HISTOIRE DE L'HABILLEMENT

 

 

VII

 

 

LA FRANCE

 


XVIIIe siècle

   

 

 

Les grands changements de l'habillement du XVIIe siècle se poursuivent au cours de ce XVIIIe, entre la régence de Philippe d'Orléans - 1715 - et le Consulat - 1799 -. Les causes sont économiques et sociétales et touchent essentiellement l'Europe occidentale. Le moteur est l'arrivée du libéralisme qui permet à la bourgeoisie de développer ses activités dans le commerce et l'industrie, et, par ce biais, de provoquer des échanges internationaux qui concernent non seulement les finances, mais aussi les courants intellectuels et spirituels. Et parmi ces échanges, le costume est un vecteur des changements sociétaux. A l'austérité de la fin du règne de Louis XIV suit le désir de jouir de la vie à travers plus de liberté, de fantaisie, de légèreté, moins de contrainte. Le costume en est l'un des premiers témoins, plus particulièrement chez la femme : c'est la naissance du style "rococo", chic et raffiné, qui, en France, n'a rien à voir avec ces constructions de bâtiments baroques que l'on retrouve dans de nombreux pays européens ; il va s'imposer jusqu'à la Révolution.

Cette demande nouvelle provoque un développement industriel considérable, surtout en Angleterre qui accentue son avance sur la France pour toute l'industrie textile, et pas  seulement… La recherche de nouvelles techniques de tissage se développe essentiellement de l'autre côté de la Manche : "…nouvelle navette flottante de J. Kay en 1733, Spinning-jenny de J. Hargreaves en 1765, métier à filer le coton de R. Arkwright en 1767, métier à chaîne de J. Crane en 1768 et de  S. Crompton en 1775, machine à tisser d'E. Cartwright en 1785, machine à tricoter les bords à côtes de J. Strutt…". Des villes se spécialisent dans le traitement des fibres textiles : Manchester pour le coton, Norwich pour la laine, Coventry pour la soie. Cette mécanisation est à l'origine d'une baisse des prix qui favorise l'exportation. Le goût pour les indiennes, un tissu léger de coton, et le développement des entreprises de soieries créées par les huguenots exilés de France, suite à la révocation de l'édit de Nantes en 1685, vont jouer un rôle capital dans la primauté de l'Angleterre en ce domaine. Celle-ci se traduira plus tard par l'influence des tailleurs anglais sur le costume européen.

Un point négatif est tout de même à signaler : les tissus de coton servaient de monnaie d'échange pour des négriers. Les esclaves noirs étaient vendus outre Atlantique et le coton brut revenait en Angleterre…

Et en France ! Le siècle commence mal avec la faillite des industries du textile des grandes villes comme Lyon. En cause, le blocus maritime de l'Angleterre suite à la guerre de succession en Espagne. Un renouveau touche d'abord et surtout les petites entreprises, puis l'ensemble de la profession sur tout le territoire. Les évènements politiques, des traités comme l'exonération douanière des tissus anglais ou l'ouverture aux étrangers du commerce dans les colonies françaises ont un rôle évident sur les fluctuations de notre industrie textile. Tant bien que mal, l'industrie textile se maintient grâce à la qualité des produits et, surtout, au soutien du gouvernement par des privilèges, des subventions (déjà !), des monopoles. Toiles de coton et étoffes de soie sont particulièrement prisées entre 1730 et 1750, correspondant à une période où les français, à tous les niveaux, sont prêts à dépenser sans compter. Indépendants pour la soie, les industriels utilisent les machines anglaises pour les cotonnades. Un traité franco-anglais en 1786, associé à la montée en puissance des pays européens voisins, provoque de très nombreux licenciements.

Trois nouveautés sont également à l'origine des nouvelles tendances : elles touchent les goûts et les couleurs. On l'a vu déjà dans l'article du XVIIe siècle, les indiennes, ces tissus de coton imprimés, suscitent un grand engouement à tous les niveaux de la population : légers, colorés, peu chers, elles sont désormais fabriquées en France dans des manufactures à Montbéliard, Marseille, Rouen, Orange (toile d'Orange), mais aussi à Orléans, en Provence, en Normandie et, surtout, en 1760, à Jouy-en-Josas où un suisse, Christophe-Philippe Oberkampf, réalise l'impression directe de la couleur bleue, crée des colorants solides, modifie matériels et techniques de teintures aboutissant à la toile dite de Jouy de renommée mondiale. Suite au blocus continental, la manufacture qu'il crée ferme en 1843. Cet attrait pour les indiennes a un retentissement très négatif pour les soieries lyonnaises.

La deuxième nouveauté est liée à des études physico-chimiques sur les colorants aboutissant à la création de plusieurs milliers de tonalités différentes, s'adaptant aux goûts du moment : nuancées sous Louis XV, bigarrées et vives sous Louis XVI, voire carrément blanches grâce au blanchiment par le chlore découvert en 1791 par Berthollet.

La troisième est humaine avec la naissance d'un nouveau métier, les marchands et marchandes de modes. Si, au départ, ces artisans vendent des accessoires, ils vont bientôt créer de nouvelles modes grâce à leur inventivité, à leur goût, à leur connaissance des possibilités techniques de l'industrie textile et à leur succès auprès des classes dirigeantes. Sans doute l'une des plus connues est Rose Bertin qui avait pour cliente la reine de France, Marie-Antoinette, et dont la renommée franchit largement les frontières du pays. On ne peut les citer toutes et tous, tailleurs, couturières, dessinateurs, brodeuses, dentellières… qui portent au paroxysme le luxe de l'habillement. Pour faire connaître toutes ces évolutions, ces faiseuses et faiseurs de mode disposent désormais de publications spécialisées avec gravures en couleur : Journal du goût, Cabinet des Modes, Magasin des Modes nouvelles françaises et anglaises, Journal de la Mode et du Goût… pour ne citer que les plus importantes françaises. Comme par le passé, toutes ces modes ont des appellations qui maintenant s'inspirent d'événements divers : pièce de théâtre, œuvres littéraires, chansons, inventions, actualité politique…

Après ce (trop) long préambule qui cherche à expliquer les causes de l'évolution de la mode, il est temps d'en venir aux costumes masculins et féminins.

 

Première partie

Nous commençons par le costume masculin dont l'évolution est beaucoup moins marquée que celle du féminin. On peut même dire qu'il est simplifié tout en restant luxueux. Il est désormais composé de trois pièces principales évoquant déjà celui d'aujourd'hui : le justaucorps, la veste et les culottes, le tout constituant "l'habit" auxquelles il faut ajouter la chemise blanche, la cravate, le jabot, le chapeau tricorne, les bas de soie, les souliers à pièce et talon.

Vers 1720, le justaucorps devient à lui seul l'habit, flottant ou serré, avec, à la taille, des plis couchés rembourrés de crin "pour donner de la grâce et faire le panier". Le devant est droit, orné de boutons et de boutonnières. Les manches se terminent en bottes, des parements larges et hauts. Les poches sont à revers droit ou biaisé. À partir de 1740, le devant est coupé en biais et en 1760, il s'ouvre en bas en triangle ; les paniers disparaissent et les manches rétrécissent.

 

 

   
                                                        Vers 1715 : habit flottant, manches à parement et dentelles ;
                                                                      veste fermé à la taille ; cravate et jabot.
 

 

 

       
                              Vers 1720 : veste boutonnée à la ceinture                                                     Vers 1728 : redingote longue,
                       laissant voir la chemise ; les manches de la chemise                                          avec ceinture, à deux petits collets
                       dépassent celles du justaucorps ; culotte invisible si                                            dont un peut se relever ; tricorne
              le justaucorps est fermé ; souliers à bout carré, à talons ; tricorne.              
 

 

La veste, appelée gilet à partir de 1762, est toujours composée de deux tissus : l'un, riche pour les parties visibles, l'autre, ordinaire derrière. Elle se ferme à la taille, la partie supérieure découvrant le jabot de la chemise. Vers 1770, elle est plus courte et perd ses manches. Quant aux deux pointes du devant, elles deviennent des triangles ou sont coupées droites, avec ou sans revers.

La culotte se ferme par des boutons, puis, après 1750, par un pont, "à la bavaroise". Elle s'arrête juste sous le genou, fermée par une jarretière ou des rubans. Elle est maintenue par deux rubans parallèles passant sur les épaules. Le pantalon lui succède progressivement après les années 1760.

Suite à une augmentation des impôts par le contrôleur des finances Silhouette (1759), la rigueur s'installe par réaction : les vêtements se mettent à la silhouette ! "Culottes sans poches, surtouts sans plis, vêtements dépourvus d'ornements présentent une vague de simplicité et presque de mesquinerie, car l'habit perd largement un tiers de l'étoffe qui lui était jusque-là nécessaire, devient si étroit qu'on ne le peut plus fermer, et, si l'on garde les boutons comme ornements, on supprime les boutonnières devenues inutiles. Et la ligne du vêtement s'allonge et se rétrécit…"

Le style rococo se manifeste par des couleurs vives. Les accessoires se diversifient, avec la création de boutons fantaisies, de broderies en fil d'or et d'argent aux couleurs multiples, de sequins et de bijoux. Comme on l'a vu plus haut, la mode anglaise traverse la Manche : la tenue du cavalier, la riding coat,  devient la redingote, avec ceinture et double collet, le deuxième recouvrant les épaules. Elle aurait été inspirée par un vêtement, la hongreline, porté 50 ans avant par les cochers français. Elle devient vêtement de jour porté en toutes occasions. Le manteau d'hiver est le surtout à collet rabattu et boutons de fermeture. Le frac anglais, une veste simple, à col à revers, sans poches, ni plis, évasée au bas, est porté dans la deuxième moitié du siècle, avec une variante, la rotonne ou rotonde à petit collet et sans poches. Par mauvais temps, on revêt la roquelaure en forme de cloche, à grand collet et nombreux boutons, ou le balandran, fendu sur le côté pour passer les bras, ou, encore, le volant sans doublure et très vaste avec collet à un bouton. On peut aussi se protéger avec un parapluie, une réduction du parasol des dames du début du siècle, d'origine orientale

Côté coiffure, on s'oriente vers une relative simplification. Les grandes perruques de Louis XIV disparaissent au profit des cheveux naturels. Ceux-ci se redressent devant en toupet et en touffes frisées sur le côté, descendantes très simplifiées des cadenettes. Et si l'on préfère la perruque, on ne manque pas de la porter en arrière, laissant voir devant les cheveux personnels, la liaison se faisant avec de la poudre. Les modèles de perruques sont très nombreux, évoluant avec le temps : perruque à marteaux ou rouleaux, avec une queue en bout de rat, parfois gonflée de crin, soit maintenue par un ruban, soit enfermée dans une résille, le crapaud ou bourse à cheveux, soit encore ébouriffées en oreilles de chien barbet, sur les côtés, et un "toupet en vergette" sur le front. À partir de 1730, apparaissent le catogan et son dérivé la coiffure aile de pigeon, le bichon pour la chasse, la perruque d'abbé ou de procureur, ou, vers la fin du siècle, la perruque à boucles en rouleau et la coiffure à la grecque, à la financière, à la chancelière, à la moutonne … (Voir "Rochefort en histoire" pour les représentations...)

Le couvre-chef est le tricorne avec, au fil des années, une taille réduite. Là encore, les formes sont multiples tant au niveau des "cornes", hautes, basses que du textile employé. Galons ou plumes l'ornemente. Il est, en fait, souvent porté sous le bras pour éviter de faire disparaître la poudre des cheveux : des modèles très plats sont tout simplement appelés chapeaux-bras !

 

 

     
 

                               Vers 1750 - 1774 : Habit à la française :              Vers 1774 – 1782 : Habit à la française
                               plus étriqué, plus court ; manches plus                 les pans de l'habit dévoilent davantage
                                           longues, moins amples.                             le gilet (veste) ; manches étroites ; gilet
                                Chapeau tricorne porté sous le bras                                   court sans basques

 

 

 

       
                    1774 – 1782 : Frac                                Frac et chapeau à la suisse                      1780 : Redingote à la lévite
    Jaune clair ou vert et larges rayures.                                                                                   Revers boutonnés ; 3 collets
 

         

Tout ce que nous venons de voir correspond à la Régence et au règne de Louis XV. L'arrivée de Louis XVI, en 1774, et les problèmes financiers du pays vont entraîner le costume masculin vers une simplification accrue, déjà initiée durant la décennie précédente. L'habit se réduit encore, ouvert sur le devant, à collet droit ; le frac n'a plus de pèlerine ; la redingote d'hiver devient la lévite, croisée devant et descendant jusqu'à mi mollet. Les couleurs des tissus n'engendrent pas vraiment la gaîté comme l'indiquent leurs noms : boue-de-Paris, moutarde, caca-dauphin, merdoie ! Unis en hiver, ces tissus sont en soie cannelée en été. Le chapeau, toujours tricorne est dit à la suisse : une petite corne devant, 2 longues cornes sur les côtés. Le jacquet ou jockey, rond, vient des palefreniers anglais donnant avec des larges bords le chapeau à la quaker et le chapeau hollandais. Les souliers ont des semelles plates. Le seul luxe admis concerne les montres et les boutons précieux. À la veille de la Révolution, le "négligé" est la règle, avec l'emploi de drap de paysan. Le frac est jaune queue-de-serin avec larges rayures. Le gilet, veste sans manches est blanc, mais encore brodé de soies en bouquets ou de représentations des aventures de don Quichotte ou de fables de La Fontaine ! Il reste de bon ton de se montrer en habit de cavalier, même si l'on n'a pas de cheval, avec une veste, la lévite à l'anglaise, des bottes à revers fauves et un chapeau rond, tout cela de couleur noire, y compris les bas.

 

     
 

                                                                            Habits à la française, vers 1785
                                                         Habit ouvert découvrant la veste ; veste à pans en triangle
                                             En soie rayée et broderies                       En velours cannelé vert et broderies

 

 

1789 : La Révolution est là et se retrouve dans l'habillement, essentiellement dans le cadre d'une démocratisation, la volonté d'en finir avec les contraintes de l'Ancien Régime et l'expression d'un besoin de liberté. En fait, cette évolution avait déjà commencé bien avant comme nous avons pu le voir plus haut. Outre l'évolution sociétale, intervient aussi l'appauvrissement des dirigeants, laïques ou religieux, par perte de charges ou de bénéfices. L'habillement fait désormais partie du superflu.  À noter, ainsi, la disparition, en France, du costume de cour puisqu'il n'y a plus de cour ! Conséquence de cette situation financière des clients potentiels, un ralentissement notable de l'industrie et de l'artisanat  textiles. Par contre, une distinction se fait au niveau des institutions politiques. Lors des États Généraux de 1789, les membres du Tiers-État adoptent une tenue noire simple, symbole de simplicité et surtout d'économie, à l'opposé de la Noblesse encore richement vêtue. Et pour la population, le costume devient une marque de civisme ou d'opposant. Dans un premier temps, on s'habille "militaire" : habit bleu à revers, hautes guêtres et cocarde bleu-blanc-rouge, les couleurs nationales. Plus de poudre pour les cheveux, sauf pour les militaires : la farine est réservée à l'alimentation. Un manque à gagner évident pour les perruquiers dont la corporation touche, de l'Assemblée Nationale vingt-deux millions de subventions sur un total de cent-vingt millions pour l'ensemble des corporations ! Après cette vague militaire, dès 1790, le costume républicain subit sa révolution : frac ouvert à queue de morue et revers courts, gilet, culotte à l'écuyère en daim ou casimir, bas rayés en long, bottes à revers ou souliers plats, gants rayés, chapeau rond et haut à bourdaloue. Une catégorie particulière, les patriotes, adopte un costume bleu de roi à garnitures rouges et blanches, un gilet à emblèmes et des boutons à devise patriotique. Tenue noire avec habit de couleur claire, après avoir été noir (signe de deuil), puis, en 1791, habit vert à collet rose, un gilet à fleurs de lys, une cravate et une cocarde blanches pour le contre-révolutionnaire. Les jeunes portent le costume de demi-converti : habit écarlate, mais gilet, culotte, bas et l'un des deux cordons de montre noirs. Certains n'hésitent pas les mélanges de couleur : habit violet, gilet et culotte orange, collets dits coupés d'une couleur différente tout comme les bas unis ou rayés. Les cheveux sont souvent nattés, à la Panurge, couverts d'un chapeau haut, en bateau : le tricorne disparaît. Les souliers sont décorés d'un ruban. Le 14 octobre 1792 apparaît la tenue "sans-culotte" essentiellement pour le peuple des manifestants de la rue : une veste courte, la carmagnole, un pantalon large à pont, en gros lainage, comme les marins, et le bonnet rouge phrygien des forçats. Les bretelles remplacent la ceinture. La houppelande, brune ou grise, à collet rabattu en peluche rouge, protège du froid. Et pour le peuple, le sabot est de mise. L'idée de créer un costume révolutionnaire typique, en 1793, n'eut pas de suite. En cette même année, l'exportation des soieries reprend "avec une faveur depuis longtemps inconnue.

  

 

       
 

      Sans-culotte : frac (!?), pantalon à rayures                                        Sans-culotte : carmagnole,
           verticales et cocarde tricolore sur                                                pantalon à pont, cocarde sur
   chapeau haut à larges bords et chaussures (!?)                                  bonnet phrygien rouge ; sabots

 

 

À partir de 1795, donc du Directoire, c'est le retour en arrière, un retour très particulier où l'excentricité est à son comble, du moins pour quelques jeunes "élégants" aisés. C'est l'époque des Muscadins, des Inco'yables (on ne prononce plus le "R" qui rappelle la "R"évolution.) : habits carrés à plis, cravates immenses, culottes godantes (plis en godets), bas à rayures horizontales, escarpins à bouts effilés, cheveux en oreilles de chien (courts dessus, longs sur le côtés et derrière), cadenettes battantes et catogan poudré.

 

       
                        Muscadin                                    Inc'oyable et Merveilleuse                            Cheveux en oreille de chien  

 

Une tenue plus "sérieuse" concerne l'ensemble de la population. On affiche tout de même ses opinions politiques (les risques ne sont plus ceux de la Terreur) : collet noir pour les royalistes, rouge pour le républicains. Finalement, l'ensemble adopte l'habit étroit, boutonné, à basques longues, et haut collet, vert ou bleu, le gilet échancré et à revers, la cravate haute relevant le menton, un pantalon ou une culotte longue et collante, des cheveux courts avec favoris (coiffure à la Titus avec nuque rasée), ou à la Brutus (à cheveux coupés courts), à la Caracalla (avec des frisures),  des bottes à l'écuyère, hautes, souples, à revers.

 

     
 

                               Vers 1797 : habit dégagé ou redingote                                 Lévite à l'anglaise
                               ouverte devant, pantalon à la hussarde,
                                           bottes à revers chamois.

 

 

 

Depuis le début de la Régence, le costume masculin s'est donc orienté vers une plus grande simplicité, un meilleur confort. Une évolution voulue par les changements de mentalité, les problèmes financiers, les révolutions politiques et sociétales et un grand besoin de liberté et d'égalité.

Dans une deuxième partie, dans ce même article, nous allons voir que le costume féminin a évolué dans le même sens, mais avec des innovations incessantes tout au long du siècle.

 

Deuxième partie    15/11/2024  Téléchargement en cours

 

"En France, lorsqu'un habit dure plus que la vie d'une fleur, il est décrépit ; la mode est le véritable démon qui tourmente cette nation. La conséquence du luxe démesuré, c'est de commencer à confondre le maître avec le valet, les gens de la lie du peuple avec des personnes de condition plus élevée" et encore "La moindre grisette, la plus pauvre ouvrière avait des toilettes élégantes, tenait surtout à faire le pied, c'est-à-dire à porter des souliers étroits en peau de diverses couleurs à talons hauts et à rosette de ruban". C'est ce que l'on disait pour "les modes" du XVIIIe siècle. Nous allons le constater.

Si l'habillement des dames subit un certain allègement, ce n'est pas vraiment au début de ce siècle. Apparaissent, en effet, les paniers, des jupons de toile gommée descendant jusqu'aux genoux à trois rangs de cerceaux de joncs ou de  baleines

            

 

   
                                                                L'effet des paniers sur l'ampleur de la robe  

 

rattachés par des rubans et recouverts de taffetas. Ils donnent de l'ampleur à la robe et amincissent la taille. Une imitation des vertugades du règne de François 1er ? Ils sont interdits aux jeunes filles. L'affaire n'est pas nouvelle : les comédiennes françaises du milieu du XVIIe siècle les ont inventés, quelques anglaises les trouvent à leur goût en 1711 : ce sont les "hoop petticoat" ou jupon à cerceaux. En 1718, deux parisiennes de forte corpulence les utilisent pour se protéger de la chaleur et se promènent dans les rues : elles font le spectacle, mais aussi, sans le vouloir, la mode adoptée par toutes les femmes de toutes les classes de la société. D'un coût élevé - 3,60 m de circonférence -, ces paniers deviennent d'un prix abordable pour toutes grâce à la production en série inventée par une certaine Mlle Margot. Matériaux et formes vont évoluer : arrondi du haut, avec cinq rangs de lame d'acier, celle du haut appelé traquenard ; puis en forme de cloche ovale ou encore à guéridon, à coupole, à bourrelets, à gondoles ou les molinistes pour les femmes grandes, amincissant les fortes, grossissant les minces…Malgré l'opposition de quelques prédicateurs, le port de ces paniers est universel, de la duchesse à la harengère des halles. Le matin, en déshabillé, les paniers sont tout petits, on les nomme considérations ; remontant très haut de manière à ce qu'on y puisse appuyer les bras, ce sont les paniers à coudes. Quelques personnes pieuses utilisent tout de même un jupon raidi par du crin, s'arrêtant aux genoux, baptisés ironiquement "paniers jansénistes". Les largeurs prises par ces tenues ont des conséquences protocolaires à la cour : la reine exige une chaise vide de chaque côté de la sienne ; à leur tour, les princesses du sang font la même demande…

       

     
                                    Robe de la Régence                                                Robe à panier janséniste
                                                                                   Tapé pour la coiffure et compères pour le corsage
 

 

Si ces paniers ne simplifient pas l'habillage, ils rendent par contre le vêtement plus léger. 12 à 14 m de tissus sont, en effet, nécessaires : les tissus lourds ne peuvent donc plus être utilisés, et sont remplacés par des soies, des bazins (cotons teints), des mousselines… agrémentés de bouquets peints ou artificiels, de larges raies, de nœuds de rubans, de chicorées…, qui rappellent les bergères de théâtre. La robe est dite volante ou à la Watteau bien que ce peintre n'en soit pas à l'origine, ou encore robe andrienne devenue adrienne, en relation avec la tenue d'une actrice portant ce type de robe dans la pièce de Térence, Adrienne. Elle est très ample, ouverte à demi ou complètement devant, avec un corsage ajusté sur la poitrine et orné d'une échelle de rubans, des plis, dits Watteau – toujours sans raison apparente - dans le dos ; les manches plates, de longueur variable, plissées verticalement, avec parements plissés horizontalement, se terminent en pagodes, prolongées par des mitaines de taffetas. Vers 1730, les parements des manches sont attachés par des agrafes ou des boutons. Cette robe est sans ceinture et met en évidence le balancement du panier.

 

       
                                                                       Robes volantes à plis Watteau (avant 1721)  

 

De par son ampleur, elle peut être retroussée dans les fentes de la jupe de dessous pour donner accès aux poches aménagées sous les paniers : c'est la robe retroussée dans les poches. La coiffure est basse, relevée devant, en chignon derrière, ornée d'aigrettes, de rubans, de pierres et poudrée. Les formes sont multiples : en vergette, en équivoque, en tête-de-mouton, en désespoir, à la culbute, à la doguine, en dorlotte. Les couvre-chefs sont des bonnets d'abord petits, puis avec pointe sur le front : la cornette en batiste, avec deux longues brides, les barbes, ne couvre qu'une partie de la tête ; très en arrière, elle est dite à la jardinière ; le bonnet en battant de l'œil est un fichu de soie et de dentelle noué sous le menton. Dehors, on porte la bagnolette, une capuche froncée derrière la tête. Et pour se couvrir, suivant la saison, on revêt le mantelet, la mantille – pointe au-dessus du front et croisée sur la poitrine - ou la mante. Enfin, les bas blancs sont les plus prisés et les souliers, également blancs, sont à boucles, avec émaux et pierres, hauts talons et extrémité ronde ou pointue, jamais carrée. Les babouches, mules à hauts talons cambrés, sont particulièrement appréciées. Des collerettes, tours de cou en dentelle ou gaze et des palatines couvrant le décolleté sont les accessoires les plus prisés. Et n'oublions pas pour le visage, les mouches et le rouge pour ne pas avoir le teint d'une morte.

La robe volante est concurrencée dès 1720 par la robe à plis dite à la française. Les plis, en double épaisseur, partent du cou et descendent librement dans le dos. Le corsage est ajusté attaché de chaque côté à la pièce d'estomac ou à une échelle de nœuds. Plus tard, deux compères sont fixés de part et d'autre du corsage. Le vêtement de dessus dévoile le jupon ; il est bordé sur toute la longueur et derrière le cou par des passementeries. Les manches plates s'arrêtent au coude et se terminent en pagode avec plusieurs volants prolongés par l'engageante, une manchette de dentelles. Elle est adoptée par toutes les femmes, les variantes portant sur la richesse du tissu.

 

Le costume de cour, dit aussi grand habit, persiste sans grand changement de l'allure générale, mais, bien sûr, avec l'utilisation des paniers.

 

 

       
                                                           Robes à la française (1759   1750   1758)   

      

 

       
                                                         Robes à la française de cour à grand panier (1776)
 

                                       

       
                        Robes à la française de cour à grand panier (1776)                                              Manches en pagode. Panier à coudes  

 

Vers 1750, la mode des paniers est remise en question là encore à l'initiative de gens du théâtre. À partir de 1760, pourtant, cette suppression ajoutée à l'ouverture de la robe sur le jupon à falbalas est source d'indécence : on pourrait voir les jambes ! Par ailleurs, pour les dames de la cour, il faut se montrer dans toute sa splendeur, voire sa richesse, et le grand panier est de rigueur. Il est désormais en deux parties, en toile forte sur demi-cercles de joncs ou de baleines maintenus par un ruban de taille ; il peut se relever sous les bras. Il est attaché par des liens autour de la taille. Au niveau des hanches, une ouverture permet d'accéder aux poches suspendues à la taille sur le jupon de dessous. Les plis Watteau disparaissent, remplacés par des plis réguliers, plats et profonds, partant des omoplates, donnant un aspect de faux manteau de cour. Pour des promenades champêtres, la dame préfère une robe plate, baleinée, la fausse-robe, qui, sans queue, devient le fourreau. La jupe est soit fermée devant, soit ouverte sur celle de dessous. Les devants, les compères, sont boutonnés ou lacés, les pans de la robe le plus souvent bordés de plissés horizontaux s'ouvrent à partir de la taille et se prolongent derrière en une queue très étoffée, laissant à découvert le jupon toujours garni de falbalas. Sous le corsage collant de la robe, on porte encore le corps à baleine. Le décolleté est pourvu d'un devant de gorge. Les manchettes sont à trois rangs. Pour se couvrir, outre les mantelets…, on utilise le coqueluchon, maintenu droit sur les épaules par un monte-au-ciel, un cerceau d'apprêts. La veste à grandes basques s'appelle caraco, casaquin ou pet-en-l'air ! Vers la fin du règne, pour les tenues négligées, on se contente du jupon à falbalas avec caraco et tablier sans bavette.

Toujours en ce milieu de siècle, la coiffure est le tapé, coiffure basse fixée sur un petit coussin de taffetas noir, rempli de crin, soutenant la chevelure et permettant des piquer fleurs et aigrettes. Ce tapé reprend, ensuite, de la hauteur : cheveux en cimier sur le sommet de la tête, boucles flottant sur le cou, les dragonnes, deux anglaises et un ruban, la huppe, le tout largement poudré. La perruque chignon devient nécessaire. Dans les années 1760, elle provoque une guerre entre coiffeurs et barbiers-perruquiers-baigneurs-étuvistes qui veulent chacun en avoir l'exclusivité. Ce différend se termine au bout de 8 ans, avec obligation pour les coiffeurs de rejoindre la corporation des perruquiers, sous peine de prison en cas de refus. Le bonnet devient rare, au profit de quelques grands chapeaux, l'un à bride nouée sous le cou dit à la Pompadour, l'autre en paille à la Bastienne, ou encore une petite toque relevée sur le front.

 

Louis XV meurt en 1774. Vive le roi ! Son petit-fils, Louis XVI, avec son épouse, Marie-Antoinette, lui succède. La reine, élevée dans une certaine austérité par sa mère, veut alors profiter de la situation dans laquelle elle se trouve. Elle est aidée et même encouragée en cela par le "Ministre de la Mode", Mlle Rose Bertin dont l'influence touche la plupart des cours d'Europe. Commence alors une période où la fantaisie n'a pas de limites. Les paniers reviennent, métalliques, plus grands encore - jusqu'à 5 m de circonférence -, en ellipse, munis de charnières, qu'on peut rejeter sous les bras pour passer les portes et monter en carrosse. Les accessoires sont plus nombreux qu'ils ne l'ont jamais été : bouquets, bouillonnés, coques, nœuds de gaze, falbalas…le tout cousu dans un certain désordre. La jupe peut s'ouvrir en pointe à partir de la taille et découvrir la seconde jupe. Le tissu de choix est le tulle. La couleur, d'abord sombre, "couleur de puce", selon Louis XVI, devient blanche à la Bordelaise, copiant les robes des martiniquaises arrivant à Bordeaux. Suivent les indiennes, ces tissus de coton blanc à bouquets ou rayures fabriqués par Oberkampf à Jouy, à partir de 1750.

La robe à l'anglaise, portée dès les années 1710, remporte un grand succès dans la vie courante en ce début de règne. Les raisons : une tenue plus légère, plus simple, plus pratique et mettant bien en évidence la finesse de la taille. Le panier est remplacé par une tournure matelassée. La jupe, froncée depuis les hanches, se termine par une petite traîne ; elle s'ouvre sur une sous-jupe. Le corsage est lacé devant, avec un décolleté bas couvert par un fichu et baleiné aux coutures derrière où il descend en pointe sur la jupe. La robe-redingote est également d'inspiration anglaise. La robe est soit fermée soit largement ouverte sur la robe de dessous ; le corsage est ajusté, boutonné devant ou croisé, avec des revers en pointe. L'insurgente est une robe-redingote à pointe du devant relevée : un clin d'œil au rapprochement franco-américain.

 

       
                          Robe à l'anglaise (1785)                               Redingote (1776-1787)                        Demi-redingote (1786)
                                                                                                    Chapeau bonnet                                 Chapeau à la tarare
 

 

 

       
 

           Robe à l'anglaise, avec tablier                                       Robe à l'anglaise,                                      Robe à l'anglaise
                                                                                       manteau retroussé dans le dos                         Chapeau Malborough

 

 

D'autres modèles sont particulièrement appréciés, d'inspiration orientale ou d'Europe centrale, de 1776 à 1787. Tout d'abord, la polonaise s'écarte sur la jupe de dessous et est retroussée en arrière des hanches par deux galons coulissants formant trois pans arrondis, courts sur les côtés, les ailes, et long derrière, la queue, ou inversement ; les manches sont plates, avec manchette évasée de gaze au niveau du coude de forme sabot. Et comme toujours, il existe différents modèles : en frac, aux ailes, à grand décolleté, jupe courte et petite veste, manches en sabot évasées avec manchettes de dentelles. Autres modèles, la circassienne à manches très courtes d'où sortent celles de la soubreveste ou corsage de dessous ; la turque, la levantine, la sultane ouverte devant, manches courtes et mélange de couleurs ; le caraco, en robe à la française ou à la polonaise raccourcie, considérée comme un négligé, tout comme le casaquin, le juste à la Figaro ou à la Suzanne ; la lévite, inspirée tout à la fois du costume sacerdotal juif et de celui de l'actrice jouant dans Athalie : la robe est droite, longue, traînante, avec plis derrière et châle, et ceinture constituée d'une écharpe lâche. Les épaules sont couvertes de chats ou palatines de duvet de cygne, et de dentelles nommées médicis, archiduchesse, henri-quatre

 

         
                                                                             Robes à la polonaise (1786)          

 

 

       
  Robe retroussée dans les poches (1774)                               Caraco et bonnet à la nouvelle paysanne (1786)  

 

     
                                                       Caraco                                                     Robe à la circassienne (1778)  

 

Le goût du luxe touche toutes les classes de la société : "Les femmes ont pleine licence à cet égard ; elles choisissent leurs ajustements comme bon leur semble. La femme d'un commis ou de l'épicier du coin se mettra comme une duchesse : le gouvernement ne s'en mêlera pas. Un particulier étalera le luxe le plus effréné ; s'il a payé les impositions royales et la capitation, permis à lui de se ruiner".

Toujours en cette fin des années 1770, les robes de simplicité privilégient le confort. Portées par les dames de la classe aisée, elles se rapprochent du costume citadin des classes populaires par l'emploi d'une cotonnade le plus souvent blanc uni.  La robe en chemise, sans queue, s'enfile par la tête ou les pieds : elle est portée, avec un chapeau de paille, par la reine Marie-Antoinette. La robe à la créole se porte avec un caraco dit pet en l'air, en fait le haut d'un habit à la française coupé au niveau des poches. Le fourreau est constitué d'une jupe fermée devant, avec corsage busqué et lacé par derrière, sans baleines.

La coiffure ne change guère : à physionomie élevée ou à la capricieuse. Mais bientôt, la fantaisie des vêtements est loin, toutefois, d'égaler celle des coiffures qui montent sur plusieurs étages avec des cheveux crêpés, frisés, en hérisson, surmontés d'un bonnet orné de rubans, de plumes et autres accessoires délirants comme une maquette de la Belle-Poule. Les plumes groupées par trois sont dites "qu'es-aco", une plaisanterie de Beaumarchais ; par 10, les plumes d'autruche avec yeux de paon sont dites à la Minerve. Enfin, les poufs sont une ode à la nature avec oiseaux empaillés, fruits, légumes. Bien sûr, chacune de ces coiffures a une appellation particulière : Au lever de la Reine, A la régate de Junon, Rivale de la Belle-Poule, Au moulin à vent… L'influence anglaise est toujours là : chapeau à la Marlborough avec des plumes d'autruche, à la Devonshire avec mélange de plumes et d'aigrettes, en Charlotte, une large cloche de mousseline entourée d'un ruban. La description de l'habillement nécessite désormais un dictionnaire, voire une encyclopédie : "Mlle Duthé était dernièrement à l'Opéra avec une robe de soupirs étouffés, ornée de regrets superflus, un point au milieu de candeur parfaite, garnie en plaintes indiscrètes, des rubans en attentions marquées, des souliers cheveux de la reine brodés de diamants en coups perfides, et les venez-y-voir en émeraudes ; frisée en sentiments soutenus, avec un bonnet de conquête assurée, garni de plumes volages et de rubans d'œil abattu, un chat sur le col couleur de gueux nouvellement arrivé, et sur les épaules une médicis montée en bienséance, et son manchon d'agitation momentanée". Comprenne qui pourra !

Quant au couvre-chef, suivant l'heure, c'est un bonnet pour la nuit, la dormeuse, serré par un ruban noué sur le front ; en négligé, c'est la baigneuse, avec deux ailes à franges ; ou encore chapeau-bonnette venu d'Angleterre, thérèse, calèche

 

       
 

         1 Bonnet à barbes                                         3 Bonnet à la cauchoise                         5 Bonnet calèche     6 Bonnet avec marmotte
         2 Bonnet dormeuse                                      4 Bonnet papillon                                

 

 

 

       
                           Bonnet battant l'œil                            Baigneuse et dormeuse                                    Calèche  

 

 

       
                  1 À l'anglaise                                                3 À la Newmarket                                          5/6  À la Chérubin
                2 À la Montgolfier                                       4 En globe de Paphos                   
 

 

 

   
                                            1 Coiffure à la Frégate la Junon                 2 Hérisson avec plumes, fleurs et rubans
                                          3 Chignon avec bonnet bordé de perles     4  Chignon avec fichu
 

         

À partir de 1780, les petites filles de la société aisée, jusque-là habillées comme les adultes, commencent à porter des robes de linon ou de mousseline maintenues à la taille par un large ruban. Les petits garçons sont en chemise et culottes souples.

Pour le peuple, c'est jupe sombre à fronces, caraco, tablier fichu et bonnet pour les femmes, chemise, jaquette, tricorne, chemise, culotte, bas et chausses pour les hommes. Les tissus varient suivant les moyens financiers.

Tout cela ne peut pas durer : les finances publiques et privées ne suivent plus. La première "victime" est Rose Bertin qui fait faillite en 1787. La reine joue le jeu dans son hameau du Trianon en s'habillant en bergère d'opéra : elle met à la mode la chemise à la Reine, à partir de 1781 : en gaze ou en soie, ceinturée très haut, largement décolletée, la robe tombe droite, ornée seulement d'un rang de falbalas. Vers 1785, les comédiennes donnent également l'exemple avec les robes à la paysanne, les déshabillés à la Suzanne, les cheveux à la Chérubin, les bonnets et les chapeaux à la Figaro… Entre les fantaisies d'avant et le goût pour des vêtements plus populaires, les élégantes portent la redingote anglaise avec revers, double collet, boutons métalliques, jabots, cravate… On pourrait presque dire une "mode à la garçonne", mais le temps n'est pas encore venu. Une fois de plus, cela n'a qu'un temps. La redingote disparaît au profit d'un justaucorps décolleté, avec manches plates, basques retroussées, évoquant encore le costume masculin, appelé, suivant la forme, pierrot, veste à la marinière et finalement caraco. Dans les milieux aisés, le costume de soirée existe toujours. C'est la robe à la circassienne avec corsage échancré au-dessus de la taille, recouvrant le fichu en chemise ou canezou, manches longues, puis très courtes. L'anglomanie est toujours bien présente avec la robe à l'anglaise, fermée tout le long du corsage, ajustée à la taille, prolongée par une queue traînante et les coutures du dos renforcées par des baleines. La robe en redingote masculine nous vient aussi d'Outre-Manche, à revers ouvrant sur un jabot de dentelles, soit coupée à la taille comme un habit, soit entr'ouverte comme une redingote et laissant voir un gilet et des breloques ; elle est toujours accompagnée d'un très grand chapeau posé sur une coiffure abaissée. Plus généralement, les jupes sont toujours ouvertes et le jupon est à nouveau agrémenté de volants ; la taille est serrée par une ceinture très large. La tournure remplace les paniers. Les manches s'arrêtent au-dessous du coude ou vont jusqu'aux poignets. Le châle, une longue écharpe en cachemire est indispensable, passé sous les bras, croisé dans le dos et noué à la taille. À partir de 1787, les chapeaux sont plus petits, remplacés par des bonnets hauts sur coiffure basse. Curieusement, cette simplification – toute relative – au niveau des dames du monde s'accompagne d'un désir de luxe chez les femmes du peuple :

 

       
         La chemise à la reine (1781)                      Robe à la Suzanne (1785)                             Robe à l'anglaise (1784)
                                                                                (caraco et fichu)
 

 

 

       
                                                      Robes en redingote (1784)                                                    Robe à la constitution tricolore  

 

"Les femmes choisissent leurs ajustements comme bon leur semble : la femme d'un commis ou de l'épicier du coin se mettra comme une duchesse ; un particulier étalera le luxe le plus effréné".

Les simplifications de l'habillement féminin commencées dès les années 1785 -1787 sont poursuivies durant la Révolution, avec, toujours, l'influence de la robe à l'anglaise. Les caracos deviennent des corsages à basques très courtes et manches étroites descendant jusqu'aux poignets. Autres nouveautés : le fichu à la Charlotte Corday, avec bouquet tricolore, ceinture de rubans à bouts flottants, châles. La circassienne rayée, tricolore est très populaire. La toile de Jouy est particulièrement prisée. Pour les coiffures, on fait appel à nouveau à des perruques. Les coiffures sont à la turque, à l'anglaise, à l'espagnole ou, comme pour les hommes, à la Titus, à la Caracalla. Plus populaires et révolutionnaires, les hauts bonnets flanqués d'une cocarde tricolore et d'un large ruban arrangé à la patriote, à la citoyenne… Quant aux bijoux, ils sont désormais en cuivre ou en acier agrémentés de pierres provenant de la Bastille : les joyaux ont été donnés à l'Assemblée Nationale ! Qui en a profité ?

Mais, surtout, à partir de 1795, la mode anglaise et la qualité des tissus anglais séduisent les aristocrates et les plus aisés. Rose Bertin, restée à Paris, s'en inspire et recueille toujours le même succès. Outre-Manche, le nouveau vêtement est le spencer, créé involontairement par Lord Spencer qui, endormi devant une cheminée, est réveillé brutalement par une odeur de vêtement brulé : les pans de sa redingote ont été consumés, la redingote devenant un vêtement court. Le succès est immédiat à Londres et le spencer franchit aussitôt la Manche ! Les influenceurs et influenceuses français n'ont toutefois pas dit leur dernier mot. Le retour des émigrés d'Angleterre s'accompagne de l'abandon de la tournure et du corps piqué. Autre retour, celui de "l'anticomanie". "Pas une petite maîtresse, pas une grisette qui ne se décore le dimanche d'une robe athénienne de linon et qui ne ramène sur le bras droit des plis pendants, pour se dessiner à l'antique". La robe ne cherche qu'à contourner et à mouler la forme du corps. Les femmes suppriment les jupons et parfois les chemises qui nuisaient aux plis des vêtements. Apparaissent, ainsi, la robe à l'athénienne, la robe à la romaine sans jupon, ni chemise ou beaucoup plus simple, une simple tunique longue de gaze ou de linon. Une fois de plus, les appellations sont multiples, en relation avec les souvenirs archéologiques et mythologiques : robes à l'Omphale, à la Flore, à la Diane ; redingotes à la Galathée ; tuniques à la Minerve, à la Cérès… Ces tenues légères n'ont pas de poches : un sac, le réticule ou la balantine, sert à transporter tous les petits objets indispensables. Les coiffures ne changent guère, sont à la turque, à l'anglaise, à l'espagnole, à la Titus, à la Caracalla (voir plus haut). Mais, encore une fois, à partir de 1795, les perruques reviennent, généralement blondes. Les couvre-chefs sont – relativement - plus simples : capote de soie avec large bande de velours noir, chapeau de velours avec ruban et plume, toque et turban avec aigrettes, chapeau de paille associé au fichu. Les souliers sont des escarpins sans talons, maintenus par des rubans.

 

 

     
                                  Robe en mousseline (1795)                                  Robe longue à plis et écharpe (1797)  

 

 

       
               Robe à la Diane (1796)                              Robe à l'anglaise (1796)                                      Spencer (1795)  

 

Comme pour les hommes, il y a des excentriques, les Merveilleuses portant la robe à la sauvage lancé par Mme Tallien une robe dite à la sauvage fendue des deux côtés, anneaux d'or aux genoux, diamants aux doigts de pieds. Le corsage ouvert en pointe est très court, la jupe froncée très longue, relevée d'un côté, le cou entouré d'une large cravate, et un chapeau à longue visière ; les manches sont très courtes, les gants très longs ; le châle est indispensable.

 

   
                                                                           Merveilleuses et Incroyables  

                                      

Pour les femmes du peuple et de la campagne, le casaquin est un corsage ajusté porté sur la robe ou une robe volante coupée.

 

     
                                                   Casaquin                                                       Dérivé populaire de la circassienne
                                                                                                                            aux rayures tricolores (1792)
 

 

                                                             

   
                                                                                 Au marché (1795)  

        

  

       
      La pourvoyeuse  (1739)                                      Le bénédicité (1740)                                               Maraîchère (1795)  

 

 

Ainsi se termine ces modes du XVIIIe siècle annonçant celle du début du XIXe avec le développement de l'anticomanie, une relative simplicité par rapport à ce que nous a présenté le Siècle des lumières avec ses accessoires vestimentaires sans limites, ses goûts de luxe, ses fantaisies, voire ses invraisemblances. C'est le message interrogatif que nous transmet M. Zamacoïs à propos des paniers :

"On est en droit de se demander ce qui dans ces espèces d'instruments à hanches a bien pu sembler joli… Qu'a-t-on trouvé d'embellissant, ou de sensuellement intéressant, à cette hypertrophie artificielle du bassin, métamorphosant les femmes en espèces de tours ambulantes, enlevant à la forme de leur taille l'attrait naturel, plastique ou galant ? Ce qu'il y a de certain, c'est que cet attrait ne semble pas pouvoir être nié, les jupes en cloche des règnes précédents, lourdes et enflées, procédant déjà de cette étrange esthétique. Il est impossible, à distance, de pénétrer le sens secret des certains engouements vestimentaires. Le but des femmes ayant été de tout temps de plaire aux hommes, on est forcé de conclure que les amants et les maris d'alors devaient prêter des mérites particuliers à ces caparaçonnements…"

 

 

 FIN

 

Bibliographie
G.G. Toudouze, Le Costume Français, Librairie Larousse, 1945
F. Boucher, L'Histoire du costume, Flammarion, 1983
M.Valtat, Le vêtement témoin de l'évolution historique et du mode de vie, édition SITAS
M.Zamacoïs, Le Costume, Voir et Savoir, Ed. Flammarion, 1936
N.Bailleux et B.Remaury, Modes et vêtements, Gallimard, 1995
M. Beaulieu, Le costume moderne et contemporain, Col. "Que sais-je", Presses universitaires de France, 1951
Histoire de France, librairie Larousse, 1986
Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse, Librairie Larousse, 1982
Dictionnaire Encyclopédique Quillet
L'Histoire de la Civilisation, Ameublement, Costume, Vie privée, Librairie Armand Colin, 1926
Encyclopédie par l'image, Histoire du costume, librairie Hachette, 1924