SANTÉ ET HYGIÈNE
5
OPHTALMOLOGIE
Nous possédons peu d'instruments d'ophtalmologie. Nous avons tout de même voulu l'individualiser en regard (!) de l'importance que la vue joue dans la vie de l'être humain ou de tout autre animal. Espérons qu'un jour nous pourrons développer ce chapitre.
Nous l'avons vu dans l'Histoire des établissements de soins, les médecins de l'Antiquité étaient le plus souvent des spécialistes.
En ophtalmologie, les soins les plus anciens remontent à 3500 avant J. – C., en Inde ; les remèdes sont à base de miel, de plantes, de beurre. Au millénaire suivant, les ophtalmologistes égyptiens proposent des collyres d'origine animale ou, surtout, végétale.
Les premières descriptions de l'opération de la cataracte apparaissent dès le 2ème millénaire, en Mésopotamie.
Hippocrate (VIe – Ve siècle avant J. – C.) décrit quelques affections oculaires et palpébrales.
Au début de notre ère, la connaissance de l'anatomie et de la pathologie de l'œil progressent, essentiellement grâce à des dissections. La thérapeutique, aussi, comme le montre la découverte des cachets d'oculistes gallo-romains. C'est en terre arabe que la spécialité va se développer jusqu'au XIIIe siècle. L'Europe occidentale va reprendre le flambeau.
Il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour qu'apparaisse le premier instrument capable d'observer l'œil in situ : l'ophtalmoscope. Celui-ci subit des améliorations au fil des années, à l'initiative d'ophtalmologistes comme le français Eugène Follin (1823 – 1867). Grâce à une source lumineuse interne, cet instrument permet de réaliser un fond de l'œil et l'examen indépendant des différents niveaux de l'œil : rétine, cornée, iris, cristallin, vitré.
Autre instrument, le skiascope sert à détecter un trouble de la réfraction des rayons lumineux entrainant une mauvaise mise au point des images (myopie, hypermétropie..). Seul l'examinateur tire les conclusions de l'examen sans que le patient ait à intervenir.
Skiascope |
Skiascope |
Skiascope ou Ancêtre de l'Ophtalmoscope (?) | |
Carl Schmidt est le fabricant du coffret.
L'examen peut aboutir à la découverte d'une amétropie, c'est-à-dire d'un trouble de la vue : myopie, hypermétropie, presbytie, accompagnée ou non d'astigmatisme.
Le myope voit flou un objet éloigné, voit correctement un objet proche. La vue est corrigée à l'aide d'un verre divergent ou concave.
L'hypermétrope, au contraire, voit net un objet éloigné, voit flou un objet proche. La vue est corrigée à 'aide d'un verre convergent ou convexe.
Le presbyte a des difficultés à voir net un objet proche : c'est le résultat du vieillissement du cristallin, ce qui limite l'accommodation. La vue est corrigée par un verre convergent ou convexe. Le verre est ou uni-focal, ou bifocal, ou, plus récemment, progressif.
L'astigmate voit, de près ou de loin, une image floue, déformée, de l'objet observé. La vue est corrigée par un verre torique qui présente deux puissances différentes suivant l'axe considéré ; ce verre peut corriger en même temps la myopie ou l'hypermétropie.
La forme courbe ou sphérique des verres permet de déterminer la puissance ou le pouvoir correcteur des verres. L'unité de mesure de la vergence est la dioptrie symbolisée par la lettre grecque δ (delta). Les verres divergents sont à dioptrie négative, les verres convergents sont à dioptrie positive
Pour évaluer le niveau de la correction, l'ophtalmologue ou l'opticien utilise une boîte de verre d'essais composée de plus de 100 lentilles divergentes, convergentes ou toriques, d'environ 3,5 cm de diamètre. Leur puissance est indiquée sur le verre et le bouton de préhension. Ces lentilles sont placées sur une lunette ou un monocle d'essais qui permet de tester la vue du patient. Le coffret contient également des prismes utilisés pour la correction du strabisme.
Boîte de verre d'essais 35 x 25 x 6,3 |
Verres concaves Verres toriques concaves et convexes Verres convexes |
Verres concaves Verre torique, concave Verre torique convexe |
Verres convexes Verres prismatiques |
Lunettes à écartement variable et monocle d'essais |
Cette boîte est vraisemblablement de la première moitié du XXe siècle.
Autre instrument pour déterminer la correction à apporter, ces lunettes regroupées dans un support. Nous n'avons pas trouvé l'équivalent dans notre bibliothèque. Encore une fois, toute observation sera la bienvenue.
Lunettes d'essais pour ? Les inscriptions sont les mêmes, à droite et à gauche, pour une paire de lunettes donnée : 3.50 4.00 4.50 5.00 5.50 6.00 ? ? |
Autre appareil, le cylindro-sphéromètre qui permet d'obtenir la puissance d'un verre en dioptries à partir de l'évaluation de sa sphéricité.
Cylindro-sphéromètre Loire |
Avec les progrès de l'optique, et/ou l'inventivité des ophtalmologistes (comme le tableau de Monoyer : simple, mais il fallait y penser), de nombreux autres appareils verront le jour pour diagnostiquer les affections oculaires.
Quant au traitement, nous avons vu que, depuis la plus haute antiquité, on utilise des collyres, des pommades, des onguents, des solutions appliquées à l'aide d'un petit récipient ovale, le bain d'œil ou œillère ou rince-œil. L'instrument "standard" date du XVIe siècle. Si le piètement et le matériau diffèrent, la partie en contact avec l'œil est sensiblement toujours la même. La longueur varie de 4 à 5,4 cm, la largeur de 2,7 à 3,5 et la hauteur de 3,5 à 6.
Bains d'œil en porcelaine |
Bains d'œil en verre incolore |
Vient, ensuite, une forme que l'on retrouve communément depuis des décennies.
Bains d'œil en verre incolore |
Bain d'œil en verre blanc |
Bains d'œil en verre bleu (le plus fréquent) |
Et, pour finir, les plus récents.
Bains d'œil en matière plastique colorée |
Autre instrument utilisé pour la dispensation de solutés : la seringue oculaire, en verre.
Seringue oculaire |
Aiguisoir de bistouri |
Cet aiguisoir servait à aiguiser les bistouris, à l'époque où l'usage unique n'existait pas. Il servait, en particulier, en ophtalmologie, mais aussi dans d'autres services chirurgicaux.
Porte bistouri L 12 |
Parmi les nombreux médicaments chimiques utilisés, on peut en citer deux :
Nitrate d'argent en cristaux |
Le nitrate d'argent a été très longtemps utilisé en soluté dans la prévention de la conjonctivite néonatale du fait de son action antiseptique, en particulier contre des vecteurs des maladies sexuellement transmises.
Pommade d'Alibour à la Pierre divine |
La composition de la pierre divine est variable, suivant l'auteur. On peut penser qu'elle contient du sulfate de cuivre, de zinc, peut-être d'aluminium, du nitrate de potassium et du camphre. Ce mélange était utilisé dans les conjonctivites, les affections palpébrales.
Pour terminer ce chapitre, il paraît indispensable d'évoquer les lunettes.
Un perse, Alhacen (965 – 1039), montre le premier le pouvoir grossissant des lentilles, sans penser, toutefois, aux applications médicales de cette découverte.
L'Europe occidentale va reprendre le flambeau. Les études de Roger Bacon (1214 – 1294), successivement physicien, mathématicien, linguiste, théologien et, finalement, moine aboutissent à la création des premiers verres correcteurs qui ne sont que des loupes. Elles sont utilisées par les copistes, laïques (pour les étudiants) ou religieux. Au XIIIe siècle et, surtout, au XIVe apparaissent les premiers témoignages suggérant l'utilisation de lunettes. C'est au XIVe siècle que sont fabriqués les premiers verres convexes en cristal de roche, pour presbyte ; au XVe siècle, la myopie est corrigée par des verres concaves. Enfin, au XVIIIe siècle, sont créés les verres à double foyer et au XIXe les verres cylindriques pour l'astigmatisme.
Ces inventions ont fait face à un problème pratique triple : les lunettes doivent tenir seules, ne doivent pas être trop lourdes et gêner la respiration. Il a fallu 6 siècles pour obtenir ce que nous connaissons aujourd'hui.
Voici quelques modèles.
Monocle |
Constitué d'un seul verre correcteur cerclé ou non de métal, le monocle est placé entre l'arcade sourcilière et la pommette. Un cordon le relie à un bouton du gilet ou de la veste pour éviter de le perdre. Il fut utilisé pour la première fois au début du XVIIIe siècle pour des observations de près. Il devint un objet de la mode à partir de la fin de ce même siècle.
Pince-nez |
N'ayant pas de branches, le pince-nez vient s'ajuster sur l'arête du nez grâce au système à ressort qui réunit les deux verres correcteurs.
Pince-nez |
Les verres de celui du haut sont teintés en bleu.
Lunettes à branches fil de fer |
Les branches sont en deux parties réunies par une charnière ou une soudure que l'on devine sous le verre de droite. Comme on va le voir, ces branches étaient fragiles : il n'en restait que la partie droite et rigide.
Lunettes à branches fil de fer |
Lunette à branches fil de fer plat |
La partie courbe et souple qui permet de passer derrière les oreilles a disparu.
Lunettes à branches fil de fer "ressort" |
Les branches semblent toujours en deux parties. En réalité, le "fil de fer" occupe toute la longueur de la branche. Il est protégé dans sa partie rectiligne par une gaine rigide.
Lunettes modernes (années 1930) |
Lunettes à double foyer (peu visible) |
Lunettes des années 1950 |
Ces lunettes n'ont rien de particulier. Elles montrent simplement l'évolution des formes et des matériaux sur 70 ans environ. Pour l'anecdote, à l'exception des lunettes à double foyer, elles ont toutes été portées par la même personne
Pour finir (ou presque !) cet article, nous vous présentons quelques paires de lunettes un peu spéciales.
Ces paires de lunettes ont toutes des verres colorés, non correcteurs. Elles sont munies de "coupe-vent" latéraux et de lanières pour les maintenir. Ce sont vraisemblablement des lunettes de protection pour automobilistes ou motocyclistes du 1er tiers du XXe siècle.
Et pour clore définitivement ce spectacle (du lat. spectaculum, qui vient de spectare, regarder) :
Paire de jumelles de théâtre |
Paire de jumelles de théâtre
Cette magnifique paire de jumelles de théâtre date de la fin du XIXe siècle, début XXe. En porcelaine, nacre et laiton, elle est agrémentée d'un décor floral constitué de 4 bouquets différents. Elle porte la mention :
Duchesse 12 verres
FIN