HISTOIRE DE L'HABILLEMENT

 

 

 

XI

 

 

 

 

LES VÊTEMENTS DES ENFANTS

 

 

Comme pour les sous-vêtements, les habitudes vestimentaires des enfants n'ont pas fait l'objet de nombreux ouvrages, du moins à notre connaissance. La raison principale en est que pendant très longtemps, les enfants étaient habillés comme leurs parents, du moins à partir de l'âge dit de raison. La distinction entre parents et enfants démarre à la fin du XVIIIe siècle, mais n'est vraiment appliquée qu'à partir de la fin du XIXe. L'iconographie est peu importante, sauf pour le XVIIIe siècle. Les peintures concernent surtout les milieux aisés, ce qui, en soi, est normal, puisqu'elles résultaient souvent de commandes.

De façon très succincte, on peut considérer que le vêtement des enfants a consisté à la naissance d'un emmaillotement serré, suivi du port d''une robe unisexe jusqu'à l'âge de 7 ans à partir duquel filles et garçons sont différenciés sur le plan vestimentaire. Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour assister à une révolution : c'est le moment ! Ce résumé ne tient pas compte des époques, des cultures, des climats, des obligations liées aux circonstances – réceptions laïques ou religieuses, vie courante). Une fois encore, nous nous concentrerons sur la société française, en tenant compte d'éventuelles influences anciennes ou extérieures. Pour plus de renseignements, nous vous conseillons de vous rendre sur les sites qui nous ont paru les plus intéressants (voir "Bibliographie").

À la Préhistoire, on peut juste supposer que les enfants sont habillés comme les adultes, à l'aide de fibres végétales assouplies par martellement, ou animales comme les peaux de bêtes traitées suivant les moyens du moment.

D'après des découvertes archéologiques, au Paléolithique, le jeune enfant est transporté dans un porte-bébé fait de peau de bête, isolé du froid avec des fibres végétales ; au Néolithique (- 7000), grâce à l'élevage de moutons et de chèvres, l'enfant porte des vêtements de laine.

Les gravures des nécropoles égyptiennes montrent que l'enfant est nu jusqu'à l'âge de 4 ans, environ. La technique du tissage est, dès lors, maîtrisée : les civilisations suivantes en profitent. En Grèce et à Rome, l'emmaillotement est la règle, soit en spirale, soit en rectangle avec attachement au lit. Les bandes utilisées sont en coton, en lin ou en laine. Cet "habillement" limite le déplacement et les risques d'accident ; le bébé est maintenu au chaud et son portage est moins risqué du fait de la solidarité forcée ente tête et corps ; il peut être placé dans un sac suspendu verticalement. Dès le moment où ils savent marcher, les garçons portent la toge prétexte, blanche à bords pourpres, jusqu'à la fin de l'adolescence. Pour les filles, on peut penser que la toge, plus ou moins longue, est blanche, simplement. Nos ancêtres, les Gaulois, suivent l'envahisseur avec l'emmaillotement ; ils utilisent, outre le lin…, le chanvre, la fourrure. Dès que l'enfant marche, il porte la "tunica" qui le couvre jusqu'aux genoux ; il est protégé du froid par une cape avec capuchon, des bas et des chaussons en laine.

 

   
                                                                         L'emmaillotement  (XVe siècle)  

 

Le Moyen-Âge est marqué par une forte mortalité enfantine : hygiène, mauvaises habitudes, épidémies. L'emmaillotement est toujours de rigueur et, à partir de 6 mois, ne concerne que le ventre et les membres inférieurs ; ceux-ci sont parfois maintenus droits à l'aide de planchettes de bois, et ce jusqu'à l'âge de un an. Les changes sont peu fréquents, ce qui provoque des maladies de peau ou des infections souvent mortelles. Progressivement, on libère les jambes et jusqu'à l'âge de 7 ans, garçons et filles portent une robe sans sous-vêtements : selles et urines tombent librement au sol ; la macération est limitée.

La Renaissance n'apporte guère de modifications. La robe devient, pour la classe plus élevée, un signe de richesse avec l'utilisation de soie, de velours et de dentelles. Pour les moins riches, on retrouve le coton et le lin, un châle en laine contre le froid. Chez le nouveau-né, la tête est protégée par plusieurs couches de tissu jusqu'à fermeture des fontanelles. Il porte ensuite un béguin noué sous le menton, recouvert par une calotte.

 

 

     
                                        Bonnet à rebras sur un béguin                                    Bonnet sur un béguin
                                    bavette de toile (fin XVe siècle)                            Guimpe à col montant et ruché
                                                                                                              manches de soie tailladées (XVe siècle)
 

 

 

     

 

 
 

                                                                                   Comme les adultes               

                         Fin XVIe siècle                                Début XVIIe siècle                                  Début XVIIIe siècle
                     À 10 ans, avec l'épée                 Manches fendues "à la commodité"               Les fillettes n'ont rien à                      
                                                                                                                                                   envier aux  garçons

 

 

 

Pas de changement significatif, non plus, pour le Grand siècle. "L'enfant, aussitôt après sa naissance, est lavé puis emmailloté. On lui met une calotte et un béguin sur la tête, des linges sous les aisselles et sur l'aine, une chemise de toile, une camisole pour lui tenir chaud, puis on l'enveloppe d'un lange après avoir pris soin de lui allonger les bras le long du corps. Enfin, on lui entoure le corps de bandelettes qui le maintiennent droit, tout en retenant les autres épaisseurs"(A.Sanciaud-Azanza). Avec les premiers pas, le nourrisson est coiffé d'un toquet, un bonnet en cuir pourvu d'un bourrelet protecteur en cas de chute. Les fillettes peuvent porter un corps (ancêtre du corset) tout comme leurs mères, du moins chez les plus aisées : il a pour but de soutenir et redresser le buste. Coiffure et panier ne font rien pour faciliter les exercices physiques. Autres particularités, les bandes et les lisières. Deux bandes larges de tissu fixées au niveau des épaules n'ont pas de fonction particulière et disparaissent chez le garçon à partir de 7 ans : une allusion aux "plis Watteau" des robes des adultes !? Les lisières sont deux liens ou rubans cousus dans le dos, qui ont pour but de retenir l'enfant pour éviter une chute. Utilisées jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, elles font l'objet d'une critique de la part des hygiénistes qui voient là l'origine de malpositions des jeunes enfants. Enfin, dans les classes populaires, et pour les garçons, le tablier est largement utilisé pour éviter les salissures de tous ordres et préserver les vêtements plus couteux.

 

     
                                                                              Milieu du XVIIIe siècle
                                 Le changement n'a pas encore eu lieu, ni pour l'aristocratie, ni pour la bourgeoisie...
 

 

   

 

 

 

 
                                                                           … ni dans les classes populaires  

 

Le siècle des Lumières voit enfin apparaître des modifications suggérées, notamment, par Jean-Jacques Rousseau dans son livre "Émile ou De l'éducation" : "Point de têtières, point de bandes, point de maillot; des langes flottants et larges, qui laissent tous ses membres en liberté, et ne soient ni assez pesants pour gêner ses mouvements, ni assez chauds pour empêcher qu'il ne sente les impressions de l'air… Les membres d'un corps qui croît doivent être tous au large dans leur vêtement ; rien ne doit gêner leur mouvement ni leur accroissement, rien de trop juste, rien qui colle au corps ; point de ligatures. L'habillement français, gênant et malsain pour les hommes, est pernicieux surtout aux enfants". Si ces conseils sont modernes, il est paradoxal qu'ils viennent d'un père qui n'a jamais voulu garder ses enfants dans son foyer ! Ce livre fait grand bruit et est rejeté, interdit le 9 juin 1762 par le Parlement de Paris. Si les fillettes continuent à porter la robe, les garçons, dès l'âge de 3 ans, portent le "costume de matelot" composé d'une simple veste et d'un pantalon à pont. La reine Marie-Antoinette s'inspira-t-elle de ces conseils ? Il semble qu'elle ait tenu compte des besoins et des changements d'humeur de ses enfants pour les entourer, les conseiller… les habiller. Le goût commun pour la nature de la reine et du philosophe explique peut-être cette nécessité de tenir compte des besoins de l'individu et non de la société.

 

   
                                                                  Louis XVII en costume à la matelot (sans pont)  

 

Et c'est ainsi que les petites filles sont désormais vêtues de la "robe à la reine", dite de gaulle, une mousseline blanche : encolure froncée, manches ballon, corsage ajusté, un peu décolleté, jupe froncée, large ceinture de couleur. Cette tenue précède celle que les femmes adultes adoptent un peu plus tard et, donc, pourra être portée longtemps.

 

 

     
                                                                                    Début XIXe siècle
                       Robe à la reine et costume en matelot                                     Robe à la reine et culotte/bas
 

 

Quant aux garçonnets, jusqu'à 7 ans, ils portent donc, à partir de 1775, le "costume en matelot" ou à "la marinière" ou encore "à la matelote", sans doute d'origine anglaise, confirmant l'anglomanie évoquée pour les adultes. À "l'âge de raison", le garçon est habillé comme l'adulte : fini la liberté de mouvement, vient le temps de l'engoncement. Au moment de la Révolution, l'uniforme militaire s'introduit dans la garde-robe enfantine, précédant encore leurs aînés.

Au début du XIXe siècle, l'emmaillotement est moins serré et la robe est très longue. Pour le futur nouveau-né, la maman, voire la grand'mère, prépare la layette, l'ensemble des vêtements que le bébé portera durant ses premiers mois. La technique du tricot date du XIe siècle. Il semble que la layette n'ait vu le jour qu'à partir du XVIe siècle, mais ce n'est qu'au milieu du XIXe qu'elle est vraiment d'actualité : peu couteuse pour les classes les moins favorisées, elle n'est qu'un passe-temps pour les plus riches. Elle comporte bonnet, brassière, tricot de peau, pyjama, moufles, chaussons, tous tricotés avec amour, en laine. Elle va remplacer très progressivement (près d'un siècle !) l'emmaillotement pour le bien-être du bébé.

La couleur, rose pour les filles et bleu pour les garçons suivant le sexe, n'apparaît qu'au siècle suivant. Et pourtant, l'idée initiale était inverse : le bleu pour les filles, en souvenir de la vierge Marie et le rouge pour les garçons, un signe de pouvoir (un souvenir de la toge sénatoriale romaine !?). Les progrès de la teinture ont adouci ces teintes en couleurs pastel. Le blanc reste la couleur des vêtements du nouveau-né, symbole d'innocence et de pureté. On retrouve le blanc pour la robe de baptême et ses accessoires, le béguin et la cape.

 

 

     
                                                                                     Début XIXe siècle
                                                        Différence entre le garçonnet et la fillette : un sabre !
 

 

Inversement, la mode enfantine va encore rejoindre celle des adultes (voir chapitre IX), du moins dans les milieux aisés, avec robe à corset, crinoline pour les filles, pourpoint et haut-de-chausse pour les garçons, avec des tissus souvent lourds. Pour le petit peuple, c'est robe longue pour les filles, chemise et culotte de toile pour les garçons.

 

     
                                                                   Deuxième moitié du XIXe siècle
                                                           Costume en matelot pour les deux sexes         
 

        

C'est ainsi que, jusqu'au début du XXe siècle, filles et garçons seront habillés de la même façon durant leur prime jeunesse. Habits, mais aussi cheveux longs, ce qui fait qu'il est difficile de connaître le sexe du tout jeune enfant.

Comme pour les adultes, le XXe siècle apporte, enfin, une révolution de la mode enfantine durable, spécifique, confortable, ce qui n'exclut pas le luxe avec des créations de grands couturiers. Les tissus synthétiques apportent souplesse, légèreté, facilité d'entretien. La création de système de fermeture plus simple, comme la fermeture Éclair, permet à l'enfant de s'habiller seul.

Pour le tout jeune enfant, de nouveaux types de vêtements vont apparaître : la barboteuse, en début de siècle, un vêtement bouffant, unisexe,  boutonné au niveau de l'entrejambe pour faciliter le changement des couches et que l'enfant peut porter jusqu'à son entrée à l'école ! Les tissus employés varient en fonction de la saison, popeline souple ou laine tricotée. Elle est remplacée vers 1950 par la grenouillère qui recouvre tout le corps de l'enfant, pieds compris. Les boutons sont remplacés par des pressions dans le dos et à l'entrejambe.
Pour la tête, le bonnet le plus utilisé est le béguin fermé sous le menton par un ruban ; le béret a ses adeptes (il apparaît dès la Renaissance), de même que la charlotte.
La layette voit apparaître de nouveaux modèles, grâce, notamment, à des revues spécialisées : robes, cache-langes, vestes. Le maillot de corps qui ne recouvre que la partie haute du corps a tendance à remonter ; il est remplacé à partir de 1940 par un sous-vêtement une pièce recouvrant tout le corps, le body. Autre élément important, le bavoir qui protège les vêtements. En forme de collerette, noué autour du coup, il est, au début du siècle, en coton ou en lin, brodé et à liseré de dentelle.
Pour les pieds, il est nécessaire de les maintenir au chaud à l'aide de chaussons, de préférence en laine. Pour l'apprentissage de la marche, des chaussures rigides et hautes sont nécessaires. Les semelles sont en bois, obligeant l'enfant à marcher, le pied à plat et non du talon aux orteils.

Enfin, pour la nuit, l'enfant est juste recouvert de tissus plus ou moins chauds. Dans les milieux les plus pauvres, il dort souvent avec ses parents en hiver avec des risques d'étouffement. Ce n'est qu'au XXe siècle, sur avis du corps médical, que le bébé est introduit dans un sac de couchage à bretelles, à manches courtes ou longues,  appelé turbulette  ou gigoteuse.

Tricoter devient un moment de détente, parfois partagé. Les points les plus utilisés sont les points mousse, de riz ou jersey. A l'école, la fille porte une robe ou une jupe plutôt longue alors que, à l'inverse, le garçon, à partir de 1920, se déplace en culotte courte qui va être de plus en plus courte…

 

Selon notre habitude, nous arrêtons là notre recherche. Le XXe siècle subit une nouvelle révolution vestimentaire en grande partie due à la nécessité de libérer le corps, de se sentir bien dans sa peau. Même si le luxe est toujours d'actualité dans certains milieux aisés, on peut considérer que la priorité est maintenant donné au bien-être. Certaines marques de vêtements attirent plus particulièrement les enfants et les jeunes adolescents. Le problème est sociétal. L'utilisation d'uniformes à l'école et au collège est-elle une solution ? L'avenir le dira. Quelle importance faut-il apporter à l'habillement, que ce soit pour les enfants ou les adultes ? En une génération, les goûts ont fortement évolué et l'on est plus aux jeans avec tennis blanches pour tous qu'aux robes de soirée ou costumes-cravates. Et pourtant, c'était beau, c'était une forme de respect… Pour rester dans le coup, nous reprenons ces quelques mots de Corneille, le chanteur, "Nostalgie, oh, quand tu nous tiens…"

 

Bibliographie


F. Boucher, L'Histoire du costume, Flammarion, 1983

A. Sanciaud-Azanza, L'évolution du costume enfantin au XVIIIe siècle : un enjeu politique et social, Revue d'Histoire Moderne & Contemporaine, 1999.
La mode de bébé dans le monde, Babystock
réponses-évolution-historique-vêtements, aussi.ch
Histoire de la mode enfantine, Sidou Sibel
Se vêtir au temps de l'empereur Charlemagne, Histoire pour tous de France et du monde

 

 

FIN