SANTÉ ET HYGIÈNE
10
ART DENTAIRE ou ODONTOLOGIE
PROTHÈSE EXTRACTION
Dans le chapitre précédent, nous avons évoqué les soins apportés à une dent cariée. Lorsque l'atteinte est très profonde, il est nécessaire de réaliser une dévitalisation de la dent. Cela se fait avec un tire-nerf (aujourd'hui, une broche), sous anesthésie locale, avec ablation de la pulpe et obturation des canaux radiculaires. La dent perd alors toute sensibilité, mais elle se fragilise. Pour la protéger, le chirurgien place sur ce reste de dent (ce peut être un simple moignon) une couronne. En or dès le XVIe siècle, elle a ensuite été réalisée en porcelaine et en acier. Dans la première moitié du XXe siècle, on utilise la technique de la couronne ajustée. La société "Nichrominox" propose un coffret.
Coffret Nichrominox d'anneaux de couronne sans soudure |
Il est composé
- de deux "périmètres" ou "dentimètres", terminés par un fil de laiton, en boucle, de longueur variable qui permet de cercler le moignon taillé et d'en déterminer la circonférence :
Périmètres ou dentimètres |
- d'un triboulet (manquant : voir le métier de Bijoutier) gradué de 6 à 13 mm qui, introduit dans le cercle de laiton, permet de connaître la dimension de l'anneau à utiliser ;
- de 90 anneaux de 15 tailles différentes.
L'anneau choisi est placé sur la dent traitée ou son moignon. Avec du Stent (de Charles Stent : 1807 – 1885), mélange de cire, de talc et de gutta-percha, le chirurgien-dentiste réalise une empreinte "mordue". Le prothésiste coule, en acier, sur l'anneau, la "face occlusale". Celle-ci (la partie supérieure) est ensuite sculptée à l'aide d'une pince à bouteroller.
Pince à bouteroller |
Cette couronne pouvait être réalisée de façon beaucoup plus artisanale, à l'aide d'une fronde à couler les métaux.
Fronde à couler les métaux (or, acier inoxydable) Rhône h 27 plateau en cuivre 10 x 2,6 poignée + tige 35 |
Cette fronde est utilisée en deux temps, non sans risque :
1er temps : on sculpte, en cire, une couronne, un bridge. Dans un cylindre métallique, on place la cire noyée dans du ciment réfractaire en ménageant un cône de coulée pour le métal. On chauffe l'ensemble au rouge ;
2ème temps : au chalumeau, on fait fondre le métal dans le cône de coulée du cylindre ; on tient la fronde de la main droite, par la poignée, et d'un coup sec, on fait tourner la fronde. Le métal fuse jusqu'à l'emplacement de la cire...
La couronne n'évite pas toujours une nouvelle infection, en particulier si l'obturation des canaux radiculaires a été insuffisante. Il faut, alors, enlever la couronne à l'aide d'un arrache-couronne qui rappelle le casse-dent du maréchal-ferrant, toutes proportions gardées, évidemment !
Arrache-couronne |
Malgré tous ces soins, l'extraction peut se révéler nécessaire. Elle se déroule en trois temps théoriques. Pour mieux comprendre, nous présentons de nouveau notre "dessin"...
Cette extraction se déroule en trois temps.
- la syndesmotomie qui consiste à couper le desmodonte ou ligament alvéolo-dentaire, à son niveau cervical. On utilise, pour cela, un syndesmotome.
- la luxation : on cherche à mobiliser la dent. On utilise, alors, des élévateurs.
- enfin l'avulsion ou extraction proprement dite, à l'aide d'une clef ou d'un davier, la fameuse pince ou tenaille de l'arracheur de dent !
Le premier instrument utilisé est donc le syndesmotome.
Syndesmotome |
Syndesmotome |
Syndesmotomes pour dent de |
La luxation de la dent se fait à l'aide d'un élévateur. Les modèles sont assez nombreux, souvent destinés à un type de dent : incisive, canine, prémolaire, molaire…, du haut ou du bas. On parle bien d'art dentaire.
Elévateur droit du haut, pour bloc antérieur (incisive et canine) |
Elévateur coudé |
Elévateur, dit langue de carpe, pour prémolaire et molaire du haut Modèle de Lécluze* Rhône C.ASH & SONS ENGLAND L 12 poignée 10 |
*Louis Lécluze (1711 – 1792)
Elévateur, dit langue de carpe |
Elévateur en baïonnette de Roy, |
Elévateur en baïonnette pour prémolaire et molaire du haut |
Elévateur du Dr Pont pour racines du bas |
Dans la continuité des deux précédents (même fabricant, même manche), ce troisième instrument nous interpelle.
Elévateur ? |
Elévateur du Dr Pont pour le bas du bloc antérieur |
Elévateur pour le bas |
Reste à passer à la troisième étape, l'extraction proprement dite. L'iconographie est nombreuse, montrant dès l'Antiquité ces dents sanguinolentes au bout d'une pince, présentées par un arracheur de dent triomphant, devant un patient tout pâle.
Parmi toutes ces pinces, on retient la clef de Garengeot, du XVIIIe siècle, qui semble dériver d'un instrument anglais, la clef anglaise (à ne pas confondre avec celle du mécanicien). Cette pince était utilisée suivant un mouvement de rotation, comme une clef que l'on fait tourner dans une serrure, d'où son nom. Cette clef représentait un certain progrès, mais n'était pas sans conséquence désastreuse. En même temps que la dent, il n'était pas rare de retrouver, aussi, au bout de la clef, un morceau de maxillaire…
Housse en velours et cuir pour 4 clefs de Garengeot et leurs crochets |
L 13 L 14 |
Les crochets sont maintenus soit par une vis (1, 2, 3), soit par une tige (4).
Clef de Garengeot* Rhône L 13 poignée 10,5 |
*René-Jacques Croissant de Garengeot (1688 -1759)
Cet instrument fut utilisé jusqu'au début du XXe siècle. Bien que de conception antérieure, le davier revint d'actualité dès le début du XIXe siècle, avec, parfois, des résultats tout aussi douteux. Le maxillaire était parfois emporté. Ce n'est que lorsque le davier prit une forme adaptée à la dent qu'il devint la pince préférée pour la luxation. La lecture du catalogue d'Esculape montre plusieurs dizaines de formes différentes : allemandes, anglaises, américaines, de Williger, de Witzel…
Davier |
Ce modèle est utilisé pour les dents du bas et peut être daté de la fin du XVIIIe siècle.
Davier Davier |
Deux modèles identiques provenant de 2 régions différentes, sans nom de fabricant, vers 1850.
Daviers (années 1840 – 1850) Loire 1 L 18 forme coudée anglaise 2 L 16,5 forme droite ( ) 37 3 L 17 davier-sécateur CHARRIERE A PARIS |
|
1 Davier 2 Tenaille |
Pince coupante Loire AUBRY L 19,5 |
La tenaille peut être utilisée comme un davier pour arracher une dent. La pince coupante permet de sectionner une partie de la dent malade.
Autres instruments utilisés pour certaines extractions, le poussoir et le repoussoir :
Poussoir |
Rugine ou repoussoir ou pied-de-biche |
Un instrument identique est présenté par le "Musée virtuel de l'art dentaire". Suivant le catalogue évoqué, il est nommé pied de biche pour extraire les dents temporaires ou repoussoir.
Pour terminer ce dossier consacré à la chirurgie dentaire, voici un dernier instrument que nous n'avons pas identifié : élévateur ou déchaussoir pour dégager la dent de la gencive grâce à son tranchant.
Elévateur, élévatoire, levier, déchaussoir, cure-dent ? |
Ainsi se termine ce rapide aperçu sur la profession de chirurgien-dentiste tant décriée au Moyen-Âge. Il aurait été intéressant de donner quelques noms de praticiens qui ont fait évoluer cet art où se mêlent le manuel et l'intellectuel. Nous n'en citerons qu'un seul : Pierre Fauchard (1678 – 1761), qui est à l'origine de la chirurgie dentaire moderne.
Pour rédiger ce chapitre, nous avons eu les conseils d'un chirurgien-dentiste qui est à l'origine d'une grande partie de notre collection. Nous avons également utilisé le livre déjà cité de Michel Dechaume et Pierre Huard, Histoire illustrée de l'art dentaire, éditions Roger Dacosta, 1977. Ce livre est remarquablement documenté et mérite d'être lu par ceux qui sont intéressés par cette profession.
Pour compléter cet article, nous vous indiquons deux sites remarquables qui nous incitent à rester très modestes :
- Association de Sauvegarde du Patrimoine de l'Art Dentaire
- Musée Virtuel de l'Art Dentaire
FIN
A.R.C.O.M.A. NOS INSTRUMENTS ANCIENS POUR LA SANTÉ ET L'HYGIÈNE
CHIRURGIE DENTAIRE : PROTHÈSE et EXTRACTION