MARÉCHAL-FERRANT
VÉTÉRINAIRE
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INSTRUMENTS DU FERRAGE
Le dossier du cordonnier a été très difficile à réaliser : comment fabriquer une chaussure quand on n'a tenu dans sa main aucun outil de cordonnier – pour s'en servir -, ne serait-ce qu'un tranchet.
Ce dossier sur le ferrage des chevaux, ou des bœufs, nous semble encore plus compliqué tant les formes de fer et les détails du ferrage sont nombreux. M. de Garsault ne nous contredit pas :
Que les professionnels nous pardonnent, donc, de nos insuffisances. Et si certains nous font l'honneur de nous lire, qu'ils n'hésitent pas à nous corriger par le biais de notre adresse e-mail Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.. Nous nous ferons un plaisir de transmettre leurs remarques dans l'article lui-même, par un "copier-coller".
"Lorsque le cheval vit en liberté dans les pâturages, le sabot ne s'use que dans la proportion de sa croissance [qui est continue] et le pied se maintient dans ses conditions naturelles ; mais, lorsque l'animal travaille, l'usure de la corne est exagérée ; alors les tissus vivants ne tarderaient pas à être mis à nu et la marche deviendrait impossible, si l'on ne protégeait la surface plantaire par la ferrure."*
Pour protéger au mieux sa monture, il convient de changer les fers tous les mois.
Un petit rappel sur l'anatomie du pied* et les différentes parties du fer* nous permettra, peut-être, de mieux nous faire comprendre.
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* d'après le Manuel d'hippologie du Ministère de la Guerre (1914).
Comme on peut le voir sur ces dessins, les fers de devant sont sensiblement ronds alors que ceux de derrière sont ovales.
Il est temps, maintenant, de se pencher sur le pied du cheval. Le maréchal-ferrant doit enlever le fer usé. Pour extraire les clous, il faut les détordre, les détacher de la paroi du sabot. Il utilise, pour cela, un repoussoir frappé, éventuellement, avec un marteau dit mailloche ou la partie plane de l'une des branches des tricoises. Cette pince servira, ensuite, à arracher les clous ainsi dégagés.
Repoussoir (selon M. de Guersault) ou Rogne-pied avec pointe à curer |
La partie plate de cet instrument permet d'agir sur les clous et, lorsque ceux-ci ont été enlevés, à détacher le fer de la corne. La partie pointue sert au cours du ferrage.
Marteau mailloche Pyrénées orientales Fer 5,5 x 3,5 x 3 manche 27 |
Les tricoises sont des tenailles à 3 fonctions (tri-) : détordre et arracher les vieux clous, appliquer le fer chaud sur la corne et incruster les nouvelles pointes dans la corne. L'extrémité des branches peut varier : droites et pointues, plates et coudées, en olive…
Tricoises à branches effilées |
Grâce aux extrémités des branches, le maréchal-ferrant peut maintenir le fer chaud sur la corne du sabot et en vérifier, ainsi, la conformité.
Tricoises à branches plates et coudées Loire L 28 mors 3 |
Ces tricoises possèdent à l'extrémité de ses deux branches les éléments du repoussoir : deux outils en un.
Tricoises (?) XVIIIe - XIXe siècle |
Nous avons déjà présenté ces tenailles dans le dossier du serrurier. Serrurier ou maréchal-ferrant ? Nous les avons achetées chez un marchand professionnel qui les a étiquetées comme tricoises de maréchal-ferrant. Nous avons vu un modèle quasiment identique dans le tome 1 du Glossaire du collectionneur d'outils de R.Verdier, page 206, métier de maréchal-ferrant et dans le tome 2, page 28, métier de serrurier, avec la mention "Cet outil est utilisé par divers métiers".
L'animal est déferré. Il faut, maintenant, forger le fer d'après des mesures du pied à l'aide d'une paille (!), l'aspect du fer usé, d'éventuelles malformations. Nous utilisons, encore une fois, le savoir de M. de Garsault pour décrire le processus de fabrication.
Enclume, tenailles, marteau à devant, tranche, étampe : nous avons vu tous ces outils dans le chapitre 1 : les outils de la forge, du maréchal grossier. Un autre marteau intervient ici de façon spécifique pour la mise en forme du fer : le ferretier.
Ferretier |
Ferretier |
Dans sa Grande Encyclopédie, Diderot distingue deux "fertiers" : le premier, à tête plate pour forger le fer, le deuxième, à tête arrondie, pour l'ajuster.
Le temps est venu de mettre en place les nouveaux fers. Le maréchal-ferrant va soit être aidé par un palefrenier (méthode à la française), soit mettre la bête dans un travail (méthode à la flamande, utilisée surtout pour les bovidés), soit travailler seul (méthode à l'anglaise). Il s'entoure d'un certain nombre d'instruments qui vont lui permettre d'agir rapidement.
Diderot et d'Alembert et de Garsault décrivent un tablier-ceinture comportant deux grandes poches, elles-mêmes compartimentées par plusieurs séparations où chaque instrument a sa place. Ce tablier, très court, a été remplacé par un tablier en cuir, très long, protégeant mieux le maréchal, mais sans poche. Pour installer tout le matériel nécessaire, il dispose, près du cheval, d'une servante, petite table avec poignée centrale où sont disposés dans des cases des clous de différentes tailles.
Servante |
Il dispose, également, d'un trépied sur lequel vient se poser le pied avant du cheval "pour les finitions".
Trépied |
Sur la servante, il place le boutoir, le brochoir, les tricoises, le repoussoir, le rogne-pied, la râpe. Nous allons voir chacun de ces instruments au fur et à mesure de leur utilisation.
Il va, d'abord, parer le pied : "…le Maréchal après avoir nettoyé la boue ou la fiente qui serait dans le pied, coupe en poussant avec son boutoir, ce qu'il faut de la corne & de la fourchette, pour ensuite, asseoir le fer ; c'est ce qui s'appelle parer le pied."
Pour nettoyer la boue, enlever les cailloux et toutes les saletés qui ont pu rentrer dans la sole, le maréchal utilise un cure-pied.
Cure-pied |
Cure-pied tout métal Cure-pied tout métal |
Pour nettoyer des plaies infectées plus profondes, il peut utiliser une rainette.
Rainette |
Pour parer le pied, il utilise, donc, le boutoir. Cet instrument, dangereux pour le cheval et, surtout le palefrenier, sera interdit au profit du rogne-pied : "… est fait comme un couteau de chaleur & sert à couper la corne". Ce peut être une lame d'une trentaine de centimètres ou un instrument semblable au repoussoir présenté au début de ce document. Cette lame est frappée sur le dessus avec la mailloche ou le brochoir.
Boutoir |
Boutoir |
Boutoir |
Boutoir |
Boutoir |
Boutoir |
"Quand le pied est bien paré, & qu'ayant présenté le fer dessus, il voit qu'il porte où il faut ; il brochera deux clous un de chaque côté ; puis il fera poser le pied à terre pour voir si le fer est bien en sa place : ensuite, …le Maréchal continue à brocher tous les autres clous, il les fait entrer d'abord à petits coups, les soutenant droits de l'autre main, ayant précédemment graissé la pointe avec du suif ; puis quand il sent que la corne est percée, il achève de les faire entrer hardiment : l'affilure ou la pointe paraît alors en dehors à chaque clou qu'il pose ; quand il est tout-à-fait broché, il donne un coupe de brochoir à l'affilure, afin de faire baisser cette portion de clou le long de la corne, la pointe en bas ; quand tous les clous sont posés, il rompt avec les tricoises chaque pointe de clou ,qui excede la corne."
Pour brocher, il faut des clous et un brochoir.
Pour ce qui est des clous, "ils doivent être longs et déliés de lame, avec une tête épaisse. Ceux de Limoges, excelloient autrefois ; mais à présent, c'est ceux du Berry."
Clous |
Le brochoir est un petit marteau dont la panne est en forme d'arrache-clou.
Brochoir |
Brochoir |
Brochoir (tout métal) |
Brochoir |
Brochoir Loire Fer L 7,5 manche 28 |
Brochoir |
Brochoir |
Brochoir Loire Fer L 7 manche 32 |
Brochoir |
Pour terminer sur les brochoirs, voici deux autres petits marteaux sans arrache-clou. L'un des deux comporte comme le précédent un arrêt en cuir en bout de manche. Alors …?
Brochoir ? |
Brochoir peu probable (? : tête très longue) |
Le Maréchal "coupe avec le taillant du rogne-pied à petits coups du brochoir toute la corne, qui excede le fer tout autour, ainsi que la corne éclatée par les clous à l'endroit où ils sortent ; il rive les clous, en opposant à leur tête, les tricoises pendant qu'il frappe sur ce qui paroît quand la pointe du clou a été rompue, ce qui l'applatit en l'élargissant & maintient le clou en la place : il est utile d'ôter avec le rogne-pied un peu de la corne tout autour de chaque clou ; c'est une précaution qui fait qu'on enfonce davantage les rivets, au moyen de quoi il ne scauroient blesser le cheval…; quand tout ceci est fait, le Palefrenier met le pied à terre [sur le trépied] ; alors le Maréchal prend la rappe, avec laquelle il unit tout le tour du pied près du fer, & en donne un coup sur les rivets."
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Râpe |
Ainsi se termine la description du ferrage par M. de Guersault. Le chapitre n'en est pas pour autant terminé. Notre ci-devant Capitaine en Survivance du Haras du Roi décrit quelques maximes générales : 8, au total, alors que M. de Soleyssel n'en donnait que 4 :
- faire des fers légers pour ne pas fatiguer le cheval ;
- employer de clous les plus déliés (minces) de lame pour ne pas faire un trou trop gros et risquer de faire éclater la corne ;
- ne pas appliquer le fer rouge trop chaud sur le pied pour ne pas dessécher la corne et la rendre cassante ;
- ne pas poser le fer sur la sole, mais sur la corne ;
- ne pas ouvrir le talon avec le boutoir ;
- pince devant, talon derrière : c'est là qu'il faut brocher car la corne y est plus épaisse ;
- "Madame ne doit pas commander à Monsieur" : comme le quartier d'en dedans est plus faible de corne que celui de dehors, les clous n'y doivent pas être brochés si haut.
- ne pas brocher en musique, c'est-à-dire un clou haut, l'autre bas, le troisième haut …
Suivent, ensuite, les défauts des pieds (sabot, sole, fourchette ou talon) et la façon de ferrer les chevaux ainsi atteints. La liste est très longue. Il n'est pas question d'en faire un résumé. Une copie des pages serait la meilleure solution pour une bonne compréhension de la technique utilisée dans chaque cas.
Un dernier instrument peut couper la corne des bovidés, tant au niveau des sabots que de la tête : c'est le coupe-corne utilisé pour éviter que la bête ne se blesse, ou blesse ses maîtres ou congénères. Il ne figure pas dans nos documents du XVIIIe siècle : a priori, il n'apparaît qu'au XIXe siècle.
Coupe-corne |
Pour terminer ce chapitre, nous vous présentons quelques fers dont nous disposons en espérant ne pas commettre d'erreur sur la raison d'être de chacun.
Pour commencer, ce fer hors normes, sans doute publicitaire : 23 x 22, avec deux crampons :
Le suivant est aussi très grand : 24 x 21, mais a été utilisé. Il est pourvu d'un pinçon qui permet de fixer plus solidement le fer. Le nombre de contreperçures est largement supérieur à 8.
Plus petit : 12,5 x 10, ce fer est pourvu de deux crampons au niveau des éponges, de 7 (?) étampures carrées et de deux trous ronds filetés permettant de visser des crampons.
Fer normal 13 x 13 Fer normal 13 x 12,5 (origine arabe) |
Fer de mulet 15 x 9,7 Fer de mulet 16,5 x 9 |
Fer antidérapant : 17 x 12, avec 3 pinçons et 6 trous ronds filetés pour les crampons |
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Fer antidérapant avec corde et emplacement pour les crampons, d'origine allemande : 16 x 13,5 |
Des plaques en caoutchouc antidérapantes, au contact de la sole, ont également été utilisées.
Plaques antidérapantes Loire 1 11 x 11 2 13,5 x 12 PNEUMATIQUE ODEON 3 11 x 11 PNEUMATIC VERITABLE 1A |
Fer à planche, à 1 pinçon : 13,5 x 13 Fer à planche : 14 x 12,5 |
Les fers à planche évitent à la sole de s'ouvrir.
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Fer orthopédique 18 x 13,5 Fer orthopédique 16,5 x 15 |
Et, enfin, deux fers de bovidés :
Fers de bovidés : 11,5 x 6 |
Nous reviendrons, peut-être, sur ce dossier pour donner à nouveau la parole à M. de Garsault à propos du ferrage des pieds anormaux.
Dans le dernier chapitre consacré au métier de maréchal-ferrant, nous présentons les instruments consacrés à divers soins : saignée, lavement, traitement des plaies, castration…
A suivre …
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE MARECHAL-FERRANT VETERINAIRE 4