ACTUALITÉS 20
7 août 2021
MUSÉE ou CITÉ ?
Dans un récent article publié dans le journal Le Progrès, nous avons évoqué l'éventualité de la création d'un musée à Saint-Chamond. L'élu responsable du patrimoine a répondu qu'il était question de créer une Cité du patrimoine industriel. Qu'en est-il exactement ? Musée ou cité ?
L'idée d'un musée a été lancée en 1944 par un historien local. Le but était de réunir ou d'évoquer ce qui représentait notre ville depuis les temps les plus anciens, son patrimoine humain, bâti, économique…, autrement dit, l'histoire des saint-chamonais, éventuellement, et plus largement, des habitants de la vallée du Gier. Les années ont passé avec son lot de démolitions, les unes par nécessité, les autres par ignorance du potentiel économique, par incompétence, par mode… Certains bâtiments sont restés debout, mais, non entretenus, ils nécessitent des dépenses très importantes pour être restaurés : à leur sujet, et avant tout, il faudrait aussi définir leur destination éventuelle.
En 2000, nous avons créé notre association avec pour but premier la création d'un musée rendant hommage aux artisans qui ont permis à notre vallée du Gier d'être la première zone industrielle française du XIXe siècle. Ce musée nécessitait un investissement des pouvoirs publics locaux, mais pouvait aussi être à l'origine d'un tourisme jusque-là inexistant. Pour mémoire, au plan national, le tourisme représente 10 % du P.I.B. Que représente-t-il dans notre vallée, voire en Loire-sud ? Nous ne pouvons et n'osons répondre. Ce musée aurait présenté les collections des associations patrimoniales de notre ville. Plusieurs thèmes auraient pu y être découverts : la vie de nos ancêtres, l'évolution sociale liée à la Révolution industrielle, l'artisanat, l'industrie… Concernant l'aménagement des locaux (à trouver, mais les friches industrielles ne manquent pas), on y aurait retrouvé des salles d'exposition, un lieu de stockage, un atelier de réparation, une bibliothèque, une salle de repos, une boutique…, donc tout ce que l'on trouve habituellement dans un musée. Le nom du musée aurait pu reprendre celui d'un industriel qui a marqué notre ville. Si la dénomination peut correspondre à un domaine particulier, attachée à un artiste, à une profession par exemple, d'autres sont liées à un bâtiment sans que l'on sache d'emblée ce qu'il contient. C'est le cas du plus célèbre d'entre eux, le Louvre, dont la renommée provient d'abord de ses collections. On pourrait évoquer de même le musée du Quai Branly, le musée d'Orsay, le musée Beaubourg…
Sans doute nous sommes-nous trompés lors de la création de notre association. Nous n'avons pas réalisé à quel point nos élus étaient loin de s'intéresser à notre patrimoine. Nous en avons fait la démonstration dans nos "Actualités 19".
Le 18 décembre 2019, notre maire a convoqué les représentants des associations patrimoniales de la ville et de nombreux membres des collectivités publiques, en particulier de Saint-Etienne-Métropole et de Saint-Chamond : c'était la décision logique du candidat élu 5 ans et demi avant. Le diaporama présenté, ce jour-là, évoquait le projet de la création d'une "Cité de la mémoire industrielle", d'ici 5 à 6 ans ! Durant l'année 2020, nous avons participé à deux réunions et à une visite de deux musées sur l'industrie (qui n'ont, d'ailleurs, rien à voir avec l'industrie !). Au terme de cette année, aucune décision n'a été prise. Aujourd'hui, le lieu défini initialement n'est plus d'actualité. Le contenu reste un mystère. Quant au nom, il ne comporte plus le mot "mémoire" : une évidence si l'on veut parler des industries actuelles (voir plus bas) ! En fin d'année, une muséologue a été désignée à partir d'un projet établi par les dirigeants, sans consultation des associations. Des micro-comités scientifiques ont été créés en 2021. Ils sont composés de professionnels, d'administratifs, de représentants des associations. Ils se sont réunis deux fois dans le cadre de visio-conférences. Les "scientifiques", universitaires, conservateurs… ont avancés un certain nombre de propositions concernant surtout l'évolution de la société au cours de la Révolution industrielle, essentiellement dans le cadre des mines, de la métallurgie et du textile, sans oublier la nécessité d'imprégner les bâtiments des odeurs caractéristiques de ces entreprises (Charbon, huile, sueur..? Nous n'avons pas eu de précisions) ! En pratique, comment évoquer ces thèmes, si ce n'est par des panneaux à lire, que peu de visiteurs liront, des photographies, des films… qui sont davantage des éléments d'archives que de musée ! A aucun moment, il n'a été proposé d'exposer du matériel. Lequel, d'ailleurs, puisqu'il ne reste que quelques machines évoquant ce passé industriel ? Quant aux collections des outils artisanaux, notre domaine, il est évoqué dans le cadre de la proto-industrie. Mais, à plusieurs reprises, il nous a été dit que l'on ne savait pas si les collections seraient utilisées. A aucun moment, il n'a été question de réfléchir à ce que pouvaient rechercher les éventuels visiteurs, les touristes potentiels. Il y aurait, tout de même une place pour un "musée de l'aventure industrielle". "Aventure", donc liée au hasard, un terme bien peu respectueux pour ces grands patrons qui ont créé des dizaines de milliers d'emplois : nous aurions préféré le mot "épopée". Et puis, une fois de plus, le contenu du musée reste inconnu. Par contre, et suivant les "demandes" des décideurs, une place importante devrait être faite aux industries actuelles dans le cadre d'un show-room, d'où le nom de "Cité du patrimoine industriel". Bien sûr, on peut considérer qu'il s'agit là d'un patrimoine. Ce n'est pas vraiment celui que l'on imaginait. En fait, tout le problème se situe à ce niveau. Le musée et, donc, le patrimoine matériel ancien ne sont qu'anecdotiques. Le but principal est avant tout économique avec une promotion des industries actuelles. Cela explique sans doute le flou dans lequel nous nous trouvons, nous, les associations, mais aussi les personnes en charge d'élaborer la nouvelle structure à partir d'avis tranchés de politiques, d'administratifs… Quelle est leur compétence en ce domaine ? A ce sujet, nous regrettons que les élus impliqués dans ce projet par leur délégation ne se soient jamais prononcés, à titre personnel.
De très nombreuses autres questions sont encore à régler : entre autres, le financement du projet (les premières données font penser que les sommes à dépenser seront très importantes et que le projet n'est pas près d'aboutir), la gestion de l'établissement.
Nous avons pensé à un financement participatif : un procédé des nouvelles générations que nous n'avons pas utilisé. Nous nous sommes orientés vers le mécénat. Nous avions eu des espoirs d'instances semi-privées enthousiastes. Le projet était "génial,… une telle collection". Un premier verdict est tombé en ce début de mois d'août 2021 : "Remarques et objections sont … la ville, le lieu d’expo … aucun attrait". Dur à lire compte-tenu de tout ce que nous avons pu faire, compte-tenu, aussi, de l'intérêt qu'ont montré les visiteurs dans nos expositions. Qu'en résulte-t-il aujourd'hui ? Un sentiment d'amertume, un gaspillage énorme, la constatation que les intérêts ne sont pas les mêmes pour tous : d'un côté, l'intérêt pour notre passé, notre patrimoine historique, de l'autre l'attrait du patrimoine financier…
Aujourd'hui, nous ne sommes guère optimistes. Le temps qui passe, l'indécision, le projet totalement aventureux qui nous est proposé… font que nous devrons nous résoudre à prendre une décision définitive dans les mois à venir, sans doute lors de la proposition finale de la muséologue. Ce sera donc, sauf retard, en décembre prochain. Une assemblée générale extraordinaire sera nécessaire soit pour interrompre toute activité et dissoudre l'association, soit pour désigner un nouveau responsable, plus jeune. Dans le premier cas, il nous faudra nous défaire de nos collections. Celle de l'association sera proposée à des musées existants ; celle de notre ami décédé sera rendue à ses héritiers. Quant à celle que nous détenons personnellement, elle fera l'objet d'une vente privée ou aux enchères.
Pendant quelques temps, nous poursuivrons la rédaction d'articles pour notre site. Certains internautes nous ont fait l'honneur de déclarer ce site comme une référence. Dès le moment où nous en arrêterons l'évolution, nous savons que les internautes se renseigneront ailleurs et que la fréquentation diminuera jusqu'à s'éteindre complètement. Nous aurons eu au moins la satisfaction d'avoir reçu la visite d'internautes de 70 pays en 2020, un chiffre dont peu d'associations, voire même de musées ligériens, puissent s'enorgueillir.
Triste fin, peut-être. Nous retenons tout de même le plaisir d'avoir su réunir pendant 21 ans des personnes venant de tous horizons, diplômés ou non, patrons ou ouvriers, artisans, enseignants, employés de bureau, de banque, membres du corps sanitaire... Un éventail très large à l'image de nos collections. Nos expositions ont toujours eu un réel succès et nous ont valu des remarques élogieuses.
Attendons encore un peu. Nous communiquerons notre décision dans un "En bref" et une dernière "Actualité".
FIN