.J. ROUBO dans "Le menuisier en bâtiment". On le retrouve, également, dans le volume de la Grande Encyclopédie consacré aux ébénistes-menuisiers
Autres outils indispensables, les marteaux et les maillets. Si les maillets sont assez caractéristiques, les marteaux n'ont rien de bien particulier : ils sont simplement dits "de menuisier".
Maillets 1 Rhône tête 15 x 9 x 8,5 manche 26 Loire |
Les parties inférieures de la tête et de la panne du marteau de menuisier sont dans le même plan. Dans le marteau de forgeron, la partie inférieure de la panne est relevée.
Marteaux de menuisier |
1 |
2 |
3 |
.SAGE & Cie GOLDENBERG ?????????? |
4 |
5 |
BOST FRÈRES BOST FRÈRES |
Autre marteau légèrement différent, mais s'agit-il d'un marteau de menuisier ou d'un autre métier ? Il semble plus ancien, comme en témoigne le marquage illisible.
Marteau de menuisier ? Loire Fer 10 x 2,4 x 2,8 manche 22,5 |
Très différent est le marteau à plaquer d'ébéniste utilisé pour la réalisation de marqueterie. Sa panne très large et non coupante permet d'appuyer le placage et de répartir la colle, ou d'en éliminer l'excédent, entre celui-ci et le support.
Marteau à plaquer Loire Fer L 9 tête 2 x 2 panne l 8,5 |
Si la hache a sans doute disparu de la boîte à outils du menuisier d'aujourd'hui, n'oublions pas qu'à l'origine celui-ci est appelé charpentier de la petite cognée. On retrouve ici des outils utilisés par les deux corps de métiers, avec, peut-être, des différences de taille.
Cognées / haches Loire 1 L 22 tail. 14 œil triangulaire → 2 L 17 tail. 13 œil ovale |
D'autres modèles sont présentés dans le métier d'agriculteur comme haches domestiques. Ils pourraient être utilisés par le menuisier, alliant la fonction de hache à celle de marteau.
Et pour terminer, voici, comme très souvent, l'objet mystère du chapitre. Sans doute vient-il se fixer sur un plateau. Appartient-il au métier de menuisier ?
Support, prolongateur ??? |
Nous passons sous silence, pour l'instant, les tournevis, mais ont-ils une spécificité pour ce métier ?
Au cours de ces 7 premiers chapitres, nous avons vu des outils facilement identifiables - même si, parfois, nous nous posons des questions. Nous allons aborder un nouveau chapitre beaucoup plus difficile et redouté, celui des rabots. Il nous faudra plusieurs semaines pour réaliser ce 8ème chapitre. Plus que jamais, nous demandons votre indulgence et vos conseils.
A suivre…
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE MENUISIER, ÉBÉNISTE et MÉTIERS DE MENU BOIS :
7 ÉTABLI, VALETS, RÉGLET, MARTEAUX, MAILLETS, HACHES
MENUISIERS, ÉBÉNISTES
ET AUTRES MÉTIERS DE "MENU" BOIS
LES RABOTS DE CORROYAGE
Ce nouveau chapitre consacré aux rabots est divisé en plusieurs sections correspondant aux actions réalisables avec cet outil : corroyage, recalage, moulurage, assemblage, rainurage… Le domaine est très vaste et compliqué, surtout pour un béotien en la matière. Nous allons nous appuyer sur le livre bien nommé "LES RABOTS" de Pierre Bouillot et Xavier Chatellard, aux Editions Vial, 2010. L'utilisation d'un livre excellent n'est pas une garantie absolue contre nos erreurs. Alors, pour les spécialistes, n'hésitez pas à intervenir.
Pour commencer, nous vous proposons un petit rappel sur les différentes parties du rabot :
1 Nez 2 Joue 3 Semelle 4 Talon 5 Fer 6 Contre-fer 7 Coin 8 Oreillons 9 Lumière |
On retrouve ces différents éléments dans la plupart des rabots, à l'exception du contre-fer. Celui-ci date de la fin du XVIIIe siècle. Il évite le "broutage" du fer lié à l'élasticité (relative) de l'acier et casse le copeau au plus court limitant la formation d'éclats. Il en existe plusieurs types : simple, à vis courte et à vis longue.
Fer, contre-fer simple et lumière |
Fer + contre-fer à Fer Contre-fer à vis courte Lumière |
Fer + contre-fer à vis longue Lumière |
A noter, également, que les rabots sont souvent appelés "outil à ..." suivi de la fonction, ou tout simplement par le résultat obtenu : rabot à entailles devient "entaille", rabot à plate-bande devient "plate-bande"...
A plusieurs reprises, nous verrons des rabots constitués de plusieurs essences de bois. Ils proviennent souvent d'un grand quart sud-est de la France où le cormier est peu abondant et remplacé par le chêne vert, associé au hêtre, au sorbier... La jonction entre les différentes parties se fait par embrèvement.
1 RABOTS DE CORROYAGE
Selon l'encyclopédie Larousse, le corroyage (de corroyer, de l'ancien français conreer, préparer, du latin populaire conredare) est "le travail d'une pièce de bois scié, avivée, ayant le degré de siccité convenable, en vue de lui donner la planitude, les dimensions et l'état de surface requis pour l'usinage définitif, notamment en épaisseur".
En d'autres termes, le corroyage permet d'obtenir une planche parfaitement plane dont les champs sont tout aussi parfaitement perpendiculaires au parement. Car une fois sciée et séchée, la planche peut prendre des formes qui la rendent inutilisable en l'état : elle peut être concave en largeur ou longueur et donc convexe ou bombée sur la face opposée, ou encore vrillée. Elle garde les traces de la scie, elle prend une teinte grisée du fait de la pluie. Les champs n'ont pas la rectitude souhaitée…
Nous avons vu dans le chapitre précédent que l'artisan peut utiliser une paire de réglets pour vérifier la planéité de la planche. A défaut, il peut se contenter de regarder attentivement la planche : c'est le bornoyage (Dictionnaire Larousse : "viser d'un œil en fermant l'autre pour s'assurer si une ligne est droite, si une surface est plane").
Nous n'abordons pas ici des questions techniques sur l'angle d'attaque du fer, sur son aiguisage, sur la façon de tenir le rabot… : nous n'en avons pas la compétence et nous incitons le lecteur à consulter le livre "Les rabots" déjà cité. Nous nous contentons de montrer notre collection, en espérant ne pas faire trop d'erreurs dans la classification de ces rabots.
Le corroyage concerne des surfaces planes ou incurvées, les premières étant les plus fréquentes.
Pour les surfaces planes, 2 rabots sont utilisés en première intention, le riflard, d'abord, puis la varlope.
Le riflard est constitué le plus souvent d'un fût parallélépipédique assez long, d'une poignée et le tranchant du fer est plus souvent arrondi pour attaquer le bois en profondeur, la lumière inférieure (au niveau de la semelle) est large. Il est aussi appelé, par certains, demi-varlope.
Riflard, à contre-fer à vis longue (cormier) |
La partie avant du fût est protégée par une bande de cuir.
Riflard |
A côté de cette forme classique, on rencontre des rabots dits de montagne, souvent monoxyles. La semelle de certains d'entre eux est doublée d'une plaque métallique de 2 à 4 mm pour en ralentir l'usure et en augmenter le poids.
Demi-varlope monoxyle, de montagne, à semelle métallique |
A l'avant du fût, une corne permet une meilleure préhension de la main gauche.
* Nous avions mal lu la marque du fer. Un internaute a corrigé notre erreur. L'entreprise en question est allemande et a été créée il y a plus de 100 ans.
Demi-varlope monoxyle, de montagne |
A l'avant, le fût est percé de part en part : on peut y faire passer une tige en bois, en métal ou une ficelle qui permettent à l'apprenti de tirer le rabot vers l'avant.
Pour les petites surfaces, l'artisan peut utiliser un rabot beaucoup plus court "en fin de carrière", dit "à dégrossir", ayant subi plusieurs dressages de la semelle et présentant une lumière inférieure beaucoup trop large. Après avoir arrondi le tranchant, on l'utilise pour éliminer les traits de scie, la teinte grisée ou pour travailler autour des nœuds. Question : à partir de quelle largeur de la lumière inférieure un rabot ordinaire ou à replanir passe dans cette catégorie ? Celle des rabots que nous présentons est de l'ordre de 10 - 12 mm.
Rabots à dégrossir |
A noter l'arrondi antérieur de la lumière pour les 2 et 3 : caractère régional ? fabricant ?
La varlope vient continuer le travail du riflard. La forme générale de l'outil est la même, mais les dimensions sont plus importantes, le tranchant est droit et la lumière inférieure est moins large.
Varlopes |
Grande varlope |
D'après le livre "Les rabots", cette varlope très longue est absente des catalogues français : "il s'agit soit de varlopes d'atelier, soit d'outils alpins ou étrangers". On la rencontre, également, chez le charpentier.
Riflard et varlope réunis constituent la paire d'affûtage ou affûtages.
Ils sont insuffisants pour donner l'aspect lisse à la planche. D'autres rabots, plus petits, vont être nécessaires tant pour le parement que pour les champs. La galère – pas celle du charpentier ! – commence pour le menuisier, l'ébéniste, et, surtout, pour nous.
Et tout d'abord, une parenthèse sur l'état des rabots de nos collections : ils ont beaucoup servi et ont fait l'objet de nombreuses modifications au niveau de la semelle. Il en résulte une largeur de la lumière inférieure beaucoup plus importante que celle d'un rabot en bon état. Leur classement devient quasi impossible.
Pour donner à la planche son aspect définitif, il faut donc faire appel à un rabot dit "ordinaire" - appellation en relation avec sa taille, de l'ordre de 16 à 25 cm - qui efface toute trace de passes antérieures sans enlever de matière. Si la forme générale est constante, on distingue, cependant, des modèles qui diffèrent par leur semelle, la largeur de la lumière inférieure et, donc, leur efficacité. Le rabot ordinaire de base possède une semelle en bois ; la lumière est de l'ordre du millimètre qui, on l'a vu, va s'élargir progressivement : c'est le rabot dit "à tout faire". Pour éviter cette usure rapide, la semelle peut être doublée d'une plaque d'acier de 2 à 5 mm d'épaisseur ; la lumière est de l'ordre de quelques dixièmes de millimètres. C'est le cas du rabot à replanir qui permet d'aboutir à la perfection : nous n'en avons pas !
Rabots ordinaires |
Un autre rabot, à semelle métallique, présente quelques curiosités. Il semble qu'il ait reçu une première semelle en bois de 1,5 cm, environ, d'épaisseur, puis, une deuxième, en acier de seulement 2 mm d'épaisseur. Enfin, la lumière inférieure est de 10 mm ! A priori, il s'agit d'un travail artisanal.
Rabot ordinaire à semelle métallique |
Ces rabots ont la forme typique des rabots ordinaires français. Les rabots ordinaires allemands de finition sont pourvus d'une corne au niveau du nez du fût pour faciliter la préhension de la main gauche.
Rabot ordinaire à corne |
A noter l'assemblage des deux bois constituant le fût et l'arrondi du tranchant : rabot à dégrossir ?
Rabot ordinaire à corne Bas-Rhin sur le fût : W.B. (dans un cœur) sur le fer : BLUCKHAUS (clef) CAST STEEL Fût 22 x 6,5 x 4,6 tranchant 50 mm lumière 28 mm ! |
Rabot ordinaire à corne Loire SCHUTZ ULMIA MARKE (église) OTT Fût 24 x 6,3 x 6,5 tranchant 48 mm lumière 10 mm |
La société Georg OTT a été créée en 1894. La marque verte, où figure la cathédrale d'Ulm, a équipé ces rabots de 1925 à 1950. A noter la cale transversale sur laquelle vient se bloquer l'ensemble fer - contre-fer – coin.
De l'autre côté de l'océan Atlantique, on rencontre les célèbres rabots métalliques Stanley.
Rabot métallique ordinaire Stanley |
Nous avons vu jusqu'à présent des outils utilisés pour le corroyage de grandes ou moyennes surfaces planes, les parements. D'autres sont destinés à des surfaces également planes, mais beaucoup plus petites, les champs ou chants. Ce sont des outils à recaler. D'après le livre "Les rabots", "Recaler signifie dresser le bois de bout - ou debout – c'est-à-dire la surface du bout de la pièce, constituée par des pièces se présentant à la perpendiculaire, "debout devant l'outil", par opposition au bois de fil". Cela concerne tous les assemblages de deux pièces identiques dans des plans différents : cadres, corniches, moulures… La coupe se fait à la scie suivant différents angles : 90° (dite carrée), 45° (dite d'onglet), 60° (dite demi-onglet) : les outils à recaler servent à la finition pour que l'assemblage soit parfait. Ici, varlope, demi-varlope, rabot se distinguent des précédents par leur poids et leur taille plus importants, la présence d'une semelle métallique pour limiter l'usure (le bois debout est coupé et offre une plus grande résistance que le bois de fil). La lumière inférieure est très étroite. Poignée (si elle est présente) et disposition de la lame (en biais) peuvent être modifiées par rapport aux rabots classiques.
Rabot à recaler (?), à semelle métallique, à biseau caché (?) |
Les initiales T.B. sont celles des établissements Thivel et Béréziat créés en 1888.
Pour utiliser ce type de rabot, l'artisan dispose la pièce à traiter sur un bois à dresser ou une boîte à recaler. Nous n'avons pas de bois à dresser qui était souvent fabriqué par l'artisan lui-même : 2 planchettes vissées ensemble, la première supportant l'autre dont la découpe, rectangulaire ou trapézoïdale, permettait de réaliser une coupe carrée ou d'onglet.
La boîte à recaler est plus complexe, munie d'une presse pour maintenir la planche. Il en existe deux modèles : plate, dite de menuisier, qui permet de réaliser les 3 coupes : carrée, d'onglet, de demi-onglet. Avant la finition au rabot ou à la varlope, la pièce est sciée avec une scie à plat (voir le premier article, sur les scies). Plus imposante est la boîte à recaler triangulaire dite d'ébéniste qui permet également de réaliser les 3 coupes.
Boîte à recaler |
Les cales A et D sont fixes ; la cale B est actionnée par la vis en bois. La cale C, solidaire de D, permet de réaliser une coupe carrée ou d'onglet ; solidaire de B, elle permet de réaliser une coupe de demi-onglet : elle est bloquée par les vis, sous le bâti, en C*. La barre E permet de fixer la boîte sur l'établi à l'aide d'un valet.
Boîte à recaler Loire Bâti L 51 h 29 vis métallique 25 |
Un autre modèle, plus simple et plus récent, peut être utilisé pour des coupes carrées ou d'onglet.
Boîte à recaler |
Dans certains cas, le rabot glisse non pas sur la semelle, mais sur son flanc droit : c'est le recalage sur le flanc. Un exemple particulier est celui de la double varlope d'encadreur munie de deux fers, d'une poignée double. La varlope est poussée sur le flanc dans une glissière taillée dans un bois à dresser. La baguette à recaler est plaquée contre une des deux cales symétriques ; on utilise l'un ou l'autre fer, suivant la cale utilisée.
Varlope à recaler d'encadreur |
A noter la disposition en biais des deux fers. Suivant la position des cales, l'angle de coupe est de 45°, 60° ou 75°.
Après le gros rabot, nous allons voir quelques petits rabots à semelle plane : rabots de luthier, outils d'amateur, jouets… ?
Petit rabot ordinaire |
Les deux suivants, très proches par la forme et la décoration, font penser à des jouets : fers et contre-fers sont très minces.
Petit rabot ordinaire |
Le même, en plus long :
Petit rabot ordinaire |
Petit rabot à corne |
Le suivant tient plus du racloir que du rabot, même si le dessin imprimé sur la boîte montre la formation d'un copeau.
Rabot ou racloir (?) |
Ce dernier outil nous semble plutôt fait pour les amateurs. Les 2 fers sont constitués de lames de rasoir. Il peut être utile pour enlever des taches superficielles, une teinte grisée, sûrement pas pour éliminer des irrégularités provoquées par la scie, la varlope…
Tous les rabots de corroyage et accessoires que nous avons vus concernent des surfaces planes. Si leur taille est très variable, leurs formes et leurs fers sont sensiblement toujours les mêmes – exception faite du fer légèrement arrondi du riflard. Les rabots que nous allons voir sont destinés au corroyage de surfaces incurvées ou planes, mais dans ce dernier cas ils présentent quelques différences.
Dans cette rubrique du corroyage, nous ne verrons que des rabots à semelle convexe ou concave de plus de 2 cm de largeur (décision totalement arbitraire !). En dessous, on peut penser que de tels rabots servent surtout à faire des moulures, ce qui, a priori, ne veut pas dire que les fers de plus de 2 cm ne peuvent pas faire de moulures !
Le rabot cintré est convexe dans le sens de la longueur. Nous présentons un modèle utilisé également par le charron (chapitre 3).
Rabot cintré Rhône fer COULAUX Fût 16 x 5,5 x 6,3 tranchant 4,8 |
Cintré également, ce rabot à corne, sans doute d'origine allemande, est porteur d'un fer denté. Ce type de fer est utilisé en marquèterie : nous en reparlons un peu plus loin. Il peut aussi servir pour le corroyage.
Rabot cintré à corne et fer denté Bas-Rhin fer COULAUX & C Fût 23 x 6 x 6 tranchant strié 5 lumière 6 mm |
Le rabot peut avoir aussi une semelle concave, toujours dans le sens de la longueur. Le fût est soit classique, soit plus court, à navette, ce dernier étant plutôt utilisé par le charron (chapitre 3)
Rabot à navette cintré en creux |
Convexité et concavité peuvent s'observer également dans la largeur.
Rabots ronds |
S'agit-il de deux rabots à fonctions identiques. Si le "2" correspond à la définition donnée dans le livre "Les rabots", page 140, le "1" présente une dissymétrie au niveau des joues et de la semelle. Le fût du rabot "1" comporte une contre-joue embrevée suivant le style rhodanien. Malgré la largeur respectable du fer, on peut penser que ce rabot sert plutôt à réaliser des moulures.
Plus rare, le rabot à débillarder est convexe dans les deux sens. Il sert au dégrossissage des pièces cintrées. Nous reprenons le modèle présenté, également, chez le charpentier (chapitre 7) qui s'en servait souvent. Il était souvent fabriqué par l'artisan lui-même, à partir d'un rabot ordinaire, en enlevant de la matière aux 4 angles de la semelle.
Rabot à débillarder |
Nous avons vu un rabot à corne cintré. En voici 2 autres à semelle convexe ou concave dans la largeur : une paire ?
Rabot à semelle concave et corne tournée Rhône fer IPML 8 Fût 27 x 6,5 x 7,5 tranchant 5,3 |
Rabot à semelle convexe et corne Rhône G. SCHARF B (?) Fût 27,5 x 6,5 x 6 tranchant 5 |
Jusqu'à présent, nous n'avons pas parlé des rabots métalliques. Nous n'en possédons que quelques' uns, tous de corroyage. Certains méritent un bon nettoyage avant d'être présentés. Un seul a un réel intérêt, ce Stanley n°113. Ce rabot a été fabriqué de 1877 à 1942, avec des modifications qui sont à l'origine de 11 modèles légèrement différents. Celui que nous présentons date de 1903, modèle 4a, pourvu d'une graduation sur les roues dentées latérales qui assurent un mouvement symétrique du nez et du talon. Ce système permet de travailler des surfaces planes, convexes ou concaves.
Rabot métallique cintrable Val-d'Oise STANLEY. RULE & LEVEL.CO. N° 113 Fût 25 x 8 tranchant 4,5 lumière 3 mm |
Pour terminer ce chapitre sur le corroyage, nous présentons un rabot qui peut participer au corroyage de surfaces planes au fil irrégulier, mais qui est plus souvent décrit chez l'ébéniste pour réaliser des placages. C'est le rabot à fer denté. On le reconnaît à sa petite taille et, surtout, à son fer presque vertical (80°) dont l'extrémité est dentée.
Rabots de placage et de corroyage |
Le rabot de placage suivant est plus récent : nous le présentons pour évoquer cet autre outilleur lyonnais "Au Sorbier".
Rabot de placage et de corroyage |
Dans le chapitre 8 - 2, nous voyons les rabots ou outils à moulure.
A suivre…
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE MENUISIER, ÉBÉNISTE et MÉTIERS DE MENU BOIS :
8 - 1 LES RABOTS DE CORROYAGE
MENUISIERS, ÉBÉNISTES
ET AUTRES MÉTIERS DE "MENU" BOIS
LES RABOTS DE MOULURES
Nous abordons, ici, la section qui nous paraît la plus complexe dans ces chapitres 8, consacrée aux rabots de moulurage ou "outils de moulures".
Nous nous inspirons du livre "Les Rabots", de P. Bouillot et X. Chatellard, aux Editions Vial. Pour plus de détails, de renseignements techniques, nous conseillons vivement le lecteur d'acquérir ce livre qui est une véritable encyclopédie.
La moulure est avant tout une ornementation retrouvée sur un meuble, une porte, une boiserie… Elle peut être caractéristique d'un style : Louis XIII, Louis XVI… On distingue :
- les moulures simples : congé et gorge concaves ; quart-de-rond, baguette, boudin convexes ; doucine, talon à 2 courbes opposées ; chanfrein, droit oblique.
- les moulures de dégagement ou de liaison entre plusieurs moulures simples : filet ou carré, tarabiscot, gorget…
- les moulures composées constituée de plusieurs moulures simples juxtaposées.
A l'exception des rabots ronds (convexes ou concaves), les rabots simples de moulure comportent au niveau de la semelle :
- un conduit qui vient s'appuyer sur le champ de la pièce à traiter : la moulure est ainsi parallèle au bord de la pièce ;
- un repos : lorsque celui-ci touche la pièce, le fer ne mord plus dans le bois ; la moulure est terminée.
C'est la théorie. On peut aussi trouver deux repos ou aucun…
L'élimination des copeaux se fait le plus souvent par le côté (lumière sur le côté), sauf pour les rabots les plus larges (lumière sur le dessus).
Enfin, le fût est souvent flanqué d'une contre-joue, simplement clouée, qui vient fermer la mortaise où rentrent fer et coin. Cela facilite simplement la fabrication du rabot.
Nous nous limitons à ces quelques remarques sur l'outil lui-même : il y en a beaucoup d'autres. On pourrait, aussi, évoquer d'autres éléments, comme le coin, le fer qui présentent certaines caractéristiques : cela n'est pas de notre compétence.
Nous venons de voir la théorie : reste la pratique, c'est-à-dire l'identification d'un rabot par rapport au résultat obtenu. Une fois de plus, nous attendons les remarques, les corrections des "experts".
Les rabots les plus simples ont une semelle arrondie, concave ou convexe. Les premiers sont aussi appelés mouchettes, les seconds rabots ronds.
La mouchette réalise une moulure simple convexe.
Mouchette simple (semelle concave) Loire Fût 24 x 2,5 x 8 fer 1,4 IWFM ( ) |
Le rabot rond réalise une moulure simple concave.
Rabots ronds |
A noter les marques indiquées sur les 2 fers : sur le premier, ASENCLEVER a perdu son H ou est-ce une autre famille ? Par ailleurs, au-dessus de ce nom, il y a un mot illisible, peut-être, mais peu probable, "FRERE" ? Sur le second, on ne peut distinguer que quelques lettres : P…..E – T... : il s'agit de PIERRE TILLMANS & FILS.
Rabot rond |
D'autres rabots sont plus larges : certains font partie des outils de corroyage (voir plus haut) ; d'autres, intermédiaires, peuvent être utilisés pour le moulurage et le corroyage.
Rabots ronds 2 Fût 21 x 4 x 6 fer 2,7 |
|
Autres moulures simples, autres rabots :
Rabot à moulure (doucine ?) Rhône JAQUES FRANCOIS COUVERNEY (?) J.BELLEVAUX Fût 24,5 x 7,3 x 3,5 fer 2,8 |
Rabot à moulure |
Rabots à moulure (doucine ordinaire, à gorge, à quart-de-rond ?) |
Question : sur le rabot 1, le négatif de la moulure n'occupe qu'une partie de la longueur du fût. Pourquoi ?
Rabots à moulure (chanfrein, quart-de-rond, doucine) |
Question : sur le rabot 3, le négatif de la moulure n'occupe qu'une partie de la longueur du fût. Pourquoi ?
Rabot à moulure (artisanal ?) |
A noter que la lumière latérale traverse tout le rabot.
Le rabot suivant est destiné (a priori) à la réalisation d'une moulure composée, associant baguette et boudin, juxtaposés ou non (tout cela à confirmer). Le fer de la partie mobile est légèrement incliné vers la droite.
Rabot à moulure composée (?), à coulisse de repos |
Et pour terminer, un rabot à moulure à 3 fers :
Rabot à moulure composée : quart-de-rond, doucine, congé |
|
G D : Genthon et Dansard, Lyon, vers 1900.
Les rabots à moulures étaient très nombreux dans chaque atelier de menuisier ou d'ébéniste. Notre collection se limite à des rabots de moulure simple : pas de rabots à 4 fers et plus. Il nous reste à rechercher dans nos réserves d'autres types de moulures. Après nettoyage, nous les ajouterons à cette modeste série s'ils en valent la peine.
A la suite des rabots de moulure, dans le chapitre 8 - 3, nous verrons les rabots d'assemblage.
A suivre…
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE MENUISIER, ÉBÉNISTE et MÉTIERS DE MENU BOIS :
8 - 2 LES RABOTS DE MOULURE
MENUISIERS, ÉBÉNISTES
ET AUTRES MÉTIERS DE "MENU" BOIS
LES RABOTS D'ASSEMBLAGE
Ce chapitre est consacré aux rabots qui permettent d'assembler des éléments en bois. C'est le cas pour la fabrication des portes, des fenêtres, des persiennes, mais aussi des meubles… Plusieurs types d'assemblage peuvent être réalisés : rainure, entaille et leur complément, la languette, feuillure et plate-bande, embrèvement. De façon moins précise, ces structures étaient réalisées auparavant avec des scies, des ciseaux, des bédanes…
OUTILS A RAINURE, ENTAILLE et LANGUETTE
Nous ne faisons pas de distinction entre rainure et entaille : la première est réalisée dans le sens du fil du bois contrairement à la seconde qui est faite perpendiculairement ou en biais.
Rainure |
Languette |
Embrèvement |
Les outils utilisés sont des bouvets. Ce nom dériverait de "bœuf", qui en tirant la charrue, permet de tracer un sillon, ici la rainure ou la languette. Il en existe plusieurs types.
Bouvets à joindre
Les bouvets à joindre sont les plus fréquents. Il en existe 3 modèles : simple, à rainure ou à languette, et double, à rainure et languette.
Le bouvet à rainure comporte un conduit à gauche, une languette à droite, en bois ou en fer suivant la largeur de la rainure.
Bouvet à rainure |
A noter les renforcements métalliques contre l'usure cloués sur la mortaise du coin et le conduit. Le haut du fer comporte un crochet, à la façon dite anglaise (ce peut être aussi une encoche, un élégi).
Bouvet à rainure |
La marque au lion sur le fût est celle des établissements "La Forge Royale – François Lemainque".
Bouvet à rainure |
Pour terminer, voici un bouvet à rainure à poignée. On trouve dans le livre "Les rabots" un modèle identique qui fait partie d'une paire de bouvets à embrever. Nous n'avons pas la chance d'avoir le bouvet à double languette.
Bouvet à rainure |
Le complément de la rainure est la languette.
Bouvet à languette V 28 4 |
Bouvet à languette |
Pour les faibles épaisseurs, ces deux types de rabots sont réunis : ils sont dits bouvets en 1 morceau, à l'opposé des précédents qui, pour une paire, sont désignés par bouvets en 2 morceaux. A regarder nos collections, ils semblent beaucoup plus fréquents que les précédents.
Bouvet en 1 morceau à rainure/languette Loire L. BRIZET AU PONT 32 (ancre) DE BORDEAUX Fût 21,5 x 6 x 8 fers 3,2 / 0,9 - 0,9 |
Dans l'éclaté, le fer à rainure, très étroit, présente deux particularités retrouvés régulièrement sur les fers à rainure : en haut, une encoche pour en faciliter le retrait ; en bas et en arrière, un sillon qui vient s'appuyer sur la languette métallique vissée sur le fût et qui maintient en place le fer.
Bouvet en 1 morceau à rainure/languette |
Bouvet en 1 morceau à rainure/languette |
Bouvets en 1 morceau à rainure/languette 2 Fût 22,5 x 5 x 8 fers 1,5 / 0,4 – 0,4 LYON |
Bouvets en 1 morceau à rainure/languette PEUGEOT FRÈRES A LA MAISON BLANCHE CORMIER 2 Fût 21,5 x 6,5 x 8 fers 2,1 / 0,6 – 0,6 VVE LACREUSE & SES ENFANTS VRAI CORMIER |
|
Bouvet en 1 morceau à rainure/languette Loire L C Fût 21 x 4,5 x 7,5 fers 1,3 / 0,2 – 0,2 AUX MINES DE SUÈDE R.LAMARTINE.6 |
Tous les bouvets à joindre que nous venons de voir permettent de réaliser rainure et/ou languette en bordure de pièce de bois… L'artisan peut être amené à réaliser ce même travail à distance du champ. Il doit faire appel à un outil plus complexe, à joue mobile : bouvet de deux pièces et bouvet à approfondir.
Bouvets à joue mobile
La dénomination " bouvet à joue mobile" est impropre et considérée comme fantaisiste par les spécialistes. Nous l'utilisons juste pour le titre de ce paragraphe.
Le plus ancien de ces bouvets est constitué d'un rabot ou pièce de devant sur le côté duquel sont fixées perpendiculairement deux tiges. Sur celles-ci coulisse une joue dite mobile appelée conduit de bouvet. L'ensemble constitue un bouvet de deux pièces.
Pour immobiliser le conduit à la distance voulue, il existe plusieurs types de procédés. La plus simple se retrouve dans les rabots d'ateliers, à 3 ou 4 vis, d'inspiration germanique :
Bouvet de 2 pièces (conduit à 3 vis) |
L'éloignement de la rainure par rapport au bord de la pièce est très limité.
Plus sophistiqué et permettant de réaliser la rainure à une distance beaucoup plus importante, le conduit à clefs ou clavettes est sans doute le plus ancien ; simple, il n'est pas d'une grande précision lors de la mise en place des clefs qui s'altèrent, dans le temps, sous l'effet des coups de marteau.
Bouvet de 2 pièces ( conduit à clefs) Loire J ♦ MARI ♦ L Fût 24,5 x 2,5 x 10 Conduit 26 x 2,5 x 10,5 tiges 19 |
La pièce de devant a dû se fendre en 2 parties dans le sens de la longueur comme le laisse supposer la présence de tourillons derrière la languette métallique.
Bouvet de 2 pièces (conduit à clefs) |
Dans le conduit à vis de pression, une vis pénètre perpendiculairement dans le conduit au niveau de la mortaise de la tige. L'extrémité de la vis vient immobiliser le conduit sur la tige.
Bouvet de 2 pièces (conduit à vis de pression) |
Les tiges peuvent prendre la forme de vis filetée sur toute la longueur. Le blocage se fait par un écrou piriforme en bois et un contre-écrou, également en bois, au contact du fût évidé en rond, permettant de mettre en contact fût et conduit.
Bouvet de 2 pièces (tiges filetées) Loire J . P . R DL Fût 22,3 x 2,2 x 8,5 Conduit 22,3 x 2,2 – 3,8 x 9,8 tiges 20 |
D'autres systèmes d'immobilisation existent : à étrier et à joint. Nous verrons ce dernier, ci-dessous, avec les bouvets à approfondir.
Ces outils présentaient un inconvénient majeur : la profondeur de la rainure ne pouvait être modifiée. Ce problème fut réglé dès le début du XIXe siècle avec l'adjonction d'une languette métallique plus haute et d'une "descente" permettant de modifier la profondeur de la rainure. Le bouvet de deux pièces devint le bouvet à approfondir.
Plusieurs systèmes de descente ont été proposés :
- à coulisseaux : le patin est solidaire de deux vis verticales pénétrant le fût par le haut : nous n'en avons pas ;
- à crémaillère : proche de la descente à T, la tige plate est pourvue d'une roue dentée entraînée par une vis pénétrant le côté droit du fût.
- en bois : le patin coulisse dans une entaille oblique pratiquée à l'avant et sur la face gauche du fût ; de faible coût, mais peu fiable : nous n'en avons pas.
- à T : le patin est solidaire d'une tige plate perpendiculaire, ajourée sur un peu plus de la moitié de sa longueur, et traversant le fût dans sa hauteur ; une vis traverse le fût par la droite, pénètre et bloque la tige ajourée : il semble que ce soit le système le plus fréquent à défaut d'être le plus fiable.
- à pompe : le patin est solidaire d'un bloc qui coulisse à l'intérieur du fût ; le mouvement de haut en bas de ce bloc est provoqué par la rotation d'une vis verticale insérée dans le haut du fût : a priori, ce système est le plus fiable et nous viendrait d'Angleterre où il était utilisé dès le XVIIIe siècle.
Les rabots à approfondir que nous présentons ont pour la plupart un conduit à joint. Ce conduit est en deux parties qui sont rapprochées l'une de l'autre grâce à 2 boulons et 2 vis oreilles et viennent enserrer les tiges. Les tiges sont fixées sur le fût avec un angle de 90° par rapport à l'horizontale.
Conduit à joint |
Bouvet à approfondir à crémaillère et conduit à joint Rhône MEUNIER OUTILLEUR RUE VAUBAN, 37 LYON Fût 23,5 x 4,5 x 6 – 8,5 Conduit 23,5 x 2,5 – 4,5 x 9,5 tiges 20 |
Bouvet à approfondir en chêne vert, à descente en T et conduit à joint |
Bouvet à approfondir, à descente en T et conduit à joint |
Bouvet à approfondir, à descente en T et conduit à joint |
Bouvet à approfondir, en chêne vert, à descente en T et conduit à vis bois |
Bouvet à approfondir, à descente en T et conduit à joint |
A noter l'inscription sur le fût : 3 clefs horizontales dans un écusson couronné (?)
Bouvet à approfondir d'ébéniste, à poignée, descente en T et conduit à joint |
Le bouvet suivant, le dernier, d'origine anglaise, présente une descente à pompe. Le conduit à clefs est finement ornementé, de forme très différente des conduits français et associé aux tiges coulissant à travers le fût.
Bouvet à approfondir, à descente à pompe et conduit à clefs |
En début de cet article, nous avons évoqué les entailles : ce sont des rainures effectuées perpendiculairement ou en biais par rapport au fil du bois qui doit, donc, être coupé, d'où la nécessité d'un grain d'orge sur ce type de rabot. La lumière est à droite. Dans le premier, le fer est en biais, dans le second il est droit.
Entaille (en chêne vert) Loire AU ……… 10 m/m J . L MARSEILLE Fût 21,5 x 3 x 7,5 fer 1 Angle de coupe 50° |
Entaille |
OUTILS A FEUILLURE ET PLATE-BANDE
Outre les rainures et les languettes, l'artisan peut utiliser d'autres formes d'assemblage : la feuillure et la plate-bande, la seconde n'étant qu'une feuillure très large.
Plutôt qu'un long discours, un dessin, même simpliste, suffit à faire comprendre ce que sont ces 2 structures.
1 Feuillure 2 Plate-bande |
La partie inférieure constitue une languette qui va pénétrer dans une rainure réalisée dans un montant d'étagère, un cadre de porte…
Feuillerets
Le feuilleret de base, dit de menuisier, est constitué d'un fût classique, parfois élégi, de 20 à 25 cm de longueur, avec un repos et un conduit, une lumière sur le côté. Le fer est perpendiculaire à l'axe du fût ; il est tranchant sur sa base et le côté droit. Nous n'avons pas de rabot de ce type qui donne une feuillure de largeur et de profondeur constantes.
Plus élaboré, le feuillet d'ébéniste dispose de parties mobiles : joue et/ou repos. Il permet de travailler le bois dans les deux sens grâce à un fer en biais et un grain d'orge qui coupe les fibres de bois avant le fer principal, évitant ainsi les éclats. La lumière est latérale
Feuilleret d'ébéniste, à joue et repos mobiles et grain d'orge |
Le modèle suivant présente une lumière sur le dessus, un repos fixe, un fer en biais ; il n'y a pas de grain d'orge : il ne peut donc travailler que dans le fil du bois. S'agit-il vraiment d'un feuilleret ?
Feuilleret d'ébéniste (?) |
Les feuillerets longs, dits d'établi par Roubo, sont utilisés dans un deuxième temps pour corroyer une feuillure effectuée à la scie. Ils sont en bois monoxyle.
Feuilleret long |
Feuilleret long |
Feuilleret long |
Peut-on attribuer une signification compagnonnique à cette gravure ?
Plates-bandes
Les panneaux constitutifs d'une porte comportent une plate-bande sur leurs 4 côtés ce qui permet leur insertion dans le cadre pourvu des rainures correspondantes.
A la plate-bande, peut être associée une moulure réalisée avec le même outil lorsque la moulure est simple, comme une gorge; dans ce cas, l'outil ne comporte pas de grain d'orge. Dans tous les autres cas, le grain d'orge est nécessaire ; le fer est en biais ; la joue est toujours mobile, le repos peut l'être également ; la poignée n'est pas toujours présente.
Plate-bande à joue mobile et grain d'orge |
Cette plate-bande a été fabriquée à Lyon comme on peut le voir entre les 2 "R.L" ; le nom du fabricant est illisible. A noter la mortaise du grain d'orge creusée dans celle du coin vertical, à l'avant.
Nous avons longuement hésité à placer dans les plates-bandes cet outil qui possède également des caractéristiques du feuilleret d'ébéniste. Les dimensions - longueur et largeur du fût, largeur du fer – nous font penser davantage à une plate-bande.
Plate-bande à joue et repos mobile, à grain d'orge Loire MEUNIER OUTILLEUR LYON 37 RUE VAUBAN Fût 35 – 28 x 9 x 8 fer (manque) contre-fer 5,5 Joue mobile 4,3 repos mobile 3 |
Plate-bande à joue mobile et grain d'orge |
Les structures d'assemblage réalisées avec les rabots présentés dans ce chapitre ne sont pas toujours parfaites. Il convient parfois d'ajuster des angles de rainure, des tenons, des feuillures… On fait appel à d'autres rabots, que l'on pourrait appeler d'ajustage ou de finition, les guillaumes et les guimbardes – sans oublier d'autres outils vus au chapitre 4, racloirs et wastringues.
Guillaumes
Ces rabots ont une structure très particulière qui permet de les identifier sans difficulté, même si… Le fût est rectangulaire, étroit. Le fer, grossièrement en forme de "T" inversé, est introduit côté semelle ; il est très légèrement plus large que le fût, perpendiculaire à l'axe du fût et l'angle de coupe est variable, de 45° à 60°, suivant la dureté du bois, avec quelques exceptions qui s'approchent des 90°. La lumière, plutôt ronde, traverse le fût. Ce sont là les caractéristiques générales, mais, comme toujours, on rencontre différents modèles.
Le guillaume ordinaire répond aux critères énoncés ci-dessus.
Guillaumes ordinaires |
Guillaumes ordinaires |
Le guillaume "2" est plus récent, constitué de 2 essences de bois, fabriqué par Goldenberg.
Ces guillaumes ont des dimensions similaires et classiques. Ils peuvent être beaucoup plus longs.
Guillaume ordinaire avec tranchant perpendiculaire à l'axe du fût |
Le guillaume à fer en biais est plus rare, rencontré chez le charpentier ou l'ébéniste, pour ajuster la base des tenons.
Guillaume à fer en biais |
Le guillaume en navette est utilisé pour une feuillure courbe.
Guillaume en navette ou Navette Aisne AL.GIQUEL A.WACH Fût 22 x 2,5 x 8,5 fer 2,8 angle de coupe 50° |
Rarement vu : les noms de 2 propriétaires successifs !?
Guillaume en navette ou Navette |
G D : Genthon et Dansard, outilleurs lyonnais de la fin du XIXe siècle. La meilleure qualité portait la marque "AU GAULOIS".
Le guillaume à semelle convexe sert à ajuster les feuillures concaves.
Guillaume à semelle convexe |
La convexité peut être très faible, à peine visible.
Guillaume à semelle convexe |
Le guillaume de côté permet d'élargir une rainure.
Guillaume de côté, à fer en biais |
Est-ce vraiment un guillaume de côté ou un cas particulier ? La plupart des critères sont réunis, sauf la partie inférieure du rabot dont la section est rectangulaire au lieu d'être trapézoïdale, plus étroite au niveau de la semelle.
Le guillaume à fer sur le bout permet d'ajuster la feuillure jusqu'à son extrémité.
Guillaume à fer sur le bout Loire Fût 27 x 2,3 x 7,3 fer 2,5 angle de coupe 55° |
S'agit-il d'un guillaume ordinaire dont le nez a été scié et renforcé par une petite plaque de bois vissée ou d'une simple consolidation ?
Guimbardes
Pour terminer ce long chapitre sur les rabots d'assemblage, nous allons voir un dernier outil : rabot, grattoir pour les uns, ou encore racloir pour les autres, la guimbarde vient créer ou finir une rainure. Il y a 3 modèles : le premier possède un fer droit ; le deuxième présente une lumière sur le dessus, comme un rabot ordinaire, mais a la forme générale d'un wastringue ; le troisième possède un fer coudé. C'est ce dernier que nous vous montrons.
La guimbarde à fer coudé est utilisée non seulement pour ajuster une rainure, mais aussi pour la réaliser. Elle vient creuser un sillon entre deux traits parallèles réalisés au ciseau.
Guimbarde à fer coudé |
Guimbarde à fer coudé |
Ainsi se termine ce chapitre sur les rabots d'assemblage avec son lot d'incertitudes. Nous avons réalisés des choix : il le fallait bien. Nous pensons tout de même avoir respecté globalement les descriptions proposées par les spécialistes. Encore une fois, toute remarque justifiée sera la bienvenue et pourra faire l'objet d'un copier-coller sur notre site.
Prochainement, nous terminerons ce chapitre 8 sur les rabots par quelques outils spécialisés, utilisés dans différents corps de métiers.
A suivre…
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE MENUISIER, ÉBÉNISTE et MÉTIERS DE MENU BOIS :
8 - 3 LES RABOTS D'ASSEMBLAGE
MENUISIERS, ÉBÉNISTES
ET AUTRES MÉTIERS DE "MENU" BOIS
RABOTS ET OUTILS PARTICULIERS
Ce dernier chapitre sur les rabots est consacré à des outils utilisés pour des fabrications bien particulières. Nous nous contenterons de les citer et de vous montrer ceux que nous possédons pour les persiennes, les croisées, les tables. Il nous en manque énormément. Pour plus de détails quant à la façon de les utiliser, une fois de plus nous vous conseillons de consulter le livre de P. Bouillot et X. Chatellard, "Les Rabots", aux éditions Vial.
Outils pour fabrication des persiennes
Les persiennes sont des volets ajourés constitués d'un cadre et de lames de bois. Les montants verticaux sont pourvus d'entailles obliques percées d'un trou rond en leur centre dans lequel vient s'insérer le tourillon carré de la lame.
Les entailles dans les montants verticaux sont réalisées avec le rabot ou outil à entailles déjà vu dans le chapitre des rabots d'assemblage.
Outil à entailles |
Nous passons sur l'outil pour fausses lames (proche du rabot à élégir) utilisé sur les traverses intermédiaires et le calibre à lames qui sert à donner la même épaisseur à toutes les lames à l'aide d'une varlope.
L'outil suivant évoque une presse avec sa vis en bois. Nous avons vu plus haut que les lames sont terminées par un tourillon carré. Pour gagner du temps, le menuisier réalise ces tourillons sur deux lames à l'aide d'une scie et d'un ciseau. Il met ensuite côte à côte les lames, les deux munies des tourillons étant placées à chaque extrémité. Le tout est inséré dans un châssis à araser. Un conduit est cloué sur l'ensemble, le long des bases des tourillons. Enfin, avec un guillaume à araser les lames de persiennes, le menuisier dégage les tourillons de toutes les lames, à l'identique de ceux des 2 lames placées aux extrémités.
Châssis à araser les lames de persiennes |
Les barres longitudinales sont percées de trous symétriques dans leur partie inférieure, tous les 5 cm. La cale inférieure mobile est positionnée suivant le nombre de lames à travailler.
Guillaume à araser les lames de persiennes Loire Fût 47 x 6 x 8,5 fer 4 |
Le contre-fer est estampillé de la marque "BURNOUD FRERES" dont le dessin est très proche de celui de COULAUX. Les Burnoud, en activité de 1840 à 1870, étaient des quincaillers lyonnais qui vendaient certains fers sous leur nom, fabriqués par Coulaux.
Pour améliorer la jonction entre l'entaille réalisée dans le montant et le tourillon, l'artisan réalise à la base de celui-ci deux encoches à l'aide d'une mouchette (voir rabots de corroyage). Pour les ultimes finitions, il se sert du rabot à replanir et du guillaume à navette (voir rabots d'assemblage).
Mouchette Guillaume à navette |
Outils pour fabrication des croisées
Une croisée n'est rien d'autre qu'une fenêtre. Rien d'autre ne veut pas dire que la fabrication est simple car les éléments constitutifs sont nombreux : le dormant (cadre fixé dans la maçonnerie), l'ouvrant constitué d'un ou deux bâtis carrés ou rectangulaires (vantaux …) composés de montants, de traverses (celle du bas est appelée jet d'eau ; les intermédiaires sont les petits bois), d'un faux-meneau.
Nous n'avons guère d'outils en ce domaine. Espérons… Pas de pestum, pas de tarabiscot, pas d'enlève-carrés, pas de mouton, de noix, de congé, de jet d'eau, de goutte d'eau ! Nous n'avons qu'une gueule de loup et une contre-noix.
La gueule de loup correspond au montant concave du vantail de droite qui vient s'encastrer dans le montant convexe ou mouton du vantail de gauche, derrière le faux-meneau. Qui dit concavité dit fer convexe.
Gueule de loup |
|
Pour limiter le passage de l'air ou de l'eau, le dormant est muni d'une noix (rainure en forme de demi-cercle concave) dans laquelle vient s'encastrer la contre-noix convexe du châssis.
Contre-noix à coulisse |
* Genthon et Dansard, Lyon vers 1900
Outils pour fabrication de coulisses de table
L'invention de coulisses de table date du début du XIXe siècle. Elles permettent d'accueillir de nombreux convives grâce à des rallonges. Celles-ci sont posées sur des tringles solidaires des pieds et qui coulissent l'une dans l'autre, suivant un assemblage "rainure en queue d'aronde" et "noyau ou noix en papillon".
La rainure est réalisée à l'aide d'un rabot ou d'un guillaume à élégir pour coulisses.
Guillaume à élégir pour coulisses Fût 55 x 8,5 x 7,5 fer Goldenberg 2,2 |
La rainure est, en coupe, rectangulaire. Pour la transformer en queue d'aronde ou trapèze isocèle, il faut rendre obliques et symétriques les deux parois verticales de la rainure initiale. C'est la fonction du guillaume pour coulisses.
Guillaume pour coulisses ou de côté |
Quelques autres rabots
Le rabot à élégir
Parallélépipédique, le rabot à élégir possède une semelle dont la largeur est inférieure à celle du fût, avec deux repos symétriques. Il permet de diminuer l'épaisseur du bois sur une partie de sa surface (l'élégi).
Rabot à élégir Rhône 31 JF 4 GUIME Fût 22,2 x 6 x 7 fer 4 (Goldenberg, avec ACIER FONFU en surcharge) |
Les outils de layetiers
Le layetier est spécialisé dans la fabrication de layettes, c'est-à-dire de petits coffres réalisés avec des planches minces. Le domaine est vaste : boîte à chapeau, à perruque, à archives ; cage à perroquet ; crachoir, mais aussi cercueil. On peut donc penser qu'il devait aussi utiliser des planches d'une certaine épaisseur. Le métier a été rattaché au menuisier et tourneur en 1776.
On trouve, parfois, une confusion entre layetier et emballeur. Il semble que les emballeurs utilisaient surtout de la toile pour réaliser des ballots sur lesquels ils marquaient à l'encre des annotations en relation avec les exigences de la douane, la nature des marchandises transportées... On peut, également, penser que le métier a évolué dans les temps.
Cette confusion se reporte sur les outils employés. En voici quelques' uns. Il y en a bien d'autres.
Hachette dite d'emballeur |
Cet outil est à la fois marteau, hache, arrache-clous et pied-de-biche.
Rabots à caisse, dit de layetier |
Plus racloirs que rabots, ces outils servaient à enlever les étiquettes collées sur des emballages en bois réutilisés.
Le "rabot" suivant, métallique, est souvent appelé "noisette" à cause de sa taille et considéré comme un rabot de luthier. Il a, en réalité, la même fonction que les précédents : éliminer les étiquettes.
Rabot métallique |
Le layetier fabrique des layettes, c'est-à-dire des petits coffres réalisés avec des planches minces. Il produit également des boîtes à chapeaux, à perruque, les souricières, les cages à écureuils et perroquets, les cercueils, les étuis pour instruments de musique... Le domaine d'activité est vaste et l'on comprend pourquoi ils ont été longtemps en concurrence avec les menuisiers et les serruriers. En 1776, ils ont été réunis avec les menuisiers et les tourneurs.
Nous présentons un petit coffret qui pourrait être un coffret dit de messager. Nous pensons qu'il est de la première moitié du XVIIIe siècle, mais nous ne sommes pas des experts. Appelé également "boiste aux lettres", ce type de coffret est connu depuis le Moyen-Âge. Il est en fer forgé, en bois, recouvert ou non de cuir. Il est utilisé pour transporter des livres, surtout pieux, ou des lettres. A priori, il doit être muni d'attaches permettant de le fixer sur un cheval. A l'intérieur du couvercle, on trouve souvent une image religieuse évoquant la Nativité, des scènes de la vie du Christ ou de saints.
Le nôtre est en chêne, sans image, sans attache : ce n'est peut-être qu'une boîte à livres. Il semble qu'il y avait à l'intérieur des compartiments aujourd'hui disparus. L'assemblage des côtés est à queues d'aronde, avec des renforts métalliques en forme de fleurs de lys. Le couvercle possède en son centre un écusson en laiton non décoré. La clef n'est pas d'origine, mais la serrure fonctionne parfaitement.
Coffret de messager ou boiste aux livres ou aux lettres ? Eure-et-Loir L 27 l 15,5 h 15 |
Sur la photographie de gauche, on devine les traces d'une cloison médiane. Sur la paroi du fond, deux encoches laissent penser que l'on pouvait pousser un rayon mobile supporté par les deux tasseaux latéraux.
Sur la photographie de droite, on voit l'assemblage à queue d'aronde et les renforts métalliques.
Le rabot de raboteur
Le rabot de raboteur est utilisé par le parqueteur pour surfacer le nouveau parquet. Notre modèle ne possède ni semelle en acier, ni tourillon sur le nez, mais a la forme générale attendue, avec, notamment, des arrêtes verticales arrondies.
Rabot de raboteur (parqueteur) |
A noter, ici, un fer Goldenberg, très altéré, à l'effigie de Napoléon Ier, avec la mention "SANS RIVAL". Ce type de fer fut proposé à une époque où il était, à nouveau, de bon ton de célébrer la gloire, l'invincibilité, la force de l'empereur et de transposer ces critères à la qualité de l'acier employé (1840, avec le rapatriement de ses cendres). La défaite de Napoléon III, à Sedan, en 1870, mit fin à cette production. On le retrouve chez une dizaine de fabricants ; au total, il existe une trentaine de modèles différents (position des jambes, de l'épée...).
GOLDENBERG MORITZ OHL |
Nous terminons ces 4 chapitres sur les rabots par cette note historique. Nous n'en avons pas fini, toutefois, avec les métiers de menuisier, ébéniste et de "menus bois". Toujours dans le même esprit, nous sommes prêts à partager toutes les remarques qui peuvent être faites sur ces documents qui seront mis à jour au fur et à mesure de nos nouvelles acquisitions.
Pour mémoire, nous présentons d'autres rabots spécifiques de certains métiers du bois ou d'autres matériaux : armurier, carrossier (charron), charpentier, charron, tonnelier, vannier ; maréchal-ferrant ; plâtrier-peintre ; sculpteur sur pierre.
FIN
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE MENUISIER, ÉBÉNISTE et MÉTIERS DE MENU BOIS : 8 - 4
DES RABOTS ET OUTILS PARTICULIERS
MENUISIERS, ÉBÉNISTES
ET AUTRES MÉTIERS DE "MENU BOIS"
LES OUTILS DE TOURNEUR
Le métier de tourneur sur bois est très ancien comme le montre des découvertes archéologiques dans la Rome ancienne et en Egypte. Dès le XIIIe siècle, les tourneurs sur bois appartiennent, comme les menuisiers, à la corporation des charpentiers dans le livre des métiers d'Estienne Boileau. Ils obtiennent des statuts exclusifs en 1467. A cette époque, ils vendent des objets en bois, certains étant fabriqués dans d'autres corporations (de leur propre aveu) : "…par cy devant et de très longtemps ilz ont accoustumés de vendre vans, hotes, bachoes, chasières, paniers couverts d'osier blanc, cajots et cages à poussins, corbeilles et corbillons, picotins, paniers à vendengier, mannes et mannequins, hottereaux, chaserez, coulouers, et autres choses qui sont déppendans et appartenans d'autres mestiers". En 1573, les statuts sont modifiés, allongeant les années d'apprentissage de 3 à 4 ans, mais autorisant la vente d'autres objets : jattes, auges à maçon, pelles, courges, battoirs, échelles, rateliers, quenouilles, fuseaux, cadres de miroirs, pilons, râteaux, fauchets, manches de battoirs pour la paume… Cette liste s'allonge encore en 1600 : manches de parasols, billes de billard… Les chaises font également partie de leur commerce, chaises garnies de jonc ou de paille : les tourneurs sont alors appelés chaisiers. (Nous évoquons leurs outils dans le chapitre suivant, n° 10). Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, ils élargissent encore leur production, en utilisant des matériaux divers : écailles, buis, érable, ivoire : boutons, rouets, ornements pour carrosses, têtes à perruques, bras et jambes artificielles… autant d'objets que la nouvelle société et l'évolution des sciences réclamaient. (Alfred Franklin, Dictionnaire Historique des Arts, Métiers et Professions exercés dans Paris depuis le treizième siècle H. Welter éditeur en 1906 réédition Bibliothèque des Arts, des Sciences et des Techniques, 2004)
Après ce bref historique, évoquons les outils du tourneur. Et commençons par une lapalissade : un tourneur utilise un tour. Nous avons vu dans le chapitre 1 du Charron un tour en l'air classique, utilisable par le tourneur :
Tour en l'air Volant : roue de charron à 12 rais en frêne ; jante composée de 4 segments en frêne, renforcée par 6 secteurs forgés vissés, avec masselottes en plomb d'équilibrage ; moyeu renforcé par 2 frettes forgées ; vilebrequin d'entraînement forgé ; béquille de fixation en frêne ; pédale d'entrainement reconstituée. Equipement : tour à moyeu : 2 poupées en noyer ; longueur maximale entre pointes 60 ; axe fileté recevant une pointe à 3 piques d'entrainement ; montage sur 2 paliers en bronze, à double coussinet ; une poulie à gorge en noyer à décor de gorges et filets sur les flancs. |
(Autres photographies dans "Charron 1")
Cet autre tour, solidaire d'un cadre en bois, est à fixer sur l'établi :
Tour en l'air |
Ce tour, photographié lors de l'une de nos expositions, est actuellement difficile d'accès. Dès que possible, après un bon nettoyage, nous donnerons d'autres renseignements, avec quelques photographies plus précises.
Le tour suivant provient d'une usine de tresses et lacets de la Terrasse-sur-Dorlay. Il était utilisé pour la fabrication des bobines.
Tour en l'air |
Pour enlever de la matière et donner la forme voulue, le tourneur utilise des outils déjà vus, par ailleurs : ciseaux et gouges, munis de manches très longs ou … très courts !
Ciseau |
Gouge |
La série suivante était utilisée par un ouvrier de l'usine Chavanne-Brun, à Saint-Chamond, pour fabriquer des moules de cylindre de laminoir.
On distingue des bédanes, des gouges et des planes (il en existe d'autres : racloir, tronquoir...) : les bédanes, très massifs pour les plus larges, sont utilisés pour calibrer des pièces. Il existe différents modèles de gouge, de largeur et d'épaisseur d'acier variable : à profiler, à dégrossir. Enfin les planes servent à la finition ou, en position sur le côté, pour la réalisation de rainures.
Bédanes |
André Scharwaechter, après avoir travaillé chez COULAUX, crée son entreprise en 1930, à Molsheim. Sur ses outils, à côté de son nom, figure une feuille de chêne :
Gouges Loire 5 L 43 manche 20 fer l 2 MUTZIG-FRAMONT 6 L 47 manche 23 fer l 2,8 GOLDENBERG |
Planes (à ne pas confondre avec la plane à 2 poignées) |
Le tranchant présente de très nombreuses autres formes suivant l'objet à réaliser.
Ciseaux |
Ciseaux |
Ciseaux |
Le travail du tourneur est souvent répétitif : la construction d'une balustrade, de certains embellissement de meubles, pieds de table, ou de jeux de quilles … nécessitent de réaliser le même objet tourné en plusieurs exemplaires identiques. Le contrôle se fait "à l'œil" ou plus souvent au compas dit d'épaisseur. Nous en voyons dans de nombreux autres métiers du bois, du fer, de l'art. Les deux branches sont plus ou moins arrondies. Un quart de cercle ou secteur permet de bloquer leur écartement en une position donnée. Voici deux modèles très proches : un pour gaucher (1), un pour droitier (2).
Compas d'épaisseur, à secteur |
Les tranchants des outils doivent être parfaitement affûtés. Pour la gouge, l'artisan utilise une petite meule d'établi, dite à gouge ou à plomb, comprenant une vingtaine de molettes en plomb, de largeur croissante, adaptée à la largeur de chaque gouge (présentée, également, dans le chapitre 5 du Menuisier).
Meule à gouge ou à plomb |
Pour certaines finitions de petits objets, le tourneur peut maintenir son ouvrage dans un petit étau en bois (utilisé aussi par le sculpteur sur bois).
Etau en bois |
Bien qu'il ne soit plus question de tour, le tourneur sur bois peut manipuler des outils en les faisant tourner. C'est le cas des filières et des tarauds. On ne trouve bien souvent que la filière, plus rarement le couple filière – taraud. Ils servent essentiellement à la fabrication de vis en bois utilisées dans des petits meubles de métier à hauteur variable ou dans des outils à partie mobile. Les plus anciens sont en hêtre, chêne, frêne, cormier, et, parfois, buis, ébène ; les plus récents sont en fonte. Le fer est en forme de "V". Le trou latéral dans le fût termine la mortaise du fer pour éliminer les copeaux.
Filière en buis (?) |
Filière |
Filière et taraud, en ébène de Macassar (?) |
Filière et taraud |
Le tourneur sur bois utilise bien d'autres outils, communes à la plupart des métiers du bois : scie, plane, hache… vus par ailleurs, dans d'autres articles.
Pour finir, voici quelques objets fabriqués par le tourneur.
Le plus récent : une boule de pétanque lyonnaise, en bois clouté : fer, laiton et cuivre, marquée deux fois "C", diamètre 10 cm.
Un support de quenouille à l'oiseau, du milieu du XVIIIe siècle.
Un buffet à 3 corps, de style Louis XIX, datant de la 2ème moitié du XIXe siècle. Versailles oblige, l'austérité du style Louis XIII fait place à une certaine exubérance : boules sur la corniche supérieure, colonnes torses, pieds en rave. On comprend l'utilité des compas d'épaisseur qui permettent de vérifier les dimensions de chaque pièce faite en série. Les colonnes réalisées sur 360° seront remplacées au XIXe siècle par des demi-colonnes.
On retrouve des vis en bois dans des outils présentés par ailleurs.
Bouvet à approfondir Bouvet de 2 pièces |
Boîte à recaler Châssis à araser les persiennes |
Comme souvent, il nous reste d'autres outils, en particulier des ciseaux et gouges : un bon nettoyage s'impose avant de vous les présenter.
FIN
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE MENUISIER, ÉBÉNISTE et MÉTIERS DE MENU BOIS :
9 LES OUTILS DE TOURNEUR
MENUISIERS, ÉBÉNISTES
ET AUTRES MÉTIERS DE "MENU" BOIS
LES OUTILS DE CHAISIER
Le mot chaise provient du latin "cathedra" que l'on peut traduire par "chaise à dossier, siège, chaise à porteurs, chaire de professeur (F. Gaffiot)". Le mot "cathédrale" en dérive : c'est "l'église mère d'un diocèse où se trouve la cathedra, le siège de l'évêque (Larousse)".
Si la chaise est à notre époque un meuble courant de repos, de confort, de décoration que l'on trouve dans tous les foyers, cela n'a pas été toujours le cas. Des chaises, sans grand confort, mais magnifiquement décorées, ont été retrouvées dans des tombes de pharaons égyptiens. Les grecs améliorent le confort grâce à des courbures plus conformes au corps humain (le klismos). Le siège est bas, l'assise est garnie d'un coussin, les pieds sont arqués en forme de sabres tournés vers l'extérieur. Ce siège reviendra à la mode au XIXe siècle grâce aux découvertes archéologiques. Les Romains n'inventent rien. Le siège a souvent une assise incurvée de droite à gauche ; le dossier n'est pas toujours présent contrairement aux accotoirs qui donnent à ce siège l'aspect d'un fauteuil… très inconfortable. Tous ces sièges sont utilisés par l'aristocratie, le clergé, les riches commerçants... Le peuple se contente de bancs, de tabourets. Cette situation va perdurer jusqu'à la Renaissance : les premières chaises dignes de ce nom nous arrivent d'Italie, comme la fourchette. On parlera de style attaché à un nom de roi à partir du XVIe siècle : Henri II, Louis XIII, Louis XIV… Ce n'est qu'au XIXe siècle que les chaises feront partie du mobilier des ménages plus modestes (et encore !).
Dans son dictionnaire, A. Franklin nous apprend qu'au XIIIe siècle le fabricant de chaise fait partie de la corporation des tourneurs en bois, eux-mêmes appartenant à celle des charpentiers. Les tourneurs obtiennent leur autonomie en 1467. A cette époque, il n'est pas fait mention de chaise dans la production de ces artisans, et pour cause. Il faut attendre 1600 et de nouveaux statuts octroyés par Henri IV pour voir apparaître le terme de chaisier, à propos de "chaises garnies de jonc ou de paille". A la campagne, il va de ferme en ferme, fabrique le plus souvent des chaises paillées. A la ville, il a son atelier, travaille des matériaux plus nobles comme la tapisserie ; ses chaises sont ornées de sculptures, de dorures, conformes à la mode du temps.
De quels outils se sert le chaisier ? On retrouve la plupart des outils du tourneur et du menuisier : hache massive, maillet, plane droite ou courbe, vilebrequin, racloir, wastringue, tour, ciseau, bédane, gouge, drille, poussoir, chevalet ou banc d'âne…
La plane se présente parfois sous une forme particulière, avec un tranchant double, arrondi : nous n'en avons pas. On peut imaginer cette plane avec le modèle suivant, au tranchant simple, mais très arrondi :
Plane |
Autre outil particulier, le vilebrequin. Un petit rappel terminologique est nécessaire. Pour donner un pouvoir de pénétration plus important à la mèche, l'artisan appuie à l'autre extrémité sur la conscience :
Le chaisier a conservé la forme originelle avec un cadre en "C" classique, mais terminé par une pointe qui vient s'encastrer dans un trou réalisé dans une planchette qu'il se pend autour du cou et qui lui arrive au niveau du torse. Ce n'est pas la main qui pousse le vilebrequin, mais le torse. Le foret est souvent en forme de cuillère.
Vilebrequin sans conscience |
Vilebrequin avec conscience externe |
Le vilebrequin suivant est, selon D. Boucard, utilisé par le réparateur de siège. Il est imposant par sa longueur et contrairement aux deux précédents, il a une petite conscience intégrée.
Vilebrequin de réparateur de siège |
Pour maintenir les pieds réunis lors du montage avec l'assise, le chaisier utilise une presse.
Presse de chaisier Aisne Bâti 18 x 4,2 – 18 x 3,5 vis 30 |
Nous terminons par deux outils vus dans les chapitres 1 et 4.
Scie de chaisier |
Le wastringue suivant était utilisé par un chaisier. Il a la particularité de posséder 2 lames : 1 droite, 1 courbe.
Wastringue double |
On aurait pu parler, également, de rabots propres au chaisier, en particulier une varlope dont la lumière et la poignée sont placées à l'avant du fût, contrairement aux varlopes classiques.
Ce chapitre 10 termine la longue série sur les outils de menuisier, d'ébéniste et des métiers de menu bois (encadreur, layetier…). Au fil du temps, suivant les acquisitions, nous ajouterons de nouvelles pièces. Chaque ajout sera annoncé dans la rubrique d'accueil "En Bref".
FIN
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE MENUISIER, ÉBÉNISTE et MÉTIERS DE MENU BOIS :
10 LES OUTILS DE CHAISIER