SANTÉ ET HYGIÈNE

 

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BARBIER – BARBANT - BAIGNEUR - PERRUQUIER

 

 

 

Au Moyen-Age, chirurgiens et barbiers ne forment qu'une seule et même corporation. Dans les années 1250, certains d'entre eux décidèrent de se regrouper et de se consacrer à la vraie chirurgie, devenant des chirurgiens-barbiers, laissant aux barbiers-chirurgiens des petits actes comme la réalisation des pansements ou l'incision des anthrax, les saignées, la pose des ventouses… et, bien sûr, tonte et rasage du poil. Ces derniers se voient interdire toute intervention chirurgicale au début du XIVe siècle. En 1372, une ordonnance royale réunit, à nouveau, ces deux professions, sous l'autorité du premier barbier du roi. Les chirurgiens-barbiers tentent d'avoir le soutien des médecins. Mais ceux-ci, jaloux de leurs prérogatives, dédaignant toute activité manuelle, approuvent cette situation. Les chirurgiens-barbiers, comme Ambroise Paré, vont obtenir une certaine autonomie durant le XVIe siècle. Les barbiers-barbants sont créés par Louis XIII, en 1637 : ils ne peuvent que coiffer et baigner ; toute chirurgie leur est désormais interdite. La haine que vouent les médecins aux chirurgiens va rapprocher ceux-ci, à nouveau, des barbiers dont ils vont dépendre, en 1655. Cette fusion va les protéger des médecins qui ne peuvent plus mettre en concurrence les deux professions. En 1668, une ordonnance royale donne l'autorité aux chirurgiens, en précisant notamment que les barbiers sont tenus d'avoir "des boutiques peintes en bleu, fermées de châssis à grands carreaux de verre, et de mettre à leurs enseignes, des bassins blancs pour marque de leur profession, et pour faire différence de ceux des chirurgiens qui en ont des jaunes". Les termes de l'enseigne étaient précisés : X, barbier, perruquier, baigneur, étuviste. Céans, on fait le poil et on tient bains et étuves. Le suffixe " tif " n'existait pas encore…!

Les "bassins blancs" sont en étain, alors que ceux des chirurgiens sont en cuivre jaune. La devanture des boutiques des chirurgiens ne peut être que rouge ou noire.

En 1673, un édit redéfinit les fonctions du barbier-barbant :" Nous avons reconnu dès il y longtemps, dit le roi, que l'usage de faire le poil et de tenir les bains et étuves, et les soins que l'on apporte à tenir le corps humain dans une propreté honneste, estant autant utile à la santé que pour l'ornement et la bienséance, par notre esdit du mois de décembre 1659, nous aurions ordonné l'établissement d'un corps et communauté de barbiers-baigneurs-étuvistes-perruquiers, réduits à deux cens, pour en faire profession particulière, distincte et séparée de celle des maistres chirurgiens-barbiers." Les statuts sont présentés l'année suivante et confirmés en 1718.

Les barbiers-perruquiers sont autorisés à "vendre des poudres, opiats pour les dents, savonnettes, pommades et autres senteurs et essences, pâtes à laver les mains, et généralement tout ce qui est propre pour l'ornement, propreté et netteté du corps humain… [Ils sont seuls habilités] à faire le poil, bains, perruques, étuves et toutes sortes d'ouvrages de cheveux, tant pour hommes que pour femme, sans préjudice du droit que les chirurgiens ont de faire le poil et les cheveux, et de tenir bains et étuves pour leurs malades seulement."

Quant aux chirurgiens, ce n'est qu'en 1743, par déclaration royale, qu'ils acquièrent une totale indépendance et une respectabilité égale à celle des médecins.

Au temps des gaulois et durant une quinzaine de siècles, les cheveux longs et la barbe, fleurie ou non, sont un signe de dignité et de pouvoir. Suite à une blessure, François 1er ne peut suivre cette tradition : vient, donc, la mode des cheveux courts. Chacun fait, ensuite, comme il le souhaite. A nouveau longs au XVIIe siècle, ils seront raccourcis sensiblement au siècle suivant.

Quant à la barbe, fleurie ou non, elle est coutumière jusqu'à Louis VII qui se la fait raser. Elle est de nouveau à la mode grâce à François 1er qui compensa ainsi sa calvitie. Avec Henri III, elle perd de son volume. Moustache et toupet au menton deviennent l'habitude : Louis XIII, Richelieu, les mousquetaires. Nous avons tous leur représentation en tête. Le toupet disparait avec Louis XIV.

Nous allons maintenant passer en revue notre petite collection d'instruments du barbier. Dans ce chapitre, nous verrons ceux qui concernent les cheveux.

En premier lieu, le barbier procède à un lavage des cheveux, du moins à notre époque. Au début du XXe siècle, le rinçage était réalisé à l'aide d'un hydrocape, une douche indépendante.

 

   
 

                                                               Hydrocape
                                                               Loire
                                                               h 28   pomme diam. 6

 

 

 

Un séchage partiel avec une serviette éponge vous donne une tête de hérisson que le coiffeur va faire disparaître en quelques coups de peigne. La coupe va pouvoir commencer. Les ciseaux ont été les premiers à être utilisés pour couper les cheveux : les ciseaux ou, plutôt, les forces, même s'il semble que les ciseaux tels que nous les connaissons aient été inventés dès le 1er siècle de notre ère. Les tondeuses apparaissent au XIXe siècle. Si la forme générale est toujours sensiblement la même, la taille varie en fonction du travail à accomplir. Pour couper largement, on utilise une grande taille ; pour être plus précis, la tondeuse est plus étroite.

 

   

 

 

 

 

 


 
 

                                                 Tondeuse
                                                 Loire
                                                 tail. 4,5   poignées 12

 

 

     

   
 

                                                 Tondeuse
                                                  Loire
                                                  tail. 3   poignées 9,5

 

 

 

Après utilisation, la tondeuse doit être débarrassée des cheveux qui restent entre les dents à l'aide d'une petite brosse à poils souples et à fils métalliques rigides rétractables.

 

 

     
 

                                           Brosse de nettoyage des tondeuses
                                           Rhône
                                           7,5 x 3,5

 

 

 

La paire de ciseaux est évidemment utilisée. Chez la femme, la coupe est suivie d'un amincissement des cheveux à leur extrémité à l'aide d'un peigne à effiler.

 

   
 

               Peigne à effiler     
               Loire            GEBR. LANG
                                     SOLINGEN
                             MADE IN GERMANY
              
L 18,5   tail. 4

 

Ce peigne est équipé d'une lame dite de rasoir.

 

   
 

                                         Lames de rasoir
                                         Isère   MINORA   TIP-TOP   GILLETTE
                                        
5 x 2,5

 

 

 

A partir du XVIIe siècle, le barbier ne se contente plus de couper les cheveux. Il utilise des fers à chaud pour friser, cranter, papilloter (!), anglaiser (!). Le fer est chauffé à l'aide de petits réchauds, à gaz, ou, plus récemment, électriques.

  

   
 

                                               Chauffe-fer à gaz
                                               Essonne
                                               L 21   l 5   rampe 8,5

 

 

 

   
 

                                               Chauffe-fer électrique
                                               Landes
                                               base 18 x 7   bloc chauffant L 12,5   diam. 5

 

 

 

   

 

       
 

                                     Fers à friser
                                     Rhône
                                     1 L 26 COLAS C
                                     2 L 27 MARCEL       ACIER
                                                 DEPOSE             D

                                     3 L 28  ACIER C

 

 

 

 

   
 

                                                   Fer à anglaises (fer arrondi)
                                                   Loire
                                                   L 29   fer chauffé 11

 

 

 

 

   
 

                                                       Fer à crans (fer moins arrondi)
                                                       Loire
                                                       L 26,5   fer chauffé 11

 

 

 

 

   
                                        Fer à crans à 3 branches
                                      Loire
                                      L 27
 

 

 

Le fer suivant, dans une forme entièrement métallique, a été vu à plusieurs reprises sur Internet. Il servirait à repasser les boutons ou les boutonnières (!?).                                                

   
 

                                     Fer à papillote (boucle plate)
                                     Rhône
                                     L 19,5   diam. fer 3

 

                         

 

                                                       

   
 

                                                       Fer à papillote
                                                       Rhône
                                                       L 18   diam. fer 2,5

 

 

Au XVIIe siècle, après la coupe, vient le poudrage des cheveux. Le barbier enduit ceux-ci d'une pommade à base de saindoux. A l'aide d'une houppe à longues soies, il étale, ensuite, une première couche mince de farine de froment. Les quelques cheveux qui dépassent sont ainsi mis en évidence et coupés. Un deuxième passage finit le poudrage. Afin que la farine ne tombe sur les yeux du client, le barbier fournit à celui-ci un cône de papier, un cornet, muni de deux yeux en verre et coupé à son extrémité, pour le passage de l'air. Le client maintient lui-même ce cornet sur son visage.

Beaucoup plus récemment, le barbier, devenu coiffeur, utilise une huile parfumée, la Brillantine qui a pour effet de lisser les cheveux, de les rendre plus souples et, éventuellement, d'en raviver la couleur.

 

   
 

                                                                    Odette
                                                            
PARIS-LYON
                                                           BRILLANTINE
                                                                  
SURFINE

                                                           Rhône
                                                           h 8   base 3,5 x 3,5

 

 

 

Un petit miroir de poche permet de découvrir le nouveau visage.

 

     
 

                                                 Miroir publicitaire
                                                 Rhône       GIBBS
                                                 diam. 5

 

 

 

Et pour parfaire le tout, une petite touche de poudre de riz sur les joues.

  

 

 




 
 

                                        Poudrier avec houppette et miroir (XXe siècle)
                                        Isère               COTY
                                        4,8 x 4,8

 

 

 

 

Nous avons vu dans le chapitre 12 "Les Clystères" que le XVIIe siècle, le Grand Siècle, était celui de Louis XIV, celui du clystère. Il est aussi, avec le XVIIIe siècle, celui de la perruque. La forme est liée à la mode. On en fabrique plusieurs sortes : courtes ou bonnets, en bourse, nouées, d'Abbé, naturelles, "quarrées", à cadenettes, à la brigadière... Le barbier peut également réaliser des compléments aux cheveux naturels : tours de cheveux, tempes, toupets, devants, bichons frisés, chignons relevés… La terminologie est très précise.

Les perruques les plus précieuses sont en cheveux de première qualité qui proviennent de femmes (jamais d'hommes) de la campagne. Les moins couteuses sont faites d'un mélange de cheveux et de crins de cheval (de la crinière, pas de la queue). On utilise également la queue de génisse et de veau, le poil de chèvre, la laine de mouton, le fil de fer (!)… Les cheveux proviennent de France, en particulier de Normandie (les meilleurs), mais aussi de Flandres, de Hollande… Les cheveux de Suisse et d'Angleterre sont souvent roux, blanchis sur l'herbe, d'où leur nom de cheveux herbés ; ils ne peuvent être frisés.

La perruque est fabriquée sur mesure. C'est la première démarche du perruquier qui va prendre un certain nombre de mesures à l'aide d'une bande papier qu'il va reporter sur la tête de son client, à divers endroits : du front à la nuque, d'une tempe à l'autre, d'une oreille à l'autre, d'une joue à l'autre, du milieu du front à chacune des tempes, avec des variantes dans chaque cas. En même temps, le client choisit la couleur.

Le perruquier se met alors au travail : il doit, d'abord, dégraisser les cheveux. Après les avoir réunis en petites touffes, il les saupoudre d'une farine de gruau ou de son et, après un temps de contact, les secoue fortement pour éliminer cette farine. Si cela ne suffit pas, il peut utiliser du savon noir.

Ceci fait, il va trier les cheveux suivant leur longueur, à l'aide d'un séran ou grande carde :

           

   
 

                             Séran ou grande carde
                             Pyrénées orientales
                             Base 23,5 x 9 x 1,7   L pointes 5

 

 

 

Les touffes sont placées dans le serran, pointes côté perruquier. Celui-ci tire à lui les cheveux qui dépassent, donc les plus longs Un fois que ceux auront été regroupés, de plus courts apparaîtront qui seront à leur tour réunis… Le perruquier va ainsi obtenir des petits paquets de cheveux de taille décroissante qu'il va mettre en quinconce pour qu'ils ne se mêlent pas.

Dans l'étape suivante, les cheveux vont être frisés. Pour cela, le perruquier utilise d'abord un étau qui lui est propre : il ressemble à un étau à main, mais est fixé horizontalement sur l'établi. La branche supérieure est rapprochée de l'inférieur grâce à une corde fermée qui la surmonte, qui descend jusqu'au sol et qui est tendue par le pied du perruquier. Autre instrument, le bilboquet qui ressemble à un pilon aux deux extrémités symétriques :

 

     
 

                                   Bilboquet, plus vraisemblablement pilon !
                                   Rhône
                                   L 13,5   diam. 3,5 – 2

 

 

 

L'origine, l'usure et la taille de cet objet laissent penser qu'il s'agit d'un pilon. Nous le présentons tout de même, ici, pour indiquer la forme d'un bilboquet de perruquier.

Notre artisan va donc enrouler des petites touffes de cheveux maintenues dans l'étau sur un bilboquet. Si les cheveux sont longs, il peut utiliser plusieurs bilboquets pour que toute la longueur du cheveu soit ainsi enroulée. Le cheveu est ensuite ficelé fermement sur le(s) bilboquet(s). Tous les bilboquets sont ensuite placés dans de l'eau bouillante pendant 3 heures. Les cheveux sont ensuite séchés à l'étuve, sortis et entasser délicatement les uns sur les autres sur une toile. Cette toile est pliée, faisant une sorte de pâté. Pâté, le mot n'est pas choisi au hasard car ce paquet est porté au boulanger qui l'entoure d'une pâte de seigle et le fait cuire au four ! Après refroidissement, les cheveux regroupés sont à nouveau passés dans une carde de plus petite taille.

 

   

 

     
 

                                 Séran ou carde à 3 pointes
                                 Pyrénées orientales
                                 Base 35,5 x 8,5 x 3,2   L pointes 1,5   3   3,8

 

 

 

         

   

 

     
 

                                   Séran ou carde à 3 pointes
                                   Pyrénées orientales
                                   Base 40 x 8,5 x 3,2   L pointes 1,5   3   3,7

 

 

 

On devine la présence de cheveux sur les plus petites pointes.

 

La longueur des mèches est mesurée à l'aide d'une règle graduée. Les mèches de même longueur sont déliées, puis regroupées par 3 ou 4 en paquets. A ce stade, il peut être nécessaire de mêler les cheveux à du crin. Plusieurs possibilités sont offertes. Les paquets sont déliés, puis soit le crin de même longueur est intégré par un mouvement des ongles des deux pouces, soit un paquet de cheveux et un paquet de crins sont mis dans la carde e dont ils sont retirés un à un et mêlés, soit encore lors du tressage.

Sur un papier, le perruquier trace les mesures de la perruque qui vont indiquer, notamment, comment les paquets vont être positionnés en fonction de leur longueur.

Vient le temps du tressage, réalisé éventuellement par le perruquier, mais plus avantageusement par des tresseuses, plus habiles grâce à la finesse de leurs doigts. "Aucun cheveu ne scauroit servir à la perruque qu'il n'ait été tressé. Tresser est arrangé côte à côte, & l'une après l'autre, des pincées de cheveux qu'on nomme des passées, parce qu'on les engage au moyen d'une espèce d'entrelassement dans plusieurs soies tendues sur un instrument qu'on appelle un Métier.

Ce métier à tresser de perruquier est constitué d'une planche d'environ 60 x 10 cm, percé à ses deux extrémités de trous dans lesquels vont s'insérer deux barreaux amovibles d'une trentaine de centimètres. Celui de droite est muni de poulies fixes, les cartes, sur lesquelles sont enroulés des fils de soie ou métalliques qui vont se rejoindre sur un crochet situé au centre du barreau de gauche. Les barreaux sont tournés pour que les fils soient bien tendus. C'est sur ces fils que l'on va entre-lasser les passées suivant des modalités très variables.

 

   

 

 

     
 

                                       Barreaux de métier à tresser de perruquier
                                       Pyrénées orientales
                                       L 29   base 4   diam. cartes 4

 

 

Dans ce modèle, les crantages inférieurs permettent de maintenir les barreaux et de tendre les fils.                                      

Lorsque les tresses sont finies, le perruquier prend sur ses genoux une for en bois aux mesures de la tête du client. A l'aide de rubans de soie, il forme un squelette sur lequel est cousu un "rézeau", c'est-à-dire un filet très fin de soie. Celui-ci est consolidé par un nouvel assemblage de rubans. Les tresses, enfin, sont cousues sur cette calotte.

Une fois de plus, il s'agit d'un art. Nous nous sommes inspirés de l'ouvrage de François Alexandre de Garsault (1693 -1778), L'Art du Perruquier, 1767, réédition Hachette 2012. Nous avons déjà évoqué ce savant écrivain pour le maréchal-ferrant. Il a rédigé d'autres ouvrages sur des métiers très différents.

 

Pour terminer cette longue série des métiers de la santé et de l'hygiène, nous verrons les instruments du barbier-barbant et baigneur.

 

 

                                                                                                              A suivre…

 

 

 

 

A.R.C.O.M.A.  NOS INSTRUMENTS ANCIENS POUR LA SANTÉ ET L'HYGIÈNE

BARBIER BARBANT, BAIGNEUR, PERRUQUIER