MENUISIERS, ÉBÉNISTES
ET AUTRES MÉTIERS DE "MENU" BOIS
RABOTS ET OUTILS PARTICULIERS
Ce dernier chapitre sur les rabots est consacré à des outils utilisés pour des fabrications bien particulières. Nous nous contenterons de les citer et de vous montrer ceux que nous possédons pour les persiennes, les croisées, les tables. Il nous en manque énormément. Pour plus de détails quant à la façon de les utiliser, une fois de plus nous vous conseillons de consulter le livre de P. Bouillot et X. Chatellard, "Les Rabots", aux éditions Vial.
Outils pour fabrication des persiennes
Les persiennes sont des volets ajourés constitués d'un cadre et de lames de bois. Les montants verticaux sont pourvus d'entailles obliques percées d'un trou rond en leur centre dans lequel vient s'insérer le tourillon carré de la lame.
Les entailles dans les montants verticaux sont réalisées avec le rabot ou outil à entailles déjà vu dans le chapitre des rabots d'assemblage.
Outil à entailles |
Nous passons sur l'outil pour fausses lames (proche du rabot à élégir) utilisé sur les traverses intermédiaires et le calibre à lames qui sert à donner la même épaisseur à toutes les lames à l'aide d'une varlope.
L'outil suivant évoque une presse avec sa vis en bois. Nous avons vu plus haut que les lames sont terminées par un tourillon carré. Pour gagner du temps, le menuisier réalise ces tourillons sur deux lames à l'aide d'une scie et d'un ciseau. Il met ensuite côte à côte les lames, les deux munies des tourillons étant placées à chaque extrémité. Le tout est inséré dans un châssis à araser. Un conduit est cloué sur l'ensemble, le long des bases des tourillons. Enfin, avec un guillaume à araser les lames de persiennes, le menuisier dégage les tourillons de toutes les lames, à l'identique de ceux des 2 lames placées aux extrémités.
Châssis à araser les lames de persiennes |
Les barres longitudinales sont percées de trous symétriques dans leur partie inférieure, tous les 5 cm. La cale inférieure mobile est positionnée suivant le nombre de lames à travailler.
Guillaume à araser les lames de persiennes Loire Fût 47 x 6 x 8,5 fer 4 |
Le contre-fer est estampillé de la marque "BURNOUD FRERES" dont le dessin est très proche de celui de COULAUX. Les Burnoud, en activité de 1840 à 1870, étaient des quincaillers lyonnais qui vendaient certains fers sous leur nom, fabriqués par Coulaux.
Pour améliorer la jonction entre l'entaille réalisée dans le montant et le tourillon, l'artisan réalise à la base de celui-ci deux encoches à l'aide d'une mouchette (voir rabots de corroyage). Pour les ultimes finitions, il se sert du rabot à replanir et du guillaume à navette (voir rabots d'assemblage).
Mouchette Guillaume à navette |
Outils pour fabrication des croisées
Une croisée n'est rien d'autre qu'une fenêtre. Rien d'autre ne veut pas dire que la fabrication est simple car les éléments constitutifs sont nombreux : le dormant (cadre fixé dans la maçonnerie), l'ouvrant constitué d'un ou deux bâtis carrés ou rectangulaires (vantaux …) composés de montants, de traverses (celle du bas est appelée jet d'eau ; les intermédiaires sont les petits bois), d'un faux-meneau.
Nous n'avons guère d'outils en ce domaine. Espérons… Pas de pestum, pas de tarabiscot, pas d'enlève-carrés, pas de mouton, de noix, de congé, de jet d'eau, de goutte d'eau ! Nous n'avons qu'une gueule de loup et une contre-noix.
La gueule de loup correspond au montant concave du vantail de droite qui vient s'encastrer dans le montant convexe ou mouton du vantail de gauche, derrière le faux-meneau. Qui dit concavité dit fer convexe.
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Gueule de loup |
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Pour limiter le passage de l'air ou de l'eau, le dormant est muni d'une noix (rainure en forme de demi-cercle concave) dans laquelle vient s'encastrer la contre-noix convexe du châssis.
Contre-noix à coulisse |
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* Genthon et Dansard, Lyon vers 1900
Outils pour fabrication de coulisses de table
L'invention de coulisses de table date du début du XIXe siècle. Elles permettent d'accueillir de nombreux convives grâce à des rallonges. Celles-ci sont posées sur des tringles solidaires des pieds et qui coulissent l'une dans l'autre, suivant un assemblage "rainure en queue d'aronde" et "noyau ou noix en papillon".
La rainure est réalisée à l'aide d'un rabot ou d'un guillaume à élégir pour coulisses.
Guillaume à élégir pour coulisses Fût 55 x 8,5 x 7,5 fer Goldenberg 2,2 |
La rainure est, en coupe, rectangulaire. Pour la transformer en queue d'aronde ou trapèze isocèle, il faut rendre obliques et symétriques les deux parois verticales de la rainure initiale. C'est la fonction du guillaume pour coulisses.
Guillaume pour coulisses ou de côté |
Quelques autres rabots
Le rabot à élégir
Parallélépipédique, le rabot à élégir possède une semelle dont la largeur est inférieure à celle du fût, avec deux repos symétriques. Il permet de diminuer l'épaisseur du bois sur une partie de sa surface (l'élégi).
Rabot à élégir Rhône 31 JF 4 GUIME Fût 22,2 x 6 x 7 fer 4 (Goldenberg, avec ACIER FONFU en surcharge) |
Les outils de layetiers
Le layetier est spécialisé dans la fabrication de layettes, c'est-à-dire de petits coffres réalisés avec des planches minces. Le domaine est vaste : boîte à chapeau, à perruque, à archives ; cage à perroquet ; crachoir, mais aussi cercueil. On peut donc penser qu'il devait aussi utiliser des planches d'une certaine épaisseur. Le métier a été rattaché au menuisier et tourneur en 1776.
On trouve, parfois, une confusion entre layetier et emballeur. Il semble que les emballeurs utilisaient surtout de la toile pour réaliser des ballots sur lesquels ils marquaient à l'encre des annotations en relation avec les exigences de la douane, la nature des marchandises transportées... On peut, également, penser que le métier a évolué dans les temps.
Cette confusion se reporte sur les outils employés. En voici quelques' uns. Il y en a bien d'autres.
Hachette dite d'emballeur |
Cet outil est à la fois marteau, hache, arrache-clous et pied-de-biche.
Rabots à caisse, dit de layetier |
Plus racloirs que rabots, ces outils servaient à enlever les étiquettes collées sur des emballages en bois réutilisés.
Le "rabot" suivant, métallique, est souvent appelé "noisette" à cause de sa taille et considéré comme un rabot de luthier. Il a, en réalité, la même fonction que les précédents : éliminer les étiquettes.
Rabot métallique |
Le layetier fabrique des layettes, c'est-à-dire des petits coffres réalisés avec des planches minces. Il produit également des boîtes à chapeaux, à perruque, les souricières, les cages à écureuils et perroquets, les cercueils, les étuis pour instruments de musique... Le domaine d'activité est vaste et l'on comprend pourquoi ils ont été longtemps en concurrence avec les menuisiers et les serruriers. En 1776, ils ont été réunis avec les menuisiers et les tourneurs.
Nous présentons un petit coffret qui pourrait être un coffret dit de messager. Nous pensons qu'il est de la première moitié du XVIIIe siècle, mais nous ne sommes pas des experts. Appelé également "boiste aux lettres", ce type de coffret est connu depuis le Moyen-Âge. Il est en fer forgé, en bois, recouvert ou non de cuir. Il est utilisé pour transporter des livres, surtout pieux, ou des lettres. A priori, il doit être muni d'attaches permettant de le fixer sur un cheval. A l'intérieur du couvercle, on trouve souvent une image religieuse évoquant la Nativité, des scènes de la vie du Christ ou de saints.
Le nôtre est en chêne, sans image, sans attache : ce n'est peut-être qu'une boîte à livres. Il semble qu'il y avait à l'intérieur des compartiments aujourd'hui disparus. L'assemblage des côtés est à queues d'aronde, avec des renforts métalliques en forme de fleurs de lys. Le couvercle possède en son centre un écusson en laiton non décoré. La clef n'est pas d'origine, mais la serrure fonctionne parfaitement.
Coffret de messager ou boiste aux livres ou aux lettres ? Eure-et-Loir L 27 l 15,5 h 15 |
Sur la photographie de gauche, on devine les traces d'une cloison médiane. Sur la paroi du fond, deux encoches laissent penser que l'on pouvait pousser un rayon mobile supporté par les deux tasseaux latéraux.
Sur la photographie de droite, on voit l'assemblage à queue d'aronde et les renforts métalliques.
Le rabot de raboteur
Le rabot de raboteur est utilisé par le parqueteur pour surfacer le nouveau parquet. Notre modèle ne possède ni semelle en acier, ni tourillon sur le nez, mais a la forme générale attendue, avec, notamment, des arrêtes verticales arrondies.
Rabot de raboteur (parqueteur) |
A noter, ici, un fer Goldenberg, très altéré, à l'effigie de Napoléon Ier, avec la mention "SANS RIVAL". Ce type de fer fut proposé à une époque où il était, à nouveau, de bon ton de célébrer la gloire, l'invincibilité, la force de l'empereur et de transposer ces critères à la qualité de l'acier employé (1840, avec le rapatriement de ses cendres). La défaite de Napoléon III, à Sedan, en 1870, mit fin à cette production. On le retrouve chez une dizaine de fabricants ; au total, il existe une trentaine de modèles différents (position des jambes, de l'épée...).
GOLDENBERG MORITZ OHL |
Nous terminons ces 4 chapitres sur les rabots par cette note historique. Nous n'en avons pas fini, toutefois, avec les métiers de menuisier, ébéniste et de "menus bois". Toujours dans le même esprit, nous sommes prêts à partager toutes les remarques qui peuvent être faites sur ces documents qui seront mis à jour au fur et à mesure de nos nouvelles acquisitions.
Pour mémoire, nous présentons d'autres rabots spécifiques de certains métiers du bois ou d'autres matériaux : armurier, carrossier (charron), charpentier, charron, tonnelier, vannier ; maréchal-ferrant ; plâtrier-peintre ; sculpteur sur pierre.
FIN
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE MENUISIER, ÉBÉNISTE et MÉTIERS DE MENU BOIS : 8 - 4
DES RABOTS ET OUTILS PARTICULIERS