MENUISIERS, ÉBÉNISTES
ET AUTRES MÉTIERS DE "MENU BOIS"
LES OUTILS DE TOURNEUR
Le métier de tourneur sur bois est très ancien comme le montre des découvertes archéologiques dans la Rome ancienne et en Egypte. Dès le XIIIe siècle, les tourneurs sur bois appartiennent, comme les menuisiers, à la corporation des charpentiers dans le livre des métiers d'Estienne Boileau. Ils obtiennent des statuts exclusifs en 1467. A cette époque, ils vendent des objets en bois, certains étant fabriqués dans d'autres corporations (de leur propre aveu) : "…par cy devant et de très longtemps ilz ont accoustumés de vendre vans, hotes, bachoes, chasières, paniers couverts d'osier blanc, cajots et cages à poussins, corbeilles et corbillons, picotins, paniers à vendengier, mannes et mannequins, hottereaux, chaserez, coulouers, et autres choses qui sont déppendans et appartenans d'autres mestiers". En 1573, les statuts sont modifiés, allongeant les années d'apprentissage de 3 à 4 ans, mais autorisant la vente d'autres objets : jattes, auges à maçon, pelles, courges, battoirs, échelles, rateliers, quenouilles, fuseaux, cadres de miroirs, pilons, râteaux, fauchets, manches de battoirs pour la paume… Cette liste s'allonge encore en 1600 : manches de parasols, billes de billard… Les chaises font également partie de leur commerce, chaises garnies de jonc ou de paille : les tourneurs sont alors appelés chaisiers. (Nous évoquons leurs outils dans le chapitre suivant, n° 10). Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, ils élargissent encore leur production, en utilisant des matériaux divers : écailles, buis, érable, ivoire : boutons, rouets, ornements pour carrosses, têtes à perruques, bras et jambes artificielles… autant d'objets que la nouvelle société et l'évolution des sciences réclamaient. (Alfred Franklin, Dictionnaire Historique des Arts, Métiers et Professions exercés dans Paris depuis le treizième siècle H. Welter éditeur en 1906 réédition Bibliothèque des Arts, des Sciences et des Techniques, 2004)
Après ce bref historique, évoquons les outils du tourneur. Et commençons par une lapalissade : un tourneur utilise un tour. Nous avons vu dans le chapitre 1 du Charron un tour en l'air classique, utilisable par le tourneur :
Tour en l'air Volant : roue de charron à 12 rais en frêne ; jante composée de 4 segments en frêne, renforcée par 6 secteurs forgés vissés, avec masselottes en plomb d'équilibrage ; moyeu renforcé par 2 frettes forgées ; vilebrequin d'entraînement forgé ; béquille de fixation en frêne ; pédale d'entrainement reconstituée. Equipement : tour à moyeu : 2 poupées en noyer ; longueur maximale entre pointes 60 ; axe fileté recevant une pointe à 3 piques d'entrainement ; montage sur 2 paliers en bronze, à double coussinet ; une poulie à gorge en noyer à décor de gorges et filets sur les flancs. |
(Autres photographies dans "Charron 1")
Cet autre tour, solidaire d'un cadre en bois, est à fixer sur l'établi :
Tour en l'air |
Ce tour, photographié lors de l'une de nos expositions, est actuellement difficile d'accès. Dès que possible, après un bon nettoyage, nous donnerons d'autres renseignements, avec quelques photographies plus précises.
Le tour suivant provient d'une usine de tresses et lacets de la Terrasse-sur-Dorlay. Il était utilisé pour la fabrication des bobines.
Tour en l'air |
Pour enlever de la matière et donner la forme voulue, le tourneur utilise des outils déjà vus, par ailleurs : ciseaux et gouges, munis de manches très longs ou … très courts !
Ciseau |
Gouge |
La série suivante était utilisée par un ouvrier de l'usine Chavanne-Brun, à Saint-Chamond, pour fabriquer des moules de cylindre de laminoir.
On distingue des bédanes, des gouges et des planes (il en existe d'autres : racloir, tronquoir...) : les bédanes, très massifs pour les plus larges, sont utilisés pour calibrer des pièces. Il existe différents modèles de gouge, de largeur et d'épaisseur d'acier variable : à profiler, à dégrossir. Enfin les planes servent à la finition ou, en position sur le côté, pour la réalisation de rainures.
Bédanes |
André Scharwaechter, après avoir travaillé chez COULAUX, crée son entreprise en 1930, à Molsheim. Sur ses outils, à côté de son nom, figure une feuille de chêne :
Gouges Loire 5 L 43 manche 20 fer l 2 MUTZIG-FRAMONT 6 L 47 manche 23 fer l 2,8 GOLDENBERG |
Planes (à ne pas confondre avec la plane à 2 poignées) |
Le tranchant présente de très nombreuses autres formes suivant l'objet à réaliser.
Ciseaux |
Ciseaux |
Ciseaux |
Le travail du tourneur est souvent répétitif : la construction d'une balustrade, de certains embellissement de meubles, pieds de table, ou de jeux de quilles … nécessitent de réaliser le même objet tourné en plusieurs exemplaires identiques. Le contrôle se fait "à l'œil" ou plus souvent au compas dit d'épaisseur. Nous en voyons dans de nombreux autres métiers du bois, du fer, de l'art. Les deux branches sont plus ou moins arrondies. Un quart de cercle ou secteur permet de bloquer leur écartement en une position donnée. Voici deux modèles très proches : un pour gaucher (1), un pour droitier (2).
Compas d'épaisseur, à secteur |
Les tranchants des outils doivent être parfaitement affûtés. Pour la gouge, l'artisan utilise une petite meule d'établi, dite à gouge ou à plomb, comprenant une vingtaine de molettes en plomb, de largeur croissante, adaptée à la largeur de chaque gouge (présentée, également, dans le chapitre 5 du Menuisier).
Meule à gouge ou à plomb |
Pour certaines finitions de petits objets, le tourneur peut maintenir son ouvrage dans un petit étau en bois (utilisé aussi par le sculpteur sur bois).
Etau en bois |
Bien qu'il ne soit plus question de tour, le tourneur sur bois peut manipuler des outils en les faisant tourner. C'est le cas des filières et des tarauds. On ne trouve bien souvent que la filière, plus rarement le couple filière – taraud. Ils servent essentiellement à la fabrication de vis en bois utilisées dans des petits meubles de métier à hauteur variable ou dans des outils à partie mobile. Les plus anciens sont en hêtre, chêne, frêne, cormier, et, parfois, buis, ébène ; les plus récents sont en fonte. Le fer est en forme de "V". Le trou latéral dans le fût termine la mortaise du fer pour éliminer les copeaux.
Filière en buis (?) |
Filière |
Filière et taraud, en ébène de Macassar (?) |
Filière et taraud |
Le tourneur sur bois utilise bien d'autres outils, communes à la plupart des métiers du bois : scie, plane, hache… vus par ailleurs, dans d'autres articles.
Pour finir, voici quelques objets fabriqués par le tourneur.
Le plus récent : une boule de pétanque lyonnaise, en bois clouté : fer, laiton et cuivre, marquée deux fois "C", diamètre 10 cm.
Un support de quenouille à l'oiseau, du milieu du XVIIIe siècle.
Un buffet à 3 corps, de style Louis XIX, datant de la 2ème moitié du XIXe siècle. Versailles oblige, l'austérité du style Louis XIII fait place à une certaine exubérance : boules sur la corniche supérieure, colonnes torses, pieds en rave. On comprend l'utilité des compas d'épaisseur qui permettent de vérifier les dimensions de chaque pièce faite en série. Les colonnes réalisées sur 360° seront remplacées au XIXe siècle par des demi-colonnes.
On retrouve des vis en bois dans des outils présentés par ailleurs.
Bouvet à approfondir Bouvet de 2 pièces |
Boîte à recaler Châssis à araser les persiennes |
Comme souvent, il nous reste d'autres outils, en particulier des ciseaux et gouges : un bon nettoyage s'impose avant de vous les présenter.
FIN
A.R.C.O.M.A. NOS OUTILS ANCIENS DE MENUISIER, ÉBÉNISTE et MÉTIERS DE MENU BOIS :
9 LES OUTILS DE TOURNEUR