ÉCLAIRAGE
LABORATOIRE PHOTOGRAPHIQUE
Avant de présenter nos lanternes ainsi que quelques objets annexes utilisés dans un ancien laboratoire de photographie, nous vous proposons un dictionnaire basique et un résumé de l'histoire de la photographie. En aucun cas, nous ne souhaitons réaliser un document exhaustif : nous n'en sommes pas capables. D'autres, dans des livres ou sur Internet, vous donneront des informations beaucoup plus précises.
Pour corriger cet article, pour en rédiger un ou deux chapitres à venir, nous avons fait appel à un collectionneur qui est en même temps un expert reconnu en ce domaine, Monsieur Jean Paul BOUCHET. Nous le remercions sincèrement pour ses remarques et ses conseils.
Dictionnaire de la photographie
Chambre noire : imaginons un cube de 0,50 x 0,50 m, la chambre noire. Un côté est percé en son centre d'un petit trou, le sténopé, par lequel vont passer des rayons lumineux émis par un objet, un personnage… Ces rayons aboutissent sur la face opposée du cube en reproduisant l'objet, le personnage : l'image obtenue est plus petite et inversée (haut/bas, gauche/droite).
Châssis-presse : cadre en bois permettant d'apposer l'une contre l'autre les émulsions négative et positive, d'exposer le tout aux rayons du soleil et d'obtenir l'épreuve définitive.
Composé photosensible : la nature des composés photosensibles a évolué avec le temps : bitume de Judée, sels d'argent sous forme d'émulsion. Celle-ci est obtenue en incorporant une solution de nitrate d'argent dans une gélatine fluide à 37° C contenant un halogénure (bromure, iodure, chlorure) de potassium. Halogénure et nitrate d'argents se combinent pour donner des cristaux sensibles aux seules radiations violettes et bleues (dans le visible). Une fois figée, la gélatine fait l'objet d'un nettoyage pour en éliminer les ions non combinés. La sensibilité à la lumière (°ISO) de cette gélatine est faible : elle est augmentée soit par une refonte à température adéquate, soit par adjonction d'un composé chimique (ammoniac…).
Couleurs complémentaires : 2 couleurs complémentaires mélangées donnent naissance à un gris.
Couleurs fondamentales : couleurs de bases qui ne peuvent être reproduites par le mélange des deux autres : rouge, bleu-violet et vert pour la peinture.
Couleurs primaires : couleurs de bases qui ne peuvent être reproduites par le mélange des deux autres : rouge, bleu-violet et vert pour la photographie ; bleu, jaune et rouge pour la peinture.
Développement : procédé résultant de l'action d'un révélateur, d'un fixateur et d'un lavage, pour le noir et blanc. Il permet d'obtenir à partir d'une image latente soit une image négative (où opacités et transparences sont inversées par rapport à celles de l'objet photographié) à l'origine de l'épreuve positive, soit une image positive (diapositive).
Fixateur : intervient après le révélateur pour fixer l'image obtenue. On utilise une solution d'hyposulfite de sodium à 20 %.
Germe sensible : particules d'argent colloïdal incluses dans le composé photosensible, au côté des halogénures d'argent ; ce sont les véritables supports de l'image latente.
Lumière inactinique : lumière sans effet photochimique. C'est le cas d'une lumière rouge (surtout) ou jaune-vert (à la rigueur, mais peu de temps) pour les sels d'argent utilisés dans la photographie. Pour d'autres catégories de pigments, cette lumière peut être verte...
Orthochromatique : émulsion, plaque, support, sensibles à toutes les couleurs, à l'exception du rouge. Lui correspond le papier photosensible "noir et blanc" dont l'émulsion est composée de sels d'argent.
Panchromatique : émulsion, plaque, support, sensibles à toutes les couleurs, donc proches de la vision humaine. Lui correspond le papier photosensible "couleur" dont l'émulsion est plus complexe.
Photographie : procédé permettant d'enregistrer, à l'aide de la lumière ou de rayonnements électromagnétiques et de produits chimiques, l'image d'un objet. Le principe est fondé sur la transformation de composés minéraux ou organiques sous l'action de la lumière ou de radiations actiniques (rayons U.V., I.R., X, gamma…).
Procédé additif : par mélange des 3 couleurs fondamentales (rouge, vert et bleu), dans des proportions données, il est possible d'obtenir toutes les couleurs perçues par la rétine de l'œil. Il n'est plus utilisé en photographie.
Procédé soustractif : les couleurs utilisées sont les couleurs complémentaires du rouge, vert et bleu, à savoir le jaune, le pourpre ou magenta et le bleu-vert ou cyan. Une lumière blanche traversant une juxtaposition de filtres de ces 3 couleurs donne un écran noir. Si on ne laisse que le filtre jaune ("soustraction" des deux autres), l'écran est jaune… Ce procédé multicouche est utilisé dans la plupart des films couleur : Kodachrome (1935), Agfacolor (1936), Ektachrome (1945), Fujicolor (1948)…
Révélateur : solution de produits chimiques qui transforme l'image latente en image visible constituée par de l'argent réduit. Les formules sont très nombreuses, fonction de l'émulsion photosensible utilisée et du résultat que l'on cherche à obtenir (clichés doux ou contrastés, à grain fin ou grossier…)
Support : matériel de nature diverse, verre, nitrate et triacétate de cellulose, matière plastique opaque ou transparente (polyester), papier… sur lequel est coulé le composé photosensible (gélatine contenant des cristaux de sels d'argent en suspension).
Tirage : photographie positive obtenue par projection de la photographie négative éclairée par une lumière blanche, sur un composé photosensible étendu sur un support.
Histoire de la photographie
Cette histoire de la photographie veut simplement montrer les dates principales de l'évolution du procédé photographique. Les inventeurs cités pour une découverte sont, souvent, à l'origine d'autres avancées dans de nombreux domaines (mathématiques, optique, art…). Une fois de plus, si cela est nécessaire, les dates de naissance/décès montrent que le XIXe siècle est à l'origine d'une véritable révolution technique et intellectuelle.
- Aristote (384 – 322 av. J.C.) semble être le premier à décrire la chambre noire.
- 1027 : Alhazen (965 – 1039), outre l'étude de la vision humaine, met en équation le rôle du sténopé et cherche, en vain, à renverser l'image formée dans la chambre noire.
- 1490 : Léonard de Vinci (1452 – 1519) réalise une "camera obscura" de petite taille, avec sténopé, pouvant être tenue à la main).
- 1550 : Girolamo Cardano (1501 – 1576) améliore la luminosité dans la chambre noire en mettant une lentille devant le sténopé qui est agrandi.
- 1780 - 1800 : Jacques Charles (1745 - 1823) obtient une première image à partir d'une chambre noire et du chlorure d'argent. Thomas Wedgwood (1771 - 1805) réalise la même manipulation avec du nitrate d'argent.
- 1816 ou 1826 : Nicéphore Niepce (1765 – 1833) utilise une plaque d'étain recouverte de bitume de Judée le bitume de Judée comme couche sensible, avec lequel il obtient des positifs. Naturellement noir, le bitume devient blanc dans ses parties impressionnées et insoluble dans l'essence de lavande. Le temps de pose varie de quelques heures à plusieurs jours. Pour la première fois, l'image peut être conservée : la photographie est née.
- 1822 : Louis J.M. Daguerre (1787 – 1851) invente le diorama, peinture panoramique sur toile, à double face et sans bords visibles, présentée dans une salle obscure afin de donner l'illusion, grâce à des jeux de lumière, de la réalité et du mouvement
- 1829 : Niepce et Daguerre s'associent et arrivent à fixer l'image de la chambre noire sur une plaque d'argent. La netteté de l'image est améliorée en diaphragmant l'objectif (la lentille de Cardan).
- 1835 : Daguerre, désormais seul, découvre l'action de la vapeur de mercure sur l'iodure d'argent impressionné.
- 1837 : Daguerre découvre la possibilité de dissoudre l'iodure résiduel dans une solution chaude de sel marin.
- 1838 : Daguerre, à partir de ses recherches antérieures, invente le daguerréotype : une plaque de cuivre argentée est soumise à des vapeurs d'iode pour former de l'iodure d'argent sensible à la lumière. La plaque est alors exposée dans une chambre noire, puis soumise à des vapeurs de mercure pour révéler l'image directement positive. La fixation est réalisée avec de l'hyposulfite de sodium.
- 1838 : L'anglaisWilliam H.F. Talbot (1800 – 1877) fabrique des papiers sensibles en les imprégnant de sel marin et de nitrate d'argent. Ce procédé, le calotype ou talbotype, est breveté en 1841. Il permet de réaliser plusieurs positifs avec un seul négatif, contrairement au daguerréotype qui ne peut donner qu'un seul positif.
- 1839 : Hippolyte Bayard (1801 – 1887) obtient des images directement positives à partir de chlorure et d'iodure d'argent.
- 19 août 1839 : Daguerre présente le 1er procédé photographique exploitable, le daguerréotype. L'invention de la photographie est dévoilée et offerte au monde, sauf en Angleterre où Daguerre a déposé des brevets...
- 1839 : John Herschell (1792 – 1871) est le premier à utiliser l'hyposulfite de sodium comme fixateur.
- 1841 : Hippolyte Fizeau (1819 – 1896) remplace l'iodure d'argent par le bromure pour réduire à quelques secondes le temps d'exposition. Sa découverte est reprise par la plupart des fabricants.
- 1848 : Abel Niepce de Saint Victor (1805 – 1870)), neveu de Nicéphore, étale sur une plaque de verre une légère couche d'albumine qu'il imbibe d'iodure d'argent. L'image négative obtenue est reproduite par fixation sur papier d'épreuves positives. L'iodure sera remplacé par du bromure.
- 1848 : Edmond Becquerel parvient à reconstituer les couleurs.
- 1850 : Gustave Le Gray (1820 – 1884) met au point le négatif sur verre au collodion humide, puis, l'année suivante, le négatif sur papier ciré sec.
-1851 : Frederick Scott Archer (1813 – 1857) combine le calotype et le daguerréotype, utilise le collodion humide (avant ou après Le Gray ?).
- 1861 : James Clerk Maxwell (1831 – 1879) réalise une photographie couleur suivant le procédé soustractif.
- 1869 : Louis Ducos du Hauron (1837 – 1920) réalise, suivant les travaux de Maxwell, une photographie couleur, le trichome, en utilisant des filtres correspondant aux trois couleurs fondamentales : le rouge, le bleu et le jaune. Trois photographies sont nécessaires, chacune à travers l'un de ces filtres. Les gélatines, séparée de leur support, sont superposées et donnent l'image colorée du sujet photographié.
- 1871 : Richard Maddox (1816 – 1902) remplace le collodion par de la gélatine. L'union gélatine – bromure d'argent va être, dès lors, utilisée par la plupart des fabricants pendant plusieurs décennies. La sensibilité de ces plaques est telle que l'exposition nécessaire à la lumière n'est que de quelques fractions de secondes.
- 1888 : George Eastman (1854 – 1932) remplace la plaque de verre par un film souple en celluloïd.
- 1904 : Les frères Lumière (Auguste /1862 – 1954 et Louis / 1864 – 1848), reprenant les travaux de Ducos du Hauron, parviennent à réaliser une photographie couleur sur une seule plaque, l'autochrome. Le procédé autochrome est présenté à l'Académie des Sciences le 30 mai 1904 : les grains colorés d'un autochrome, de 8.000 à 9.000 par mm2, sont constitués de fécule de pomme de terre dont le principal fournisseur était à Juré dans la Loire.
Fidèles à nos habitudes de ne retracer "l'histoire" que jusqu'au début du XXe siècle (sauf rare exception), nous arrêtons là cette évocation de l'histoire de la photographie. Il y aurait beaucoup à dire jusqu'à l'invention de la photographie numérique qui, un jour sans doute, laissera la place à un autre procédé.
L'éclairage du laboratoire photographique
La plupart des lanternes destinées au développement photographique disposent d'un verre rouge. Il y a tout de même de rares exceptions, comme le jaune, au moment du tirage, ou plus curieusement, le vert (!?).
Comme d'habitude, nous ne montrons que ce que nous possédons. Nous aurions voulu vous présenter des lanternes à acétylène, à gaz, électriques : nous n'en avons pas.
Lanternes à bougie
A priori, ce sont les plus anciennes.
Lanterne cylindrique à bougie, à verre rouge. |
Le verre cylindrique, solidaire du chapiteau en laiton, tourne à l'intérieur du cylindre en fer blanc qui lui sert de protection.
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Lanterne semi-cylindrique, à bougie, à verres rouge et orange |
Une double rainure, en façade, permet de glisser les deux verres : un rouge, un orange. En fin de développement, le verre rouge est enlevé et permet d'avoir la lumière du verre orangé, plus éclairant, mais inactinique au moment du fixage.
Lanterne semi-cylindrique, à bougie et verre rouge Pyrénées-Orientales h 29 l 14,5 prof. 10 |
Le verre rouge, unique, est maintenu sur les côtés par une rainure. A l'arrière, une double poignée pour la transporter et un anneau de suspension.
Lanterne trapézoïdale, à bougie, à verres rouge et orange |
Deux verres pour cette grosse lampe : un rouge, fixe et un orange, amovible. Une poignée sur chaque partie pleine et un anneau de suspension.
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Lanterne à bougie et verres inclinés, rouge et orange |
A l'origine, cette lampe est munie à l'avant de 2 verres superposés, un rouge et un jaune. Sur la partie supérieure, un vert jaune (vu par-dessous dans la photo, en bas, à droite), inactinique, peut être découvert pour éclairer davantage que la lampe munie de son seul verre rouge, et sans action sur l'émulsion photosensible à partir de l'opération de fixage. Manque également le chapiteau.
Lanternes à huile
Grande lanterne à huile, à verres rouge et vert |
On a, là, une grande lampe de section carrée : un verre rouge, assez mince, amovible par le haut, une verre vert gaufré épais, amovible par le haut, une plaque métallique noire, amovible par le haut et, enfin, une plaque métallique basculante, mue par le bouton "B", cette dernière sans doute pour accéder à la lampe à huile de section ronde. Si le vert rouge est classique, que faut-il penser du verre vert gaufré et de la plaque métallique amovible ?
Lanterne à huile, à vitre rouge |
Il s'agit d'une lanterne magique transformée en lanterne de laboratoire photographique. Le verre est carré extérieurement, mais la section est ronde intérieurement (objectif).
Lanternes à essence minérale
Ce type de lanterne a pour source lumineuse une lampe de type "PIGEON", du nom de son inventeur, Charles Pigeon (1838 – 1915). Le premier modèle, à essence minérale, est réalisé en fonte, en 1878. Un modèle plus léger en laiton nait en 1884. A l'intérieur, il remplace l'éponge absorbant l'essence par de la feutrine : l'essence ne peut plus couler, même si la lampe est renversée. D'autres perfectionnements sécurisent la lampe, comme la présence de plâtre dans le bec brûleur ou une cage métallique enserrant la mèche pour que celle-ci reste bien en contact avec la feutrine et, donc, l'essence. Cette lampe fait l'objet d'une étude plus détaillée dans l'article sur l'éclairage de la maison.
Lampe à essence minérale PIGEON |
Cette lampe portative, économique, est utilisée pour les déplacements dans la maison, mais aussi dans de nombreux métiers artisanaux. C'est le cas chez le photographe, amateur ou professionnel, qui monte sur le bec brûleur une verrine de couleur.
Verrine à verres rouges, sur lampe Pigeon |
Les 4 faces sont occupées par des verres rouges.
Verrines à verre rouge foncé pour lampe Pigeon |
Verrine à verres rouge et jaune pour lampe Pigeon |
"Les abat-jours articulés renvoient la lumière sur la cuvette de développement et protègent les yeux."
Verrine à verre cylindrique orangé |
Le matériel "annexe" utilisé en photographie
Les marques de supports en verre
PLAQUES ULTRA-RAPIDES PLAQUES INSTANTANÉES Au Gélatino-bromure d'argent Au Gélatino-bromure d'argent GRIESHABERT Frères & CIE J . JOUGLA ST MAUR SUCCESSEUR DE 13 x 18 9 x 12 E.GRAFFE & J.JOUGLA 9 X 12 |
A. LUMIÈRE & SES FILS Plaques au gélatino-bromure d'argent 13 x 18 9 x 12 61/2 x 9 |
LA LYONNAISE ECLAIR A.LUMIÈRE & SES FILS GUILLEMINOT 13 x 18 9 x 12 ULTRA-RAPIDE 9 x 12 |
Quelques négatifs sur verre 13 x 18 |
Souvenir de la guerre 14 – 18 : à l'hôpital, retour de la bataille des Dardanelles (1916) Négatif sur plaque de verre - Positif après numérisation |
Pour le développement
Durant près d'un siècle, les négatifs sont développés dans des cuvettes contenant chacune révélateur, fixateur, eau de lavage… Tant que le support est unique, une plaque de verre par exemple, les manipulations sont relativement simples. Par contre, avec l'apparition des films cellulosiques, les incidents sont fréquents : le film n'est pas toujours trempé uniformément dans les solutions révélatrices. Ces irrégularités se retrouvent sur le positif. Cet inconvénient est à l'origine du développement en cuve : le film est enroulé sur une bobine ; entre les spires, pour permettre un meilleur contact avec les solutions chimiques, on introduit une bande gaufrée en celluloïd. Si le procédé semble partir d'un bon principe, il n'en a pas été de même quant au résultat, notamment à cause de la bande gaufrée qui empêchait une imprégnation continue du film par les solutions révélatrices.
Cuve à développement en bakélite 1 cuve 2 couvercle percé en son centre |
Dans le dictionnaire, nous avons vu le châssis-presse. Il permet de réaliser le tirage, le positif, à partir du négatif, par exposition aux rayons du soleil.
Il est constitué d'un fond en 2 parties articulées, d'un feutre et d'une vitre : le papier-émulsion positif est placé sur le fond, émulsion vers le haut ; il est recouvert par le négatif, émulsion vers le bas, éventuellement par un cache en aluminium délimitant la taille de la photographie et, enfin, par la vitre.
Châssis-presse américain EASTMAN NON-SLIP PRINTING FRAME |
Châssis-presse français PLANOX |
Dans son livre publié en 1874, "La Photographie", Gaston Tissandier parle de "châssis à reproduction". L'appellation "châssis- presse" semble plus tardive, vers 1907.
Pour la finition du positif, on utilise un massicot pour lui donner les dimensions souhaitées.
Cisaille ou massicot N° 1 KODAK TRIMMING BOARD Loire MANUFACTURED BY |
Matériel de visualisation
Lanterne magique à bougie |
A priori, cette lanterne magique ne devrait pas être présentée dans cet article. Elle était utilisée pour projeter des dessins réalisés sur plaque de verre avec de la peinture. On peut la considérer comme un ancêtre du projecteur.
Le pantoscope, encore appelé "monocle stéréoscopique" (catalogue de la Manufacture de Saint-Etienne, 1910) ou stéréoscope permet de voir en relief des clichés doubles pris par des appareils stéréoscopiques : l'ancêtre de la "3D" !
Photos stéréoscopiques (documentation J.P. Bouchet) |
Pantoscope ou Stéréoscope Rhône 27 x 17,5 x 7,7 loupe Ø 12,5 lentilles Ø 3,7 |
Nous terminons cette évocation de l'éclairage du laboratoire de photographie avec des filtres de grande dimension : 130 mm. S'agissait-il de filtres ou de disques colorés ? Sans doute sont-ils anciens car des bulles sont incorporées dans l'épaisseur. A quoi servaient-ils ? Peut-être pour des projecteurs de lumière colorée pour théâtre, music-hall, salle de danse…
Par cet article, nous souhaitons évoquer une part non négligeable de l'industrie du bassin stéphanois au XIXe siècle. Si l'industrie textile, les mines de charbon, la sidérurgie sont présentes dans les esprits comme des moteurs économiques de cette époque, il ne faut pas oublier ces entreprises consacrées à la photographie, au cyclisme, aux armes… qui ont largement participé au renom de notre région.
Dans les semaines à venir, nous allons continuer cet article avec deux chapitres consacrés, l'un, aux fabricants d'appareils photographiques du bassin stéphanois, l'autre à une collection privée d'appareils photographiques. Ces deux articles sont rédigés par ce collectionneur déjà cité, Jean-Paul BOUCHET. Nous le remercions sincèrement pour le travail qu'il a réalisé et les conseils qu'il nous a donnés.
Les Fabricants de matériels photo et cinéma
de la Région Stéphanoise
Maurice ROUFF
Maison fondée en 1840, existe encore en 1920 (annuaire de La Loire).
Maurice Rouff fabrique des "Instruments et fournitures à l'usage des ingénieurs chimistes et photographes", il commercialise des appareils photo de 1890 à 1905 environ.
En 1911, Rouff est distributeur du guide Agfa (produits chimiques pour la photo)
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MANUFRANCE
Maison fondée en 1885.
La photo est présente dans les catalogues Manufrance de 1905 à 1980.
La marque LUMINOR apparaît dès 1907 sur un objectif, puis sur des produits chimiques et plaques sensibles.
La marque LUMINOR est déposée en 1913 avec l’apparition du logo LUMINOR.
LUMINOR apparaît pour la dernière fois en 1963.
Manufrance n'est pas fabricant, les appareils reçus de divers fournisseurs sont conditionnés (apposition de la plaque Luminor...) à Saint-Etienne.
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S.E.M.M.
La Société des Etablissements Modernes de Mécanique générale et de décolletage est fondée en 1939 par Jean Cros, pour fabriquer du matériel de guerre.
En 1941, la SEMM se lance dans la fabrication d'appareils photo à Saint-Etienne. C'est la fabrication en zone libre, sous licence, de l'appareil 24x36 Reyna de Cornu à Paris.
Paul Royet est directeur du département photo.
En cette période de guerre les ateliers déménagent plusieurs fois (12), avec parfois des ateliers ou dépôts clandestins.
Paul Royet, directeur général de la SEMM depuis 1943, est seul responsable en 1945.
Sous son impulsion la société se modernise, innove et devient une entreprise de premier plan.
En 1946, le sigle SEM est adopté, c'est un raccourci de SEMM.
En 1947, la SEM, qui manque de place, s'installe à Aurec (Haute-Loire) dans une ancienne et vaste usine de tissage. La SEM met en place un transport quotidien, par car, entre Saint-Etienne et Aurec pour les salariés stéphanois.
La SEM a conservé des activités à Saint-Etienne.
La SEM atteint le stade de la grande industrie, grâce à de nouveaux moyens, humains et matériels.
La gamme des appareils 24x36 est large, les quantités fabriquées sont conséquentes.
En 1948, un nouvel appareil est présenté au public, c'est le Semflex, un 6x6, fabriqué à plus de 171.000 exemplaires, avec de nombreuses variantes.
Fin de l'activité en 1976.
SEM a employé jusqu’à 160 personnes.
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PHOTOREX
Fondateur : André Grange (1906 – 1989).
André Grange est un peintre portraitiste reconnu formé à l’Ecole des Beaux-Arts.
En 1926, il rachète le studio de photo du 27 rue de la République à St-Etienne.
En 1944, c’est la création de Photorex, affaire de grossiste dans le but de distribuer du matériel aux photographes de la région Sud-Est.
En 1946, Photorex décide de se lancer dans la fabrication d'un 6x6 reflex, mais il faut partir de zéro et réunir les diverses compétences indispensables.
Cela se fait avec la création d'A.T.O.M.S. (Association des Techniciens en Optique et Mécanique Scientifique), sous l’égide d’André Grange qui finance tout le projet.
Ce groupement comprend des spécialistes en horlogerie, des ingénieurs, des mécaniciens, l’opticien choisi est Pierre Angénieux.
L’un des cadres possède à Nice un atelier de mécanique, c’est là qu’il est décidé de s’attaquer à la fabrication.
A.T.O.M.S. fabrique le boîtier et l’obturateur, Angénieux livre les objectifs sous forme d’ensembles préréglés, le montage final est effectué par l’entreprise Chapignac (quartier de Bel-Air) à St-Etienne, les appareils étant commercialisés par Photorex.
Mais, André Grange a le projet de fabriquer un appareil 6x6 entièrement à St-Etienne, ce qui donne naissance au Rex Reflex, en 1951.
Le Rex Reflex est beaucoup plus luxueux et précis que les appareils d'A.T.O.M.S. Mais le Rex Reflex se veut aussi nettement plus perfectionné que le modèle de Nice, d’abord par l’avance automatique du film et surtout, il est doté d’objectifs interchangeables fixés sur une platine amovible, c'est une première mondiale.
Le succès sur le marché, non seulement français mais international est immense. L’atelier de Bel-Air ne suffit plus et les perspectives sont si vastes qu’André Grange décide la construction, en plein centre de St-Etienne, rue de la Montat, d'une usine et d'un immeuble commercial.
La construction est menée avec une telle hâte que quelques mois plus tard, l’usine fonctionne déjà à plein, employant plus de 120 personnes (inauguration en 1951).
Mais l’usine, les machines perfectionnées, les salaires très élevés, les projets ambitieux et la publicité coûtent cher, les factures impayées s’accumulent.
Malgré une commande ferme de 10.000 Rex Reflex obtenue aux USA, Photorex doit se résoudre au dépôt de bilan, en juillet 1952.
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ANGENIEUX / Opticien
Fondateur : Pierre Angénieux (1907-1998).
Pierre Angénieux, né à St-Héand, est ingénieur des Arts & Métiers puis de l’Ecole Supérieure d’Optique de Paris (1930).
Après avoir travaillé dans l’univers du cinéma, il ouvre en 1935 un petit atelier à Paris (7 rue Henri Murger) puis son deuxième atelier en 1937, à Saint-Héand.
En 1942, il fournit des objectifs pour l’Alpa, appareil 24x36 reflex haut de gamme fabriqué en Suisse par Pignons, qui reste par la suite une précieuse référence.
En 1950, c’est la révolution du Rétrofocus, nouvelle formule optique qui permet enfin de monter un grand angle sur un boîtier reflex.
En 1958, le tout premier zoom Angénieux est lancé, c’est un 17 / 68mm, Il en sera livré 70.000 exemplaires jusqu’en 1970.
En 1964, la N.A.S.A. choisit Angénieux pour équiper les missions Ranger et en 1969, les premiers pas sur la Lune sont captés par un objectif Angénieux.
Les objectifs Angénieux sont aussi montés à demeure sur des boîtiers de différentes marques comme Sem, Rex, Kodak, Photax…
Des caméras sont aussi équipées d’objectifs Angénieux :
Beaulieu, Bell & Howell (USA), Blanchard & Jourjon, Christen, Cinégel, Crouzet, Emel, Ercsam, Gevaert, Heurtier, kodak, Leitz, Nizo (RFA), Pathé…
En 1982, Angénieux emploie 600 personnes.
Angénieux a reçu trois Oscar pour sa contribution aux progrès des matériels de cinéma, en 1964, 1989 et 2009.
En 2018, Angénieux fait partie du Groupe THALES (fabrications militaires).
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TOURRET-NARAT / Opticien
Fondateur : Marcel Tourret (né en 1908 en Auvergne).
Marcel Tourret est ingénieur des Arts & métiers (Cluny), puis de l’Ecole Supérieure d’Electricité de Malakoff.
Il est engagé en 1944 chez Angénieux à St-Héand (il avait connu Pierre Angénieux qui était de la promotion précédente, à Cluny).
En 1946, il quitte Angénieux pour créer sa propre entreprise avec Marcel Narat, technicien en polissage de verre chez Angénieux. C’est la société Francoptic, à St-Etienne.
En 1947, Francoptic devenue Tourret-Narat s'installe au 21 rue Beaunier à St-Etienne.
La société Tourret-Narat comptera jusqu’à 125 employés.
La production dépasse 2 millions d’objectifs par an, surtout pour des appareils simples.
Tourret-Narat fabrique aussi un grand nombre de systèmes optiques : objectifs, lunettes de fusils, visionneuses pour Fex, filtres, loupes, miroirs…
En 1971, la société Tourret-Narat est acquise par Filtroptic (fabricant de filtres pour la photographie, à St-Maur).
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BLANCHARD & JOURJON
Fondée dans les années 50 par Charles Blanchard et Jean Jourjon.
Installée à La Ricamarie, 24 rue Paul Langevin, puis à Saint-Etienne, 14 rue Joseph Pupier.
L'objectif est de fabriquer une caméra au format de 8 mm.
C'est la caméra Urfée, son nom est emprunté à la Bâtie d’Urfée (dont le temple rond inspire le logo des caméras Urfée).
La caméra Urfée est construite jusqu’en 1964, de façon épisodique, avec trois modèles différents. Elle ne connaît qu’un petit succès.
La société fabrique aussi des filtres de correction des couleurs et des lentilles additionnelles, pour la photographie, sous la marque JB.
Arès le départ de Charles Blanchard, la société change de nom et devient Jean Jourjon.
La société Jean Jourjon existe toujours, en 2018, au 17, rue Louis Joseph Gras Saint- Etienne, dans le domaine de la quincaillerie.
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HEURTIER
Fondateur : Antoine HEURTIER (1902 -1998).
Adresse : 7 rue Cizeron, puis Square Roosevelt, au Rond Point à St Etienne.
En 1939, la société Heurtier est fondée, (avec trois associés dont la SOMA, taillage d’engrenages), dans le but de produire un projecteur de cinéma capable de projeter les trois formats utilisés à l’époque par les amateurs, 8- 9,5 - 16mm.
Pendant la guerre, la société vivote. Elle redémarre sérieusement en 1945.
La gamme des projecteurs est conséquente, dans chaque format, avec des versions sonores ou muettes, le succès est considérable, la réputation des projecteurs Heurtier est excellente.
En 1956, Heurtier se lance dans la production de caméras de 8mm sur bobine de 7,5 m, brevet Kodak. Ces caméras n’ont pas un grand succès.
L’arrivée du super 8 en 1965 condamne tous les projecteurs de 8mm, la caméra devient d’un seul coup dépassée.
Une nouvelle gamme de projecteurs combinant super 8 et 8mm, en versions muette ou sonore, est rapidement établie, assurant la survie de la société Heurtier.
En 1976, Heurtier livre son 500 000è projecteur.
Des projecteurs pour photos diapositives sont proposés en septembre 1979, il existe une gamme de 5 modèles, ils ne sont fabriqués que peu de temps et en petit nombre, ils n’ont aucun succès.
La maison Heurtier est touchée par le déclin du cinéma d’amateur. Après avoir employé jusqu’à 230 personnes et fait preuve d’une grande capacité d’évolution, elle doit cesser son activité fin 1980.
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SACAR
Fondateur : Joseph Aranda. Création, en 1932, d'un atelier de sellerie et garnitures pour automobiles (Bugatti, Hispano, Delage…), au 22 rue Richard à Saint-Etienne.
Après la guerre, Joseph Aranda se lance dans une nouvelle spécialité, les étuis pour appareils photo, en sous-traitance pour les grandes marques françaises et de valises siglées SACAR.
SACAR = SACs ARanda
- à Saint-Etienne de 1932 à 1976.
- à Saint-Chamond de 1976 à 1991.
- à Sorbiers depuis 1991.
Prochainement, nous vous présenterons un nouveau chapitre sur une collection privée d'appareils photographiques. Surveillez sa publication dans la rubrique "En Bref" de la page d'accueil.
Bibliographie
- Grand dictionnaire encyclopédique Larousse, 1982.
- Catalogue de la Manufacture française d'armes et de cycles 1910, Editions du Pécari, 2003.
- Documentation J.P. Bouchet.
A suivre...
A.R.C.O.M.A. NOS LANTERNES DU LABORATOIRE PHOTOGRAPHIQUE - INSTRUMENTS ANNEXES