MENUISIERS, ÉBÉNISTES
ET AUTRES MÉTIERS DE "MENU" BOIS
VRILLES, TARIÈRES, DRILLES,
VILEBREQUINS & CHIGNOLES
Le perçage du bois s'obtient par la rotation d'une tige métallique le plus souvent spiralée, rarement droite et fine. Cette tige est :
- le prolongement d'un anneau : vrille entièrement métallique.
- maintenue dans un manche perpendiculaire : vrille et tarière ;
- maintenue dans un mandrin : drille, vilebrequin, chignole ;
On retrouve dans cette description sommaire l'historique de ce type d'outil, depuis l'Antiquité jusqu'au début du XXe siècle.
Vrille et tarière
Vrille et tarière sont les outils les plus simples, sans doute de conception très ancienne (au moins 3 millénaires). La vrille est encore appelée percerette. Le manche est en bois tourné, souvent en buis très résistant. On peut voir des vrilles de toute petite taille à manche en laiton : pour quel métier ? A l'opposé, les charpentiers utilisent des tarières de grande taille pour percer les trous qui recevront les chevilles d'assemblage.
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Panneau d'exposition regroupant tarières et vrilles |
Hormis les vrilles entièrement métalliques qui viennent de la Loire, toutes les autres proviennent des Pyrénées-Orientales.
Sans les passer toutes en revue séparément, nous donnons quelques précisions sur certaines d'entre elles.
Et d'abord les 2 petites tarières :
Tarière à vis hélicoïdale, emmanchement en T, à barillet ou douille |
Tarière à vis hélicoïdale, emmanchement en T, avec méplat |
Photographie de gauche : tiges de 14 à 18 cm ; nombreux manches tournés en buis. Photographie du centre : tiges de 9 à 14 cm ; les 3 du bas ont un manche en buis. Photographie de droite : tiges de 4 à 10 cm ; en haut, au milieu, manche en laiton pour cette vrille de toute petite taille. En bas, 2 amorçoirs à tige pointue droite pour réaliser des avant-trous. |
Plus récemment, peut-être par raison d'économie ou de facilité de fabrication, les vrilles sont faites d'une tige spiralée à une extrémité, en forme d'anneau comme poignée, à l'autre.
Tiges de 14 à 16 cm |
Avant de continuer, ouvrons une petite parenthèse sur l'historique très succinct des drilles (de l'allemand drillen, faire tourner), des vilebrequins (du néerlandais wimmelkijn, tarière) et des chignoles (du latin ciconia, cigogne).
Selon D. Boucard, les drilles étaient utilisés "dans l'Egypte antique". N'ayant pas de documentation précise à ce sujet, nous pensons qu'il faut tout de même faire une distinction entre les différents modèles de drilles. Drilles à archet et à pompe sont sans doute les plus anciens. Bien plus tard, viendront les drilles va-et-vient à vis spiralée. Ces derniers subiront, à leur tour, une évolution avec les modèles à mouvement alterné provoqué par le déplacement linéaire de la poignée mobile, la navette : sens des aiguilles d'une montre et inversement, puis des modèles à mouvement continu grâce à la structure en une succession de losanges de la vis.
Toujours d'après D. Boucard, le vilebrequin ne serait cité qu'à partir du XVe siècle.
Si l'on se reporte aux catalogues de la Manufacture Française d'Armes et de Cycles de Saint-Etienne dont nous disposons, on voit que l'appellation "drille" a perduré très longtemps et pour des outils très différents.
En 1910, "Drille" dans la table des matières nous conduit vers les drilles classiques que nous allons voir, mais aussi vers des machines à percer à engrenages, dites "drilles a main américains" qui seront appelés plus tard "chignoles". Ce mot de chignole n'existe pas dans la table des matières. Quant au "vilebrequin", il est soit de type manivelle, à cliquet ou non, soit à engrenages, dit d'angles.
En 1928, "Chignolles" apparaît dans la table des matières et conduit à une page consacrée effectivement à ce que nous entendons aujourd'hui par "chignoles". Par contre, les outils présentés portent tous le nom de "Machine à percer à main dites drilles" : le mot "chignolles" n'est pas utilisé. "Drille" nous renvoie aux outils précédents et aux drilles va-et-vient. Pour les vilebrequins, apparaît une marque française, mais les modèles sont sensiblement les mêmes.
En 1930, il y a peu de changements : "Chignolles" nous conduit aux mêmes "Machines à percer à main dites drilles" : là encore, le mot chignole n'est pas utilisé. Drilles et vilebrequins sont inchangés.
En 1957, enfin, "Chignoles" et "Drilles" correspondent aux mêmes outils, sur la même page. Les vilebrequins sont inchangés.
A noter, enfin, que ces outils sont encore fabriqués en 2017.
Fermons cette parenthèse, et voyons les outils en question.
Drille
Le drille est un outil de perçage muni d'un mandrin, support de foret. A priori, comme les vrilles, le drille permet de percer des trous de petite taille. On le retrouve dans les métiers du bois, mais aussi d'art (horloger, bijoutier), du cuir, de la pierre.
Les deux premiers drilles sont présentés chez le cordonnier et le bijoutier :
Drille à archet (cordonnier) |
Drille à pompe et masselotte en plomb (bijoutier) |
Drille à mouvement alternatif |
Drille à mouvement alternatif |
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Drille à contrepoids |
On trouve cet outil sur le catalogue MF de 1910 : " Drille à mouvement continu pour percer le bois et le fer. Ce mouvement s'obtient par une sorte de volant à contre-poids qui continue à entraîner le foret dans le même sens lorsqu'on laisse le manche revenir à soi. Ce drille est tout en acier avec porte-foret à serrage automatique et manche en buis, terminé à son extrémité par une réserve de 10 forets, fermée par une pomme en bois verni noir."
Et, pour en terminer avec les drilles, un modèle plus récent, à mouvement continu : la rotation se fait toujours dans le même sens.
Drille à mouvement continu |
La forme de l'extrémité du foret varie suivant que le mouvement est alternatif ou continu. Dans le premier cas, cette extrémité est losangique, plate ou à section en forme de S.
Vilebrequin
Le vilebrequin est en fer forgé, en acier ou en bois. La forme est dite en "C". On peut dire aussi qu'un vilebrequin est une manivelle, avec, à son extrémité supérieure, une pomme ou conscience en bois sur laquelle l'artisan appuie pour obtenir une meilleure pénétration de la mèche dans le bois. Au milieu du "C", une poignée mobile en bois, ou un renflement de l'acier, permet de faire tourner "la manivelle". Enfin, à l'extrémité inférieure, une cage sert de mandrin pour recevoir la mèche, de section carrée ou ronde.
Le pouvoir de pénétration est beaucoup plus important qu'avec les vrilles et les drilles. Les forets ou mèches peuvent donc être d'un diamètre beaucoup plus important. Les fers sont de forme variable : spiralés, creux (gouges), losangiques, à 3 pointes, avec amorçoir, fraise conique, de diamètre variable… La mèche hélicoïdale date de 1770, inventée par un anglais, Cook. Dans l'atelier, ils sont rangés verticalement sur une planche à trous réalisée par l'artisan lui-même.
Support de mèches et mèches Mèche à diamètre réglable au ½ mm |
Les vilebrequins ont sensiblement la même forme. Les plus anciens présentent des décorations (volutes...) : nous en montrons quelques'uns dans d'autres métiers du bois. La section du fer est soit ronde, soit hexagonale : en relation avec l'ancienneté ?
Vilebrequins Loire 1 L 31 cadre 18,5 x 10 à section hexagonale 2 L 29 cadre 18 x 9,5 à section ronde 3 L 27 cadre 16 x 10 à section ronde |
Moins classiques (et à nettoyer !), deux vilebrequins à poignée mobile ou conscience métallique : d'origine, ou restauration ?
Vilebrequin à poignée métallique |
Vilebrequin à conscience métallique |
Ces modèles sont les plus récents. D'autres (début XIXe siècle ?) présentent au niveau de la poignée mobile un simple renflement du fer. L'ajustement de la conscience est variable, parfois suivant le métier.
Vilebrequin |
Vilebrequin Aisne L 29 cadre à renflement 19 x 10 |
Nos amis anglais utilisaient des vilebrequins en bois et bronze dont l'esthétique est remarquable.
Vilebrequin d'origine anglaise |
Le vilebrequin va évoluer vers la fin du XIXe siècle, début du XXe : la mèche est désormais maintenue fermement dans un mandrin ; un mécanisme, le cliquet, permet d'inverser le sens de rotation de ce mandrin. Il existe de très nombreux modèles, avec des mécanismes sensiblement différents.
Vilebrequins à cliquet |
Au chapitre 10, nous présentons le vilebrequin très particulier du chaisier, le menuisier fabricant de chaises.
Chignole
De conception plus récente, la chignole est aussi plus complexe. La rotation du mandrin est provoquée, sous l'effet d'une manivelle, par celle de deux engrenages perpendiculaires l'un à l'autre, le premier étant solidaire de la manivelle. Le plus simple est de voir l'outil !
Petite chignole à 1 vitesse |
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Chignole à 2 vitesses |
Dans certains modèles plus récents, les engrenages sont protégés dans un carter.
Chignole à carter et 2 vitesses |
Et, pour terminer, deux modèles un peu particuliers. Le premier est classiquement appelé vilebrequin à engrenages : à l'arbre en "C" du vilebrequin sont associés les engrenages et la manivelle de la chignole.
Vilebrequin (!) à engrenages, dit d'angles |
Dans le suivant, l'un des engrenages est constitué d'une plaque ronde trouée associée à la manivelle, l'autre est constitué d'ergots.
Chignole à plateau troué, à 2 vitesses |
"Le changement de vitesse s'obtient en dégageant le grand pignon du bâti ; placer ensuite le petit pignon en face de l'un des 2 rangs de trous suivant la vitesse à obtenir. Le rang extérieur donne la plus grande vitesse (MP 1928)".
L'article suivant est consacré à divers outils indispensables au menuisier qui ne peuvent, à eux seuls, constituer un chapitre.
A suivre…
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE MENUISIER, ÉBÉNISTE et MÉTIERS DE MENU BOIS :
6 VRILLES, TARIÈRES, DRILLES, VILEBREQUINS, CHIGNOLES