CHARRON - CARROSSIER
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MOYEU, RAIS, JANTES : ASSEMBLAGE
OUTILS DIVERS
Les différents éléments en bois de la roue ont été préparés. Il ne reste qu'à réaliser les mortaises dans les jantes. Pour les positionner avec précision, il faut d'abord enfoncer les pattes (tenons) des rais dans les mortaises du moyeu.
Auparavant, le charron équipe le moyeu de frettes pour éviter que le bois n'éclate au moment de l'assemblage : elles sont posées à chaud (donc légèrement dilatées) ; le bois est aspergé d'eau froide immédiatement après la mise en place.
Lot de frettes (en l'état !) Loire |
Le fer utilisé est beaucoup plus épais que celui des cercles de tonnelier. Mais la réalisation de ces frettes nécessite une enclume à corne conique ou une bigorne.
Le moyeu est ensuite humidifié dans de l'eau chaude afin d'assouplir le bois et faciliter la mise en place des pattes (tenons) des rais.
La taille de ces tenons est légèrement supérieure à celle des mortaises du moyeu. Pour en faciliter la pénétration, ils doivent être chanfreinés à leur extrémité. Ils sont enfoncés, à moitié, à la masse (déjà présentée chez le forgeron). Cette phase d'assemblage s'appelle l'enrayage.
Lorsque tous les rais sont en place, le charron va en modifier l'inclinaison par rapport au plan perpendiculaire à l'axe du moyeu, donnant ainsi à la future roue un aspect en creux. Cette inclinaison est appelé angle d'écuanteur. Il intervient dans la solidité de la roue et dans le roulage : en arrivant vers le sol, les rais porteurs sont verticaux. Pour réaliser cet angle, le charron utilise une plumette, règle en bois, centrée sur le moyeu, percée de trous à son autre extrémité. Dans l'un d'eux, suivant la taille de la roue, le charron introduit une tige métallique de longueur définie (autrefois, une plume d'oie). Il relève, ensuite, les rais qui viennent effleurer la tige métallique. Les pattes sont, alors, complètement enfoncées : les rais ont leur position définitive.
A l'aide d'un compas à verge centré sur le moyeu, le charron vérifie la longueur de tous les rais, les rectifiant éventuellement à la scie.
Compas à verge |
L'épaisseur des rais est contrôlée à l'aide d'un trusquin.
La roue en formation est placée horizontalement sur un établi. Les jantes sont placées sur les rais : l'emplacement des mortaises à creuser est marqué au crayon. Comme on l'a vu, les tenons ou broches sont cylindriques. Les mortaises sont donc réalisées avec un vilebrequin et une mèche hélicoïdale.
Les jantes sont fermement unies, deux par deux, grâce à des goujons ou tourillons. Avec un marteau à devant, leurs mortaises sont enfoncées dans les broches des rais.
Moyeu, rais, jantes sont maintenant en place. Afin de consolider l'ensemble qui va être soumis aux chocs sur les chemins de terre et de pierres, le charron va procéder à l'ambattage, c'est-à-dire au cerclage de la roue avec une bande de fer.
Plusieurs procédés sont possibles. Le premier consiste à utiliser des bandages de fer en nombre égal à celui des jantes. Percés de trous par lesquels vont passer les rivets de cercle, ils recouvrent les joints entre les jantes. Le charron va donc poser ce bandage, marquer l'emplacement des rivets sur l'extérieur de la jante, amorcer les trous sur la jante à l'aide d'une petite tarière, puis clouer le bandage sur la jante à l'aide d'un marteau à devant ou d'une chasse. La tête du rivet doit rentrer entièrement dans l'épaisseur du bandage pour ne pas créer d'obstacle au roulage. Pour éviter que le rivet ne sorte, le charron peut réaliser des petites encoches obliques, au ciseau, sur la pointe.
L'autre procédé consiste à entourer la roue d'un seul cercle métallique. Il faut d'abord mesurer la longueur de la circonférence. Là encore, deux techniques sont possibles. La première utilise un calibre de charron : c'est un disque emmanché que l'artisan fait tourner sur la jante. Il en déduit un nombre de tours qu'il reporte sur le bandage.
Calibre Calibre |
Calibre Calibre |
Autre procédé : le charron met une marque sur la jante, fait tourner la roue sur le bandage posé au sol jusqu'à ce que la marque retrouve sa position initiale.
Dans les deux cas, il chauffe l'extrémité du bandage dans la forge, coupe en biseau à la longueur voulue avec une tranche à chaud (voir "Forgeron"). Il chauffe l'autre extrémité et crée un biseau de façon à ce que les deux extrémités puissent être réunies sans surépaisseur. Pour arrondir le bandage, il utilisait son enclume et son marteau, jusqu'à la création de la cintreuse.
Les deux extrémités sont rivetées pour donner un cercle fermé. La roue est placée horizontalement. Le cercle est chauffé au rouge : la dilatation du fer obtenue par la chaleur est d'environ 1 centimètre par mètre. Avec ses apprentis et de bonnes tenailles, le charron apporte ce cercle sur la roue, le positionne à hauteur de la jante et le refroidit immédiatement avec de l'eau. Cela a deux effets : d'une part, cela empêche le bois de brûler, d'autre part le métal se rétracte et vient enserrer la jante.
Il ne reste qu'à relier fermement le cercle à la jante à l'aide de vis fraisées, à tête plate. Les trous dans le bandage sont réalisés avec des mèches à fraiser.
Mèches à fraiser |
Boulons |
Ces boulons ont remplacé les rivets de cercle évoqués plus haut.
La roue est maintenant entièrement prête à servir. En réalité, le charron n'a pas fini. Il doit introduire dans le moyeu la boîte ou le boîtier en cuivre, en bronze ou en fonte de fer, réaliser l'essieu en bois ou en fer, terminé par la fusée qui va venir s'encastrer dans le boîtier. De nombreuses pièces sont encore à fabriquer : limon, timon et bien d'autres qui constituent le train. Lebrun, dans son manuel, en évoque plus d'une vingtaine. Cela est hors de notre propos. Les outils utilisés pour ces différentes pièces sont, sans doute, les mêmes que ceux que nous avons évoqués précédemment. Si un charron souhaite nous en dire plus, nous nous ferons un plaisir d'intégrer, ici, l'expression de son savoir-faire.
Nous avons parlé de l'angle d'écuanteur. Il faudrait parler, également, de l'angle de carrossage, angle que fait la roue par rapport à la verticale et qui a deux objectifs : il permet d'une part d'obtenir une meilleure résistance de l'essieu face au poids de la caisse et du chargement, d'autre part, d'élargir l'habitacle.
On peut donc considérer que toutes les pièces sont terminées. Les roues vont être mises en place. Pour éviter qu'elles ne sortent de l'essieu, elles ont bloquées soit par une goupille, soit par un écrou ou cabochon. Le charron dispose de différentes clefs pour serrer ces écrous.
Ecrous |
Cabochon |
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Clef double à 6 pans Clef double à 6 pans Loire 34 Loire 34 A L 31 L 33 |
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Clef à 6 pans Clef à 4 pans |
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Clef à 4 pans Clef (en l'état!) |
Plus rustique que les précédentes, la clef de gauche a pu être réalisée à partir d'une tarière à tête fourchue.
Les quatre premières clefs sont dites renvoyées, c'est-à-dire coudées par rapport à la poignée. Leurs mâchoires varient de 1,5 à 2,5 cm.
Le charron utilise bien d'autres outils. Certains, comme le compas d'épaisseur, sont communs à d'autres métiers. Il en est de même pour le compas à rondelles déjà vu chez le bourrelier.
Compas d'épaisseur à secteur |
Compas à rondelles (manque le couteau de droite) |
Ce compas est placé ici à cause de sa grande taille : tout-à-fait subjectif !
Le compas à rondelles, ci-dessous, est, par contre, rencontré surtout chez le charron.
Compas à rondelles |
Autre compas, mais est-ce bien un compas !?
Compas ? |
Compas ou outil agricole : voilà la question. La qualité des dents, à section carrée, et de l'acier ferait plutôt évoquer un compas de charron destiné à reporter une mesure constante. Mais cela reste à prouver. Nous n'affirmons rien. Toute information sera la bienvenue. Notre référence : Glossaire du collectionneur d'outils de R.VERDIER, sup. 1, page 33 n°37.
Pour la fabrication des vis, le charron utilise des filières. Nous en avons vu des petites chez le bijoutier, le serrurier (chapitre 3) qui auraient leur place chez le charron. Il en existe de beaucoup plus grosses. Celle que nous vous présentons provient d'un atelier de charron.
Filière Loire L 89 boîtier 17 x 13 vis maxi. 3,5 |
Les tarauds sont les compléments indispensables des filières.
Tarauds |
Pour les réparations des roues, il est nécessaire de soulever la charrette. Le charron dispose de deux types de crics. Le premier, à crémaillère, a déjà été présenté, plus en détail, dans le dossier du charpentier (chapitre 6). On le trouve, également, chez l'agriculteur, le maçon …
Cric à crémaillère |
Autre cric, la chèvre, parfois appelée graissoir, est surtout rencontrée chez le charron, mais aussi chez l'agriculteur.
Cric ou chèvre |
Pour terminer ce chapitre, voici quelques photographies d'outils en vrac et en l'état, prises le jour de la récupération dans un ancien atelier de charron. Nous l'avons déjà dit : nombre d'objets sont pour l'instant dans des locaux inaccessibles.
Outils de la forge |
Outils ou objets divers à identifier : à noter, à droite, le petite calibre |
Vis de réglage d'un frein à patin Ressort |
Dès que cela sera possible, ces dernières pièces seront photographiées à nouveau, après avoir été remises en état.
Dans le prochain chapitre, nous évoquerons succinctement le métier de carrossier.
A suivre …
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE CHARRON – CARROSSIER 4