TONNELIERS & BOISSELIERS
MERRANDIERS, DOLEURS, CERCLIERS…
5
FINITIONS et CERCLAGE
Avant de placer définitivement les fonds, le tonnelier doit régulariser les surfaces intérieures du tonneau. L'extérieur peut être réalisé ultérieurement. Ce travail a pour but premier d'uniformiser et de parfaire la jonction entre les douves. Le premier outil utilisé pour cela est la plane à taillant courbe. Nous avons présenté quelques modèles dans le chapitre 2, utilisés pour travailler la douelle en épaisseur, en largeur.... En voici deux autres, peu différentes.
Plane Vaucluse FAVAT A AVIGNON L 40 tail. 12 |
Plane |
Un autre type de plane est utilisé à l'intérieur du tonneau, la plane à genou. L'origine de cette appellation reste mystérieuse en relation avec la position du tonnelier lorsqu'il s'en sert ou avec la forme arrondie du fer qui peut évoquer un genou !
Plane à genou |
Plane à genou |
Pour les récipients de petite taille, le tonnelier ou, surtout, le boisselier utilise une plane à queue : le taillant est en boucle. On rencontre chez le sabotier un outil semblable, au moins dans sa conception, si ce n'est dans sa forme (boutoir à taillant triangulaire, avec une seule poignée, chapitre 2 du sabotier).
Les curettes permettent d'intervenir dans les parties que ne pourraient atteindre les planes. Leurs taillants sont en forme de gouge, de taille très variable.
Curette-gouge |
Affleuroir, à deux taillants |
Curette-gouge |
Curette à gouge démontable |
Pour le travail des surfaces extérieures, le tonnelier dispose, outre de planes à taillant arrondi, de racloirs ou grattoirs aux formes multiples.
Les racloirs les plus simples sont constitués d'une lame d'acier soit forcée dans un manche en bois : c'est le guistre ; soit maintenue entre deux planchettes de bois terminées en poignées cylindriques et associées fermement entre elles par des vis : c'est le racloir, à lame droite ou concave, retrouvé dans plusieurs métiers du bois et dont la forme évoque le wastringue.
Guistre ou grattoir bordelais Var Poignée 6 x 9 fer 6,5 x 12,5 |
Racloir |
Racloir |
Le grattoir triangulaire est retrouvé chez le peintre-plâtrier et le jardinier.
Grattoir triangulaire |
Les surfaces intérieures et extérieures sont parfaites. Les fonds sont mis en place définitivement. Pour maintenir au mieux les douelles entre elles, le tonnelier va utiliser des cercles métalliques pour les grandes pièces, des cerceaux pour les plus petites.
Chaque moitié de cercle est positionnée sur les douelles. Pour les cercles ou cerceaux de jable, avec le crochet de la tiretoire (ou traitoir ou tire ou chien, ou encore tire à barrer, serre !), il va faire descendre la deuxième moitié de l'autre côté. Le cercle est, alors, à peu près à l'horizontale.
Tiretoire ou tire ou traitoir ou chien |
Tiretoires ou tire ou traitoirs ou chiens 1 Pyrénées orientales L 45 2 Puy-de-Dôme L 50 3 Pyrénées orientales L 45 4 Pyrénées orientales L 50 5 Pyrénées orientales L 49 EG CRETTE |
Pour forcer les cercles, le tonnelier va utiliser une chasse frappée avec un maillet. La chasse ou chassoir est, le plus souvent, une sorte de coin, renforcé par des cercles de fer et terminés à l'une des extrémités par une gorge transversale. Celle-ci vient se caler sur le chant du cercle. Bien sûr, il y a des exceptions…
Maillet cerclé |
Maillet |
Maillet |
Chasse, modèle Bourgogne |
Chasse, modèle Nîmes |
Chasse, modèle Nîmes |
Chasse, modèle Nîmes |
Chasse |
Pour finir cette petite série, voici un modèle très différent ressemblant à un marteau. Une extrémité porte la gorge, l'autre est frappée. Le tout est maintenu par un manche s'insérant au milieu du fer. Remarquer le travail du fer.
|
Chasse, modèle à œil |
Ces chasses sont utilisées pour des cercles métalliques. En observant des gravures sur le métier de tonnelier, il semble que, jusqu'au début du XXe siècle, les cercles sont en acier pour l'assemblage des douelles, le montage des fonds. Pour la finition, ces cercles métalliques sont remplacés, en tout ou partie, par des cercles de bois fabriqués par le cerclier. Les essences utilisées sont le chêne, le châtaignier, le noyer, l'orme, le frêne…D'autres bois, comme le bouleau, le saule, le peuplier peuvent avoir la même fonction, mais ils pourrissent plus rapidement. Ces cercles sont vendus en rouelle, meule ou botte : ces appellations correspondent à un nombre déterminé de cercles. Leur longueur varie de 6 à 12 m. Le nombre de cercles peut aller jusqu'à 24. Certains d'entre eux sont mêmes doublés, liés entre eux par des brins d'osier. C'est le cas des cercles de jable (aux extrémités du tonneau) : le tonnelier met en place deux cercles doubles, les sommiers. Leur épaisseur fait que c'est sûr eux que porte le tonneau quand on le fait rouler. Ils protègent, ainsi, les douelles au niveau du jable.
La mise en place de ces cercles nécessite un savoir-faire qui ne saurait être décrit avec suffisamment de précisions. Nous vous incitons à lire l'Art du Tonnelier, un ouvrage très détaillé, dont nous vous donnerons les coordonnées à la fin de ce dossier.
Pour simplifier, le tonnelier va prendre une fine branche préparée par le cerclier, la placer autour du tonneau. Il coupe l'excès de longueur, l'une des extrémités recouvrant l'autre sur quelques centimètres. Avec un cochoir, il réalise des entailles. Il enlève le bois entres les deux entailles, créant ainsi une coche et positionne les deux entailles l'une sur l'autre. A cet endroit, il lie les deux extrémités avec un brin dit d'osier, en réalité de saule, dont on a enlevé le bois. Ce brin provient de la division en 3 ou 4 à l'aide d'un fendoir (voir le vannier) suivant le sens des fibres du bois. Deux autres ligatures sont réalisées sur l'ensemble du cercle. Le cercle est alors fini, aux dimensions voulues. Le tonnelier le force, comme un cercle métallique, avec un tiretoire, puis une chasse et un maillet.
La chasse est, ici, entièrement en bois.
Chasse pour cercle en bois |
Cochoir, façon Mâcon, non coudé Loire tail. 20 - 7 manche 21 |
Cochoir, façon Mâcon coudé à droite |
Cochoir, façon Paris |
Cochoir, façon Nantes |
Cochoir, façon Nantes |
Cochoir, façon Mâcon |
Cochoir, façon Mâcon Loire ( ) BAILLE tail. 20 - 5 manche 13 |
Dans certaines régions, ou suivant l'habitude de l'artisan, le cochoir peut être remplacé par un hachereau pour réaliser ces entailles. Il s'agit d'une petite doloire munie d'un manche très court terminé habituellement en double biseau. Cet outil a plusieurs fonctions possibles : réaliser les entailles, forcer les cercles soit avec la partie marteau, soit avec le manche, faire des encoches dans les douelles pour empêcher le déplacement latéral des cercles.
|
Hachereau |
Hachereau |
Hachereau |
Hachereau Indre-et-Loire PASSELANDE CHAPELLE - ? 57 Fer L 16,5 tail. 13,5 manche L tot. 21 |
Nous avons parlé plus haut de brins d'osier qui servent à réunir les deux extrémités d'un cercle ou à unir deux cercles. Ces brins sont constitués de jeunes branches de saules, divisées en trois ou quatre dans le sens longitudinal, dont le bois est éliminé à l'aide d'un rabot à poignée, aussi appelé racle à osier, wastringue à osier, racle-vime (vime est un autre nom du saule dans certaines régions de France), rachevine. Cet outil est utilisé par le cerclier et le tonnelier, parfois par le vannier.
Racle à osier |
Le tonneau peut être enfin livré à son propriétaire. En principe, il doit être rempli d'eau pendant quelques semaines pour faire gonfler le bois et donc parfaire la jonction entre les douelles, faute de quoi, il peut y avoir des fuites. Le tonnelier va donc intervenir après six mois de contact avec l'eau d'abord, le précieux liquide ensuite (eau, vin, huile, saumure…) qui ont fait gonfler les fonds. Sans son intervention, les cercles puis les douelles les plus fragiles peuvent se casser. Il a deux solutions : soit retoucher les planches des fonds après avoir enlevé les cercles de jable, soit placer une planche sur le fond, perpendiculairement aux planches qui le constituent. Cette dernière technique s'appelle aussi barrer les fonds. Elle consiste à prendre une planche dont la longueur égale le diamètre du fond. Elle est dressée avec la doloire et la plane, taillée en biseaux à ses deux extrémités. Le tonnelier va, ensuite, percer des trous dans les douelles à, environ, 5 cm du fond (épaisseur de la planche). Il utilise pour cela une tarière très longue, à mèche étroite, le barroir ou vrille à barrer. Il se place d'un côté du tonneau et perce les trous dans les douelles diamétralement opposées : cela explique la longueur du manche. Il opère de même dans les douelles symétriques. Il introduit dans les trous des longues chevilles de bois. Il insère la planche d'un côté sous ces chevilles. Pour plaquer la planche sur le fond à l'extrémité opposée, il utilise le tiretoir. Il place les chevilles de cet autre côté pour fixer définitivement la planche. Le nombre de chevilles est, en général, de 8. En Bourgogne, le tonnelier met des chevilles plus longues, sur toute la circonférence du fond.
|
Barroir ou vrille à barrer |
Dans ce "service après-vente", le tonnelier peut refaire les cercles, les fonds, les douelles, les extrémités des douelles particulièrement fragiles au niveau du jable. Il peut également boucher les espaces entre les douelles ou les traversins lorsque la jonction n'est plus parfaite et laisse sourdre le liquide conservé. Pour cela, il se sert de toile effilée qu'il bourre avec un étanchoir.
Étanchoir |
Étanchoir (dans une ancienne lime) |
Finitions et cerclage sont maintenant terminés. Restent à faire la bonde et à identifier le tonneau. C'est ce que nous verrons dans le chapitre suivant.
A suivre…
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE TONNELIER – BOISSELIER … 5