PAYS DU GIER

 

 

LES OUTILS DE SCIEUR DE LONG

 

 

Après avoir construit sa baraque, le scieur de long va préparer le seul outil qu'il ne peut transporter : la chèvre ou le tréteau, cet outil indispensable sur lequel va reposer la bille à débiter. Il est constitué d'un tronc d'arbre de 4 à 6 m. Une extrémité repose sur le sol, bien calée. L'autre extrémité est montée à hauteur d'homme et maintenue dans cette position par 2 ou 3 poteaux obliques pour supporter la charge. Souvent, à cette extrémité, le tronc est taillé en biseau de façon à obtenir une surface horizontale sur laquelle sera positionnée la bille.

 

 

   

 

Ce montage semble être le plus fréquent. Dans certaines régions, la chèvre est remplacée par un échafaudage horizontal monté au-dessus d'une fosse. Cette construction est utilisée par des scieurs de long sédentaires, parfois par des scieurs migrants. La préparation de la fosse peut aussi profiter de la pente du terrain : sans doute la solution la plus rapide et la plus sûre.

Nous allons découvrir les outils du scieur de long au fur et à mesure de leur utilisation. Certains d'entre eux sont présentés, par ailleurs : outils de bûcheron, de charpentier, notamment.

 

Sur ordre du propriétaire, l'arbre est abattu à la hache par un bûcheron ou par le scieur, puis étêté, ébranché, souvent écorcé : tout est soigneusement recueilli pour la fabrication des sabots ou du charbon de bois, pour le bois de chauffage, l'alimentation des fours du boulanger, du verrier… jusqu'à l'écorce du jeune chêne qui est acheminée vers les tanneries. Les arbres les plus fréquemment utilisés sont le chêne, le châtaignier, l'orme, le sapin.

 

Un gros tronc est déplacé à l'aide du tourne-bille, placé sur deux chevrons transversaux, les chantiers, et stabilisé par des clameaux. Le doleur l'attaque à la hache à blanchir et à équarrir pour obtenir une poutre de section sensiblement carrée.

 

     
                         Doloire (voir charpentier 3)                                                         Tourne-bille (voir bûcheron 4)  

 

La bille est, ensuite, coupée à la longueur voulue, à l'aide d'un passe-partout. Les sections des deux extrémités doivent être perpendiculaires à l'axe longitudinal de l'arbre. Les dents de la scie doivent être inclinées alternativement, à droite et à gauche à l'aide d'un tourne-à-gauche. L'écartement doit être plus important pour les bois tendres. Pour les bois durs, on lime les dents pour les rendre plus pointues.

 

     
                                                             Tourne-à-gauche ou baille-voie (voir charpentier 1)  

 

 

   
 

                             Passe-partout
                              Loire 
                              1  L 145  poignées 30
                              2  L 165  poignées 30

 

 

     
                                                                 Passe-partout, avec son étui (voir bûcheron 4)  

 

Vient le moment important du marquage du tracé ou lignage que la scie va devoir suivre. Il est réalisé par le chef d'équipe, le plus expérimenté, le doleur, à l'aide d'un cordeau préalablement trempé dans une suspension de cendres ou de suie, le colorant le moins cher. Le scieur doit rentabiliser au maximum l'arbre abattu, en tenant compte de l'épaisseur souhaitée des futures planches : son salaire en dépend. Suivant la taille de la bille, la première ligne longitudinale se fait soit au jugé pour les arbres les plus petits, soit à l'aide d'un compas d'épaisseur à pointes sèches pour les plus gros. Cette première ligne n'est pas obligatoirement au milieu. Après l'avoir tracée, elle est prolongée sur les deux sections verticales à l'aide d'un fil à plomb et du cordeau. Des traits parallèles sont, ensuite, tracés sur ces sections verticales de part et d'autre de cette première ligne. Les lignes verticales de chaque extrémité sont réunies par un traçage au cordeau sur la face supérieure de la bille. Celle-ci est, enfin, retournée : les tracés longitudinaux sont réalisés de la même façon, en reliant les traits verticaux.

 

La bille est alors mise sur la chèvre, maintenue par des chaînes. Elle doit dépasser d'un peu plus de la moitié de sa longueur le sommet de la chèvre. Après avoir imprégné la lame de graisse de porc, le sciage peut enfin commencer. Deux hommes vont manier cette grande scie. Le premier va monter sur la bille : c'est le chevrier. Il est chaussé de souliers ferrés ou "se tient à pieds déchaux, avec des chaussettes à la semelle renforcée d'une toile de chanvre, pour conserver une meilleure adhérence." En dessous, se trouve le renard couvert de son grand chapeau pour se protéger de la sciure, le "bran de scie". C'est lui qui scie, c'est lui qui a le travail le plus dur : la scie ne coupe qu'à la descente. Pour certains bois, il y a même deux renards. Il tire la scie, dite à 4 mains, vers le bas en suivant la ligne tracée sous la bille. Le chevrier, dans un équilibre instable, surtout les jours de pluie ou de gel, veille à suivre cette ligne tracée sur la bille et remonte la scie. Au  fur et à mesure de l'avancement de la scie, on introduit des coins de plus en plus larges dans la fente pour faciliter le sciage. Ce va-et-vient se poursuit jusqu'à la chèvre. La bille est alors retournée et le manège recommence jusqu'à ce que les deux traits de scie se rejoignent à quelques millimètres près. Lorsque toutes les planches sont prêtes, mais encore solidaires, la bille est libérée de ses chaînes : la séparation se fait à la hache à équarrir ou en jetant la bille au sol. En une journée de 12 à 15 heures, ils peuvent réaliser 20 planches de 2 mètres de long par 16 centimètres de large.

 

 

     

 

   







 
               Ecrou de tension
 

                                              Scie dite à quatre mains
                                                Loire
                                                Cadre L 167  l 78   poignées : du haut 64, du bas : 58

 

 

 

     

 

     
 

                             Ecrou de tension de la lame                                     Collier d'attache de la lame
                                               en haut                                                                       en bas

 
                                             Scie dite à quatre mains
                                           Rhône
                                           Cadre L 160  l 86   poignées : du haut 40, du bas 90
 

 

 

La campagne se termine en juin. Le scieur va prendre le chemin du retour : il porte avec lui ses outils, la scie démontée pour en faciliter le transport et un petit pécule qui permettra de faire vivre sa famille. Sa famille qui, bien souvent, s'est agrandie  : il découvre le nouveau-né qui, un jour, effectuera ces mêmes allers-retours si c'est un garçon, ou devra gérer la maison, parfois, sous l'autorité des beaux-parents, si c'est une fille. Dur labeur, destinée pré-écrite...

 

 

 

FIN

 

 

A.R.C.O.M.A.  NOS OUTILS DE SCIEUR DE LONG