LES OUTILS DU BOUCHER
Si, aujourd'hui, le transport des animaux de boucherie se fait par la route dans des camions adaptés, on peut penser qu'autrefois, jusqu'à la première moitié du XXe siècle, la bête venait sur ses pattes ou ses jambes. Les éleveurs et les marchés étaient plus proches des grandes villes ; il ne devait pas y avoir d'échanges entre les différentes provinces. À la campagne, il va de soi que cela ne posait pas de problème.
La première démarche du boucher est de tuer l'animal. D'après l'iconographie, deux procédés étaient utilisés. Après avoir été masquée, ou non, d'un simple linge, la bête est assommée avec une grosse masse en bois ou en fer (comme un marteau de forgeron), puis saignée avec un tranchoir ou un couteau par section de l'aorte. Elle peut être uniquement saignée. Dans les deux cas, le boucher doit être habile et précis : ce n'est pas sans risque, surtout si l'animal n'est pas maintenu correctement… Ce procédé n'est pas sans conséquence pour la qualité de la viande ; certaines chairs sont écrasées au moment de la chute ; quant à la cervelle, c'est un mélange d'os et de sang impropre à la consommation. L'imprécision des coups altèrent tout autant les joues et une partie du collier. La conservation de tous ces morceaux est moins bonne.
Le merlin anglais a été utilisé avec de meilleurs résultats. Là encore, le boucher doit être habile. Il semble que la dureté de la tête des bœufs anglais soit moins importante que celle de leurs homologues français, plus rustiques : Charolais, Nivernais …, d'où son utilisation dans son pays d'origine. L'abattage se fait en deux temps : d'abord sur la vertèbre cervicale, ensuite sur l'os frontal, avec les souffrances que l'on peut supposer entre les deux coups.
En 1877, M. Bruneau, président de la commission de l'abattoir général de la Villette, met au point un nouvel appareil, plus sûr et diminuant les souffrances pour l'animal. Il est composé d'un masque en cuir recouvrant les yeux du bœuf, disposant au niveau du front d'une plaque en fer, percée d'un trou cylindrique, dans lequel on place un boulon. Frappé avec un maillet en buis, il pénètre de 5 à 6 cm dans la cervelle, tuant l'animal immédiatement. Pour plus d'efficacité, le boulon, d'abord pointu, a été percé ou terminé en emporte-pièce pour un meilleur passage de l'air. Le boulon est immédiatement retiré ; on introduit dans le trou un jonc dans la direction de la moelle épinière, bloquant tout mouvement réflexe des membres.
Quel que soit la méthode utilisée, la saignée est réalisée immédiatement après.
Emplacement du boulon |
Masque d'abattage 11005 mc F.BRUNEAU BTÉ SGDG |
Avant le dépeçage, le boucher décolle la peau délicatement : bien souvent, des tanneurs sont à proximité. Il utilise un grand soufflet ou bouffoir dont l'embout assez long pénètre assez loin entre peau et chair.
Bouffoir ou Soufflet à dépecer de boucher Haute-Garonne L 150 soufflet 46 x 37 embout 17 |
En attendant de découper en quartiers la carcasse ou lorsque celle-ci est déjà partiellement débitée, mais encore trop grosse pour être placée sur le billot ou la planche à découper, elle est pendue à l'aide de crochets, esses (en forme de "S") ou allonges à anneaux.
Crochets de boucher 1 Esse L 14,5 Allonges 2 L 20, 3 L 16, 4 L 13,5 |
Le temps est venu de dépecer la bête. Nous parlons, ici, bien sûr, des plus grosses, bovidés, équidés, suidés, ovidés.
De la découpe de la carcasse entière au parage et à la préparation du morceau destiné au client, le boucher doit disposer d'instruments parfaitement tranchants. Il utilise pour cela un fusil à aiguiser.
Fusils à aiguiser 1 fer 25 poignée 14,5 2 " 24 " 10 3 " 21,5 " 10 4 " 19,5 " 10 FISCHER ACIER EXTRA |
Dans un premier temps, le boucher doit couper la carcasse en deux. Les outils sont lourds et tranchants, parfois tenus à deux mains. Nous rencontrons là un problème de terminologie. R.Verdier et D. Boucard parlent de fendoir et de fentoir. Pour le premier, le fendoir est à lame trapézoïdale et à lame droite pour le deuxième. D'où, le fentoir est à taillant droit pour le premier et trapézoïdal pour le second. Quant au Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse, il ne connaît que le fendoir à lame trapézoïdale (ou courbe pour le charcutier) : pas de fentoir. La "feuille" est synonyme de fendoir pour D.Boucard, "utilisée pour séparer en deux par la colonne vertébrale les petits animaux de boucherie". Pour obtenir une coupe nette, une massette pouvait être utilisée en complément. À chacun de conclure et d'en parler à son boucher préféré ! Et si le lecteur est un boucher, qu'il n'hésite pas à donner son avis.
Fendoirs à lame droite ou incurvée 1 fer 21 x 8 poignée 18 2 fer 20 x 9 " 19 3 fer 12 x 7,5 " 11 |
Fendoirs à lame droite ou incurvée 1 fer 20 x 7,5 – 10 poignée 14 2 fer 16 x 8,5 – 10 poignée 14,5 |
Fendoirs à lame droite ou incurvée 1 fer 21 x 8,5 – 10 poignée 20 MV 2 fer 12,5 x 6,5 " 15 |
Feuille à lame trapézoïdale BALAND Fer 16 x 11,5 – 18 ………C E |
(Baland : patronyme retrouvé particulièrement dans les Vosges)
Feuille à lame trapézoïdale Fer 20 x 28 – 16,5 poignée 11 |
Plate et lourde, elle est utilisée pour fendre os et cartilages. À plat, elle sert à écraser les filets de viande.
Les gros os ne peuvent être coupés avec un fendoir : la scie est alors indispensable. La scie de boucher est le plus souvent de forme caractéristique :
Scie à cadre métallique cadre 50 x 13,5 lame 45 poignée 18 PEUGEOT & CIE (Éléphant) …ON ST CHAMOND |
Scies à cadre métallique 1 cadre 58 x 15 lame 53 poignée 17 2 cadre 48,5 x 14 lame 45 poignée 16 |
Le boucher doit ensuite parer la viande, séparer chair et os, tendons. Que ce soit avec les fendoirs, les feuilles ou les couteaux, le boucher utilise un billot ou une planche à découper en bois pour protéger le tranchant de la lame et protéger le fil.
Planche à découper Poignée 14 table 38 x 30 poids 5,3 kg |
Planche à découper Poignée 5,5 table 39 x 31 poids 2,7 kg |
Planche à découper Poignée 9 table 45 x 20 poids 2,3 kg |
Pour le parage proprement dit, les couteaux dits à désosser ont une lame plutôt courte et rigide. Ils permettent de séparer la chair de l'os, d'enlever la graisse et les tendons. Le couteau à découper présente une lame longue et lisse ; il est utilisé pour découper les gros morceaux en tranches.
Couteaux 1 Couteau à saigner : lame 17,5 poignée 13 2 Couteau à désosser : lame 11 " 12,5 3 Couteau à désosser : lame 12,5 " 12,5 VERITABLE ( ) BRESDUCK SABATIER ( ) PARIS-FRANCE CHEF DU RITZ |
La viande peut être alors vendue en l'état. Elle peut également subir des transformations. La plus simple est de chercher à la rendre plus tendre pour la rendre plus facile à mâcher. On utilise un attendrisseur.
Attendrisseur carré 5,5 x 5,5 ; ovale 6 x 5 manche 37 |
La partie carrée à plots pyramidaux sert à briser les fibres musculaires ; la partie ovale sert à aplatir la viande.
Autre ustensile, le hachoir. Si les formes peuvent être variées, le principe est toujours le même : à l'aide d'une manivelle, une hélice ou vis hélicoïdale fait progresser la viande qui est poussée vers un couteau et traverse une grille à trous.
Hachoir Socle 31,5 x 20 cylindre 33,5 x 9 entonnoir 9 x 6,5 |
Une particularité dans ce hachoir en fer blanc : l'hélice est en bois.
Dernier ustensile : l'embossoir ou poussoir à saucisse, utilisé surtout par le charcutier. La saucisse est préparée à partir d'un mélange de maigre et de gras provenant de porc, de bœuf ou de veau ou à partir d'abats (foie, tripes) que l'on embosse dans un boyau de porc ou de mouton.
Embossoir en fer blanc L tot. 46 poignées 10 piston 36,5 |
Ainsi se termine cette présentation de notre modeste collection d'outils de boucher. Vous pouvez découvrir d'autres ustensiles pour le traitement de la viande dans la rubrique "Vie domestique", "Alimentation".
FIN
Bibliographie
Nouveau dictionnaire de la vie pratique, Librairie Hachette, 1923
D.Boucard, Dictionnaire des outils, éd. Jean-Cyrille Godefroy, 2006
R.Verdier, Glossaire du collectionneur d'outils, 1ère partie, Editions du Cabinet d'expertises, 1997