CORDONNIER - BOTTIER
GALOCHIER
OUTILS ANCIENS POUR LA FABRICATION D'UNE CHAUSSURE EN CUIR
MONTAGE DE LA PREMIÈRE À LA SEMELLE
La tige est prête ainsi que la forme. Les pièces en cuir qui vont se rajouter à la tige et la fermer par la base ont été découpées au tranchet ou au chasse-peau suivant les gabarits.
L'artisan est assis sur un petit tabouret, bas, devant son établi, une table basse, sur laquelle il trouve tout le petit matériel nécessaire. La forme est posée sur ses genoux, semelle vers le haut. Le montage peut commencer.
Affichage de la première
La première est aussi appelée semelle de montage. C'est sur elle que vont venir se fixer tous les éléments de la chaussure. Il faut donc qu'elle soit solide, mais, aussi, souple. Elle doit être grattée légèrement, côté pied, pour absorber la sueur.
Le cordonnier prend le morceau de cuir humide et de dimensions légèrement supérieures à celles de la forme. Il la plaque sur la forme, la bloque avec un tire-pied, courroie fermée ou "ceinture" de longueur variable qui passe sur la première et sous son propre pied (on retrouve le même principe chez le tailleur de lime). A l'aide du marteau à clouer, il fixe la première à environ deux centimètres des deux extrémités à l'aide de pointes fines, enfoncées à moitié et retournées vers l'extérieur. Il fait de même pour fixer les bords intérieurs et extérieurs de la semelle.
Il laisse sécher le cuir qui va se rétracter légèrement, mais aussi garder le galbe qui lui est imposé.
Marteaux à clouer Loire BOST (marteau de gauche) Fer L 10 diam. pannes 3 manches 24 et 30 |
Les clous (semences, rivets…) sont rangés dans un casier en bois ou en fonte (marguerite), sur l'établi.
Casier à clous ou semences |
Brochage
Le brochage consiste à éliminer le cuir de la première qui déborde de la forme. Il se fait en deux temps : élimination grossière à grands traits de tranchet, puis découpage fin et continu, le pouce s'appuyant sur la forme et servant de guide. Le tranchet, tenu en pleine main, est à peu près perpendiculaire à la surface.
Tranchet |
Le tranchet va également permettre de régulariser la surface de la première, par un passage à plat.
Gravurage
Le gravurage consiste à creuser, à l'aide d'un tranchet, deux petites rigoles parallèles sur le pourtour de la première, faisant apparaître un "mur" qui permet de coudre la tige et la trépointe. Le tracé à suivre est marqué à l'aide d'un compas à pointes sèches ou d'une rainette. Le tranchet est tenu obliquement par rapport à la surface. Le relève-gravure permet, ensuite, d'écarter les lèvres de l'incision.
Le gravurage concerne la partie avant et la cambrure de la chaussure. Il est réalisé plus loin du bord au niveau de la cambrure.
Pour l'emboîtage (talon), on ne réalise pas de gravurage. La fixation de la tige se fait par faufilage et ne nécessite que la réalisation d'une série d'avant-trous dans la première, dans le prolongement de la gravure de la cambrure, avec une alêne plus courbe.
Compas à secteur |
Relève gravure |
Relève-gravure |
Pour préparer la couture, le cordonnier réalise, ensuite, des trous dans le "mur" à l'aide d'une alêne courbe. L'espace entre chaque trou doit être identique et réalisé de l'extérieur vers l'intérieur. A l'approche de la courbure du bout, l'alêne doit être présentée en biais devant le mur pour que les trous ne soient pas trop prêts les uns des autres à l'intérieur.
Etui d'alênes |
Alênes courbes |
|
Alênes automatiques (la réserve de fil est dans le manche) |
Montage sur la forme
Bout dur à l'avant
Le cordonnier est à nouveau assis sur son tabouret. La forme est sur ses genoux, maintenue par le tire-pied. En premier lieu, la tige, avec sa doublure, est montée sur la forme. Le bout dur réalisé à partir du gabarit est encollé et placé entre la doublure et la tige. Il est fixé, sur la partie supérieure, à l'aide de 3 pointes, puis tiré vers l'avant de façon symétrique. Il doit suivre exactement les contours de la forme. L'ensemble est retourné. Le cuir qui dépasse est alors retourné sur la première, fixé par 2 pointes. Avec la pince à tendre, on tire, par petits coups, le cuir sur la forme : la partie marteau de la pince fait levier sur la première. Le cuir est fixé par une pointe, enfoncée avec la partie marteau de la même pince, et, ainsi, de suite.
Pince à tendre ou à monter Loire L 23 mâchoire 1,5 |
La bordure est alors régularisée au tranchet, le long du bord intérieur de la gravure.
Les pointes sont, ensuite, couchées à l'aide du marteau. Avec celui-ci, on réalise un battage qui va durcir le cuir et l'obliger à prendre définitivement les contours de la forme. Enfin, les aspérités restantes du cuir sont éliminées par un râpage léger.
Râpe (plate d'un côté, bombée de l'autre ; sur un même côté : à petits et gros grains) Loire L'AVENIR C L 21 l 2,1 |
Les ailettes, doublures de cuir au niveau des flancs, sont rabattues sur le bout dur, parées pour éviter des surépaisseurs et collées.
Lorsque le cuir a pris la forme souhaitée, on enlève les clous, soit avec une tenaille, soit avec un arrache-clou.
Arrache-clou Tenailles |
Contrefort à l'arrière
Réalisé à l'aide d'un gabarit, paré dans son pourtour et cranté à la base, il est collé. Il empêche, à terme, que l'emboîtage de la tige ne s'effondre : il doit donc être rigide, sans gêner la marche.
Il est fixé sur la première en utilisant la pince à tendre et le marteau à clouer. Pour l'aplanir et le durcir, il doit subir un battage soigneux.
Tige
La mise en place de la tige sur la forme nécessite la pince à tendre et le marteau à clouer. Pour que le cuir suive parfaitement les contours de la forme, on le martèle avec un marteau dit "Louis XV". Au niveau de la cambrure, le rapprochement des deux flancs est réalisé à l'aide d'une pince double, le chien de cordonnier : les bords externe et interne de la tige sont insérés dans les pinces qui sont rapprochées, grâce à la vis sans fin, en tournant la manivelle.
Marteau dit "Louis XV" |
Chiens à monter |
Couture
Vient le moment de réunir la première à la tige, à l'aide de la trépointe, une bande de cuir souple et solide, d'environ 1,5 cm. On utilise la même alêne courbe qui a permis de faire les avant-trous dans le mur de montage de la première. Le fil, mi-chanvre, mi-lin, est torsadé autour d'une soie qui va servir d'aiguille. Plus souple que l'aiguille métallique, elle suit les courbures des trous de l'alêne.
La trépointe est redressée à l'aide d'un mâchinoir ( = astic ? Les descriptions de cet outil sont variables : peigne ou pièce en os allongée, aplatie à ses deux extrémités).
Boîte à fil |
Cambrionnage et remplissage
Tige et première sont réunies : la première devient concave à l'avant et au niveau de la cambrure. Avant de fixer la semelle, il faut combler cette concavité, à l'avant, le rempli, avec une matière souple comme du feutre goudronné, et au niveau de la cambrure, le cambrion, avec une matière rigide, comme le croupon (sur certaines formes, on voit également du liège). Rempli et cambrion sont collés sur la première, le cambrion débordant sur le rempli. Après séchage, on procède à un égalisage à la râpe.
Affichage, brochage, et gravurage de la semelle
La semelle est enduite de colle, puis humidifiée. Après séchage, plaquée à l'aide du tire-pied sur la première, le rempli, le cambrion et l'emboîtage, elle est galbée avec un marteau à battre.
Marteaux à battre |
Le brochage est effectué au tranchet : il prend une grande part dans le style de la chaussure.
Le gravurage permet de réaliser un sillon dans lequel viendra se loger la couture qui réunit la trépointe et la semelle. Elle est réalisée à l'aide de la pointe d'un tranchet tenu comme un crayon. Le cuir incisé est relevé avec un relève-gravure (voir plus haut). La gravure est approfondie avec une rainette-gouge (cet outil appartient à la panoplie du tonnelier. Il est détourné de son utilisation première par le cordonnier).
Rainette |
Rainettes |
Couture de la semelle
L'espace entre les points de couture ainsi que la taille de ces points peuvent jouer sur la solidité de la chaussure. Il faut donc définir le nombre de points suivant l'épaisseur de la semelle.
La régularité de ces points est obtenue avec une griffe ou roulette marque-point passée sur la trépointe.
Roulettes marque-point 1 14 2 MOREAU 18 |
Les chiffres indiqués sur ces griffes indiquent le nombre de points sur 25 mm.
On utilise, là encore, l'alêne pour les avant-trous et la soie pour tirer le fil de lin, poissé ou ciré. Le cuir doit être presque sec. La couture de la semelle est faite de talon à talon : l'emboîtage n'est, donc, pas fixé par ce moyen.
La gravure est, ensuite, collée : le bord extérieur du sillon est passé à la râpe ; la colle est placée dans la gravure. Après séchage, on humidifie légèrement la base extérieure de la gravure que l'on referme avec le marteau. Le fer de celui-ci est pris à pleine main (et non par le manche) et la panne vient rabattre la lèvre de la gravure, par frottement.
Pour obtenir une arête vive, on passe, sur le bord de la semelle, le bisègle ou bisaigüe en buis.
Bisègle ou bisaigüe |
Clouage de l'emboîtage et lissage de la semelle
L'emboîtage est fixé par clouage de rivets en fonte dont les pointes sont faciles à casser si elles dépassent dans la chaussure.
La semelle est maintenant complètement liée à la tige, par couture ou clouage. Il faut la dresser à l'aide d'un marteau à battre, puis la lisser à l'astic ou au lissoir qui est passé sur toute la surface de la semelle jusqu'à ce qu'elle devienne brillante et sans irrégularités.
Astic en buis |
Lissoir ou barre à déformer |
Lissoir ou barre à déformer |
A suivre…
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE CORDONNIER - GALOCHIER 3